La divinité du mont Bégo (Alpes-Maritimes). Première approche d’après l’histoire comparée des religions - article ; n°4 ; vol.197, pg 355-407
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La divinité du mont Bégo (Alpes-Maritimes). Première approche d’après l’histoire comparée des religions - article ; n°4 ; vol.197, pg 355-407

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Revue de l'histoire des religions - Année 1980 - Volume 197 - Numéro 4 - Pages 355-407
Les gravures rupestres du mont Bégo, remontant à l'âge de Bronze, semblent bien évoquer le « dieu d'eau » de la cosmogonie dogon, tel que nous l'a révélé Marcel Griaule, descendant du ciel sur la terre dans une arche où il amenait tout ce qui vit, ainsi que les diverses techniques nécessaires à la survie des hommes, qu'il allait leur enseigner par la parole, notamment l'agriculture. Il se manifeste ici comme un dieu-taureau qui est en même temps un dieu-poignard, cet exemple sans égal d'hoplolâtrie se laissant ramener à un culte primitif de la pierre et de la montagne. Les âmes des défunts venaient lui demander, comme à la montagne dominant au nord le pays dogon, la provision d'eau requise pour leur long voyage dans l'au-delà et saint Michel, traditionnel patron du comté de Nice, indique assez que son prédécesseur païen s'anthropomorphisa dans le Mercure gaulois : dieu psychopompe, assumant aussi bien l'aspect guerrier de Mars ou d'Hercule (Ogmios), il restait une divinité de l'eau et du rocher, porteur de la « parole », inventeur de l'écriture celtique (ogam).
53 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 129
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jacques-Numa Lambert
La divinité du mont Bégo (Alpes-Maritimes). Première approche
d’après l’histoire comparée des religions
In: Revue de l'histoire des religions, tome 197 n°4, 1980. pp. 355-407.
Résumé
Les gravures rupestres du mont Bégo, remontant à l'âge de Bronze, semblent bien évoquer le « dieu d'eau » de la cosmogonie
dogon, tel que nous l'a révélé Marcel Griaule, descendant du ciel sur la terre dans une arche où il amenait tout ce qui vit, ainsi
que les diverses techniques nécessaires à la survie des hommes, qu'il allait leur enseigner par la parole, notamment l'agriculture.
Il se manifeste ici comme un dieu-taureau qui est en même temps un dieu-poignard, cet exemple sans égal d'hoplolâtrie se
laissant ramener à un culte primitif de la pierre et de la montagne. Les âmes des défunts venaient lui demander, comme à la
montagne dominant au nord le pays dogon, la provision d'eau requise pour leur long voyage dans l'au-delà et saint Michel,
traditionnel patron du comté de Nice, indique assez que son prédécesseur païen s'anthropomorphisa dans le Mercure gaulois :
dieu psychopompe, assumant aussi bien l'aspect guerrier de Mars ou d'Hercule ("Ogmios"), il restait une divinité de l'eau et du
rocher, porteur de la « parole », inventeur de l'écriture celtique ("ogam").
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Lambert Jacques-Numa. La divinité du mont Bégo (Alpes-Maritimes). Première approche d’après l’histoire comparée des
religions. In: Revue de l'histoire des religions, tome 197 n°4, 1980. pp. 355-407.
doi : 10.3406/rhr.1980.4991
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1980_num_197_4_4991LA DIVINITÉ DU MONT BÉGO
(ALPES-MARITIMES)
d'après l'histoire comparée Première des approche religions
Les gravures rupestres du mont Bégo, remontant à l'âge de
Bronze, semblent bien évoquer le « dieu d'eau » de la cosmogonie
dogon, tel que nous l'a révélé Marcel Griaule, descendant du
ciel sur la terre dans une arche où il amenait tout ce qui vit, ainsi
que les diverses techniques nécessaires à la survie des hommes,
qu'il allait leur enseigner par la parole, notamment l'agriculture.
Il se manifeste ici comme un dieu-taureau qui est en même temps
un dieu-poignard, cet exemple sans égal d'hoplolâtrie se laissant
ramener à un culte primitif de la pierre et de la montagne.
Les âmes des défunts venaient lui demander, comme à la
montagne dominant au nord le pays dogon, la provision d'eau
requise pour leur long voyage dans l'au-delà et saint Michel,
traditionnel patron du comté de Nice, indique assez que son
prédécesseur païen s' anthropomorphisa dans le Mercure gaul
ois : dieu psychopompe, assumant aussi bien l'aspect guerrier
de Mars ou d'Hercule (Ogmios), il restait une divinité de l'eau
et du rocher, porteur de la « parole », inventeur de l'écriture
celtique (ogam).
Le mont Bégo est cette montagne des Alpes du Sud,
enneigée dix mois de l'année, qu'on aperçoit de Vintimille,
dominant fièrement la vallée de la Roy a. Sa particularité est
d'être enceinte de vallées (vallée des Merveilles, vallon de
Fontanalba) qui offrent, à la surface polie et le plus souvent
ocre de leurs rochers, des dizaines de milliers de gravures,
Revue de l'Histoire des Religions, cxcvn-4/1980 356 Jacques Lambert
dont on fait communément remonter les plus anciennes à
l'âge du Bronze ancien (ca 1800 av. J.-C).
La première idée qui vient à l'esprit est qu'elles auraient
été l'œuvre des bergers et, de fait, la transhumance saison
nière s'y poursuit aujourd'hui encore, dénuée désormais de
la charge symbolique qui devait être la sienne quand la régé
nération des taureaux suggérait naturellement celle des
hommes.
On sait bien cependant que la gravure, comme la peinture
rupestre, fut d'abord un secret. Seuls des personnages de
nature religieuse, qui le détenaient, pouvaient exécuter de
telles figures. Aussi considère-t-on très généralement que le
mont Bégo et toute la zone des gravures avaient valeur de
sanctuaire à ciel ouvert.
« Un fait, écrivait le regretté Nino Lamboglia1, semble
désormais acquis par tous : c'est que la grandiose manifesta
tion d'art préhistorique inscrite sur les pentes du mont Bégo
a une signification religieuse... Il s'agit d'un culte topique du
genre de ceux qui ont été rendus souvent dans la Préhistoire
aux sommets des montagnes. »
Est-il possible d'en dire plus en interrogeant ces gravures ?
L'archéologie, à elle seule, ne saurait fournir de réponse,
mais l'histoire comparée des religions peut aider à rendre
compte de certains des éléments qu'elle nous apporte en pro
posant un double objet de recherche : faut-il trouver en ces
lieux la trace d'une quelconque épiphanie divine ? Peut-on
découvrir quelque indice de ce qu'en espéraient les hommes
en s'y rendant ?
La première chose qui frappe à la vallée des Merveilles,
c'est le site. On sait que les primitifs sont extraordinairement
sensibles aux sites : tout ce qui apparaît d'anormal, d'excep-
1. Les gravures préhistoriques du mont Bégo, Cahiers d'Histoire et d'Archéol
ogie, 1947, réimpr. par l'Institut international d'Etudes ligures (Bordighera),
1957, p. 9. La divinité du mont Bégo 357
tionnel dans la nature capte aussitôt leur attention. Ils y
voient la présence mystérieuse de forces surnaturelles. En
Chine existait toute une science des sites, la géomancie, qui
avait ses professeurs et ses étudiants, avec un cycle d'études
de plusieurs années.
Or, le site des Merveilles est saisissant, un chaos de deux
éléments : l'eau et la roche, un enchevêtrement de petits
lacs et de rochers.
En fait, une semblable composition de paysage se rencontre
en bien d'autres lieux. Notamment en Afrique, au Sahel, c'est
celle du haut lieu des Dogon : la dépression des lacs Débo,
envahie par les eaux du Niger au moment de la crue, tout
entière dominée à l'entrée, au sud-est, par des collines
rocheuses, de dimension variable, parfois très escarpées et
dont certaines forment des îles aux plus hautes eaux2.
Les « rochers » de cette région du lac sont les témoins de la
descente du ciel et de l'impact sur la terre de l'arche du « dieu
d'eau », le Nommo. « Le plus grand, Gourao, est, disent les
Dogon, comme le ciel où la caisse est sortie et descendue. »
« Au sommet, précisent Griaule et Mme Dieterlen, une
table de pierre entourée de pierres levées — les étoiles — repré
sente l'arche pendant la descente dans le ciel. Le rocher est
d'ailleurs jalonné de pierres levées, de dimensions variables,
depuis le dolmen jusqu'à l'extrême pointe qui descend vers
le lac en direction de l'ouest »3.
L'arche s'était posée non loin d'une caverne nommée kaba
« ciel nuageux » ou plus communément ka, auprès de laquelle
se forma une excavation qui devint la première mare (le
premier lac)4.
Dans une grande caverne, « une série de peintures à l'ocre
rouge représentent le Nommo et sa jumelle d'abord au ciel,
puis sur la terre, et les ancêtres de l'arche »5. Car, dans cette
2. M. Griaule et G. Dieterlen, Le renard pâle, p. 458 et fig. 173, p. 459.
3. Ibid., p. 458 et pi. XXI, 1.
4. G. Dieterlen, Mythe et organisation sociale au Soudan français, Journal
de la Société des Africanistes, XXV, 1955, p. 45.
5. Griaule-Dieterlen, Renard pâle, p. 460. 358 Jacques Lambert
arche céleste, le dieu apportait d'abord la vie, la génération,
les exemplaires de tous les êtres animés, c'est-à-dire, bien sûr,
comme l'arche de Noé6, de toutes les espèces animales, et, au
premier chef, les huit ancêtres humains mythiques dont
prétendent descendre les Dogon.
Un autre grand rocher, dont les vastes flancs sont jalonnés
de cavernes portant un grand nombre de peintures rupestres
à l'ocre rouge, Soriba, est l'empreinte du pied gauche du
Nommo sortant de l'arche pour prendre possession du sol7.
La trace de cet écrasement du sol par le pied du Nommo est
comparée à l'empreinte d'une « sandale de cuivre

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