L invention du mythe des races en Grèce archaïque - article ; n°3 ; vol.215, pg 307-339
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Revue de l'histoire des religions - Année 1998 - Volume 215 - Numéro 3 - Pages 307-339
On semble considérer d'ordinaire que, dans les Travaux et les jours d'Hésiode, les deux grands mythes successifs de Prométhee et des races sont deux vieux mythes de même nature. On peut montrer pourtant que le mythe des races est en fait une sorte de révision critique du mythe de Prométhee, tout comme, dans la Bible, le premier récit de la Genèse doit être situé par rapport au deuxième, plus archaïque. Cette démarche comparative permet de voir dans le caractère créatif et critique de la pensée mythique une donnée anthropologique assez générale, longtemps minimisée par les approches structuralistes.
The invention of the myth of ages in Archaic Greece
The two great successive myths in Hesiod's Works and Days - the myth of Prometheus and the myth of Ages - are usually seen as two old myths of the same nature. However, it is possible to show that the myth of Ages is actually a kind of critical reassessment of the myth of Prometheus, just as in the Bible, the first narrative of Genesis must be placed in relation to the second one, which is more archaic. Thanks to this comparative proceeding, the creative and critical nature of mythical thought will appear as a fairly general anthropological fact, long minimized by the structuralist approach.
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alain Ballabriga
L'invention du mythe des races en Grèce archaïque
In: Revue de l'histoire des religions, tome 215 n°3, 1998. pp. 307-339.
Résumé
On semble considérer d'ordinaire que, dans les "Travaux et les jours" d'Hésiode, les deux grands mythes successifs de
Prométhee et des races sont deux vieux mythes de même nature. On peut montrer pourtant que le mythe des races est en fait
une sorte de révision critique du mythe de Prométhee, tout comme, dans la Bible, le premier récit de la "Genèse" doit être situé
par rapport au deuxième, plus archaïque. Cette démarche comparative permet de voir dans le caractère créatif et critique de la
pensée mythique une donnée anthropologique assez générale, longtemps minimisée par les approches structuralistes.
Abstract
The invention of the myth of ages in Archaic Greece
The two great successive myths in Hesiod's Works and Days - the myth of Prometheus and the myth of Ages - are usually seen
as two old myths of the same nature. However, it is possible to show that the myth of Ages is actually a kind of critical
reassessment of the myth of Prometheus, just as in the Bible, the first narrative of "Genesis" must be placed in relation to the
second one, which is more archaic. Thanks to this comparative proceeding, the creative and critical nature of mythical thought
will appear as a fairly general anthropological fact, long minimized by the structuralist approach.
Citer ce document / Cite this document :
Ballabriga Alain. L'invention du mythe des races en Grèce archaïque. In: Revue de l'histoire des religions, tome 215 n°3, 1998.
pp. 307-339.
doi : 10.3406/rhr.1998.1130
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1998_num_215_3_1130ALAIN BALLABRIGA
Centre national de la recherche scientifique
Centre d'anthropologie (Toulouse)
L'invention du mythe des races
en Grèce archaïque
On semble considérer d'ordinaire que, dans les Travaux et les
jours d'Hésiode, les deux grands mythes successifs de Prométhee et
des races sont deux vieux mythes de même nature. On peut montrer
pourtant que le mythe des races est en fait une sorte de révision
critique du mythe de Prométhee, tout comme, dans la Bible, le premier
récit de la Genèse doit être situé par rapport au deuxième, plus
archaïque. Cette démarche comparative permet de voir dans le
caractère créatif et critique de la pensée mythique une donnée
anthropologique assez générale, longtemps minimisée par les
approches structuralistes.
The invention of the myth of ages in Archaic Greece
The two great successive myths in Hesiod's Works and Days - the
myth of Prometheus and the myth of Ages - are usually seen as two
old myths of the same nature. However, it is possible to show that the
myth of Ages is actually a kind of critical reassessment of the myth of
Prometheus, just as in the Bible, the first narrative of Genesis must be
placed in relation to the second one, which is more archaic. Thanks to
this comparative proceeding, the creative and critical nature of
mythical thought will appear as a fairly general anthropological fact,
long minimized by the structuralist approach.
Revue de l'histoire des religions, 215-3/1998, p. 307 à 339 POSITION DU PROBLÈME : 1.
L'ANNONCE DU MYTHE DES RACES
(TRAV. 106-108)
Après avoir exposé le mythe de Prométhee et de Pandora
(Travaux, 42-105), Hésiode annonce le mythe des races (109-
201) par un groupe de trois vers (106-108) difficiles et
cruciaux :
« Si tu le veux, je vais développer un autre récit, avec art et savoir ; et
toi mets dans ton esprit que dieux et mortels ont même origine. »
Eî 8' èQsXetç, eTîpov toi Xóyov еххорифшсо)
eu xaî è~tCTTau.évcoç' au S' èvï фресть [SáXXso afjTtv
t' оЬбрсоттои oje, ÓllÓOsv yeyítXGi Oso!, GvtqtoÍ
Laissant pour un développement ultérieur le vers 108 avec son
énigmatique allusion à une commune origine des dieux et des
mortels, je ferai d'abord remarquer que ma traduction du
premier vers s'écarte de celle de Paul Mazon dans son édition
des Belles Lettres (1928). En effet, ce dernier rendait le vers 106
par « je couronnerai mon récit par un autre » traduisant le
groupe objet « un autre récit » comme s'il était un complément
de moyen. Cette traduction résulte sans doute du désir d'établir
un lien entre les deux mythes successifs, le mythe de Prométhee
et celui des races. Or le texte justement n'offre pas une telle idée
et l'altérité du mythe des races y est au contraire affirmée de
façon abrupte1.
1. Les problèmes philologiques posés par l'expression ŽTspov Xóyov èxxo -
рифлено sont analysés de façon approfondie par Gerry Wakker, Die Ankundigung
des Weltaltermythos (Hes. Op. 106-108), Glotta, 68, 1990, 86-90. A mon avis il
faut surtout retenir que le verbe еххорифоСл» est seulement attesté une deuxième
fois dans un passage du traité hippocratique Des Maladies IV, où un développe
ment (42-48) sur les cycles de trois jours et le caractère critique des jours impairs
se trouve conclu par l'expression оСтсо Ы uoi outoç 6 Xoyoç r.iq, еххехорифсотзи
« De la sorte cet exposé est complètement achevé ». Dans son édition de ce traité,
Robert Joly (Belles Lettres, 1970) signale que cette phrase est comparable à celle
qui termine la Nature de l 'enfant : outoç ó Xoyoç &8s eîprjuivoç ï-xç. téXoç e-/£l
« Ainsi prend fin mon exposé complet ». En conséquence èxxop^ouv doit simple
ment être considéré comme un synonyme, peut-être plus imagé, de s L'INVENTION DU MYTHE DES RACES 309
Elle y est même soulignée avec emphase par les deux adver
bes eu kai epistamënos1 « avec art et savoir » alors que le mythe
de Prométhee est introduit par un simple gar «en effet»
(v. 42). D'emblée on a l'impression que dans l'esprit d'Hésiode
le mythe des races possède plus de valeur que le mythe de Pro
méthee. A ma connaissance cette impression n'a jamais fait
l'objet d'une analyse vraiment poussée. Tout semble se passer
comme si les hellénistes éprouvaient de la répugnance à envisa
ger qu'un mythe grandiose et fondamental ait pu être mis à
distance par un poète archaïque comme Hésiode3.
On possède pourtant quelques exemples de faits analogues
dans la littérature grecque archaïque. Ainsi le poète Stésichore
rejette le mythe traditionnel d'Hélène (oùx îax è'rjtxoç xoyoç
outoç « il n'est pas vrai ce récit ») pour lui substituer une nouv
elle version4. D'une façon générale, en Grèce archaïque
comme vraisemblablement dans bien d'autres cultures, la cri
tique du mythe est un phénomène précoce et capital. La créa
tion mythique est indissociable d'une évaluation critique des
diverses versions. La pensée mythique est un phénomène spé
culatif complexe et ouvert même là où elle ne se désiste pas en
faveur du rationalisme.
Cette donnée anthropologique assez générale permet de
relativiser l'importance des discussions lexicales sur l'emploi
de muîhos et de logos en grec ancien. Il est vrai et il importe
de rappeler qu'en grec archaïque logos ne s'oppose pas à
muîhos comme c'est le cas dans certains passages de Platon et
d'Aristote : muthos et logos sont deux synonymes signifiant
« achever, mener à terme ». Dans des cas de ce genre, plus nombreux qu'on ne
pense, il faut savoir résister à la tentation de considérer le grec épique comme une
langue primitive systématiquement différente du grec classique.
2. Dans la translittération du grec, les signes e et о notent respectivement le
êta et le oméga et le iota souscrit est adscrit.
3. Le récent travail de Marie-Christine Leclerc, « Poésie et religion chez
Hésiode », Discours religieux dans l'Antiquité (Actes du Colloque de Besançon,
27-28 janvier 1995), 1 17-130, est très symptomatique à cet égard. Elle reconnaît à
juste titre, comme on tend à le faire de plus en plus, la dimension fictive de la
poésie hésiodique mais se refuse à en tirer toutes les conséquences à propos du
mythe de Prométhee.
4. Stésichore, fr. 192 Davies = Platon, Phèdre, 243 A. 310 ALAIN BALLABRIGA
« parole

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