Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au XVIIIe siècle - article ; n°1 ; vol.19, pg 4-26
24 pages
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Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au XVIIIe siècle - article ; n°1 ; vol.19, pg 4-26

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Genèses - Année 1995 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 4-26
M. Porret : Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au xvme siècle Durant l'Ancien Régime, l'incrimination des délinquants repose sur une pratique pénale conduite selon les normes de l'arbitraire dans la qualification du crime et dans la motivation de la peine. Basé sur les réquisitoires des procureurs généraux en charge dans la République de Genève entre 1738 et 1792, cet article veut montrer que cet arbitraire traditionnel est fortement ordonné au xviiie siècle (c'est-à-dire limité) selon la théorie des circonstances «aggravantes» ou «atténuantes» de chaque délit dont l'inventaire, parfois infini, conduit à la motivation moins arbitraire de la sentence criminelle
Prosecutors' closing speeches in 18th century Geneva Criminal prosecution during the Ancien Régime was guided by the arbitrariness of judges who incriminated felons according to the theory of circumstances surrounding the crime. In the eighteenth century, the closing speeches for the prosecution written by the public prosecutors of Geneva provide valuable insight into the everyday practice of arbitrariness which in fact was regulated by the «mitigating» or «aggravating» circumstances of every criminal case. As a consequence, the justification of criminal sentences became less arbitrary.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Porret
Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au XVIIIe
siècle
In: Genèses, 19, 1995. pp. 4-26.
Résumé
M. Porret : Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au xvme siècle Durant l'Ancien Régime, l'incrimination des
délinquants repose sur une pratique pénale conduite selon les normes de l'arbitraire dans la qualification du crime et dans la
motivation de la peine. Basé sur les réquisitoires des procureurs généraux en charge dans la République de Genève entre 1738
et 1792, cet article veut montrer que cet arbitraire traditionnel est fortement ordonné au xviiie siècle (c'est-à-dire limité) selon la
théorie des circonstances «aggravantes» ou «atténuantes» de chaque délit dont l'inventaire, parfois infini, conduit à la motivation
moins arbitraire de la sentence criminelle
Abstract
Prosecutors' closing speeches in 18th century Geneva Criminal prosecution during the Ancien Régime was guided by the
arbitrariness of judges who incriminated felons according to the theory of circumstances surrounding the crime. In the eighteenth
century, the closing speeches for the prosecution written by the public prosecutors of Geneva provide valuable insight into the
everyday practice of arbitrariness which in fact was regulated by the «mitigating» or «aggravating» circumstances of every
criminal case. As a consequence, the justification of criminal sentences became less arbitrary.
Citer ce document / Cite this document :
Porret Michel. Les réquisitoires des procureurs généraux de Genève au XVIIIe siècle. In: Genèses, 19, 1995. pp. 4-26.
doi : 10.3406/genes.1995.1289
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1995_num_19_1_1289DOSSIER
Genèses iç, avril 1995, p. 4-26
LES REQUISITOIRES
DES PROCUREURS
GENERAUX
Le crime contre la société DE GENÈVE
Hier ou aujourd'hui, une grande partie de la crimi
AU XVIIIe SIÈCLE1 nalité réprimée est inhérente à une culture de la
violence qui s'enracine dans un paupérisme
favorisant la reproduction de la délinquance : réalité de
l'anomie sociale dont témoignent les archives judiciaires
Michel Porret de l'Ancien Régime ou la sociologie de la criminalité de
sang contemporaine. Nés de l'errance et du déracine
1. Cet article s'insère dans ment social que peuvent accroître les disettes de l'Ancien
la problématique de ma thèse consacrée Régime, spontanés ou organisés, les crimes des pauvres à la modernisation du régime pénal
sont nombreux dans la société traditionnelle2. La misère genevois durant l'Ancien Régime :
Le crime et ses «circonstances». structurelle et conjoncturelle des sociétés traditionnelles,
De l'esprit de l'arbitraire au siècle des
rurales ou urbaines, engendrait une criminalité de sang Lumières (sous presse). Les procès
criminels utilisés ici (dorénavant PC), spécifique à certaines situations sociales dramatiques, par
dans lequels se trouvent exemple celles des femmes séduites et abandonnées, les «Conclusions» du Procureur général
incriminées pour avoir «exposé leurs enfants», voire pour de la République auxquelles ce travail
renvoie (dorénavant «Conclusions répondre du crime capital d'infanticide3.
du PG») se trouvent tous aux Archives
d'État de Genève (AEG). Par ailleurs, cette «vie fragile» du monde européen
traditionnel suscitait une sous-culture de l'illégalisme 2. Michael Levi, «Violent Crime»,
in Mike Maguire, Rod Morgan, Robert (contrebande, fausse-monnaie, délits forestiers, vols qual
Rainer (éds), The Oxford Handbook of ifiés par la nuit ou l'effraction, etc.) trouvant le terreau Criminology, Oxford, Clarendon Press,
de sa reproduction dans les institutions disciplinaires 1994, pp. 295-353; Florike Egmond,
Underwords. Organized Crime in chargées d'endiguer la marginalité sociale (hôpital générThe Netherlands 1650-1800, Cambridge,
al, maison de force, galères, etc.). Craints, tolérés ou Polity Press, 1993 (fine et remarquable
approche qualitative de la criminalité dénoncés, sanctionnés par une pénalité infamante visant
traditionnelle dans le cadre hollandais à flétrir le corps et l'honneur, les illégalismes populaires de l'Ancien Régime).
traduisaient d'archaïques attitudes d'autoconservation 3. Yves Bongert, «L'infanticide au
sociale dans le cadre d'un monde renforçant progressivesiècle des Lumières », Revue historique
de droit français et étranger, 2, 1979, ment une culture savante et juridique, nécessaire à la
pp. 247-257 ; Olwen Hufton, The Poor protection des individus et des biens. of Eighteenth-Century France 1750-
1789, Oxford, O.U.P., 1974, pp. 318-351; Entraînée par la croissance des délits individuels ou K. Wrightson, "Infanticide in European
collectifs, la répression du crime peut être qualifiée, History", Criminal Justice History, an
International Annual, III, 1982, pp. 1-20. selon Durkheim, comme un processus de «réaction» éta- dont la force et la cohérence dépendent à la fois tique,
du développement des institutions et des principes de
légalité dont disposent les magistrats, détenteurs du pou
voir de contrainte et chargés d'incriminer les délin
quants. Durant l'Ancien Régime, cherchant à renforcer
le tissu social autour de quelques valeurs consensuelles,
l'objectif avoué de la répression ne «saurait être, en
effet, de tourmenter un être sensible, mais seulement
d'empêcher le coupable de nuire désormais à la
société»4. Devant sanctionner le «mépris» affiché envers
les lois positives et consolider la «vertu civile», c'est-à-
dire renforcer la hiérarchie sociale inhérente à la société
d'ordre de l'Ancien Régime, la «justice criminelle est
celle qui a pour objet la punition des crimes» et la prohi
bition du recours privé (vendetta)5.
Plaçant la protection de la vie humaine et le maintien
de l'«ordre public» comme priorité dans l'urgence
répressive, les doctrinaires, ou les praticiens-pénalistes
du xvine siècle, tentent de rendre systématiques les
quelques normes de l'incrimination judiciaire de la pro
cédure inquisitoire, réglée en France jusqu'à la fin de
l'Ancien Régime par YOrdonnance criminelle de 1670,
dont l'économie repose sur le secret de l'information,
l'écriture des pièces judiciaires et l'aveu que peut extor
4. Emile Durkheim, " Deux lois quer la torture comme fondement des preuves6. Pour ces
de l'évolution", Année sociologique
idéologues du droit pénal, qui lentement font passer les (1899-1900), IV, pp. 65-96 ; pour
la citation : Encyclopédie Méthodique. circonstances du crime des catégories de la culpa à celles
Jurisprudence, 10 vol., Paris, du delictum, la répression de la délinquance constitue 1782-1790, VI, art. "peine",
une forme d'engagement moral et juridique de l'État (dorénavant : EM Jurisprudence).
face à la «société civile». Péché, indiscipline, révolte, 5. Daniel Jousse, Traité de la justice
délit de misère : quelle que soit sa causalité supposée, le criminelle de France [...], Paris, 1771,
4 vol., I, pp. 1-8. crime, dont les victimes appartiennent principalement
6. Voir par exemple : Antoine Bruneau, aux catégories sociales les plus modestes, s'oppose au
Observations et maximes sur les matières «bien public» et vise à la «dissolution et destruction criminelles [...], Paris, 1716 ; Guy
immédiate de la société». Sanctionnée par la rigueur de Du Rousseaud de La Combe, Traité
des matières criminelles suivant la peine, la dangerosité d'un crime contre les personnes l'ordonnance du mois d'Août 1670 [...],
ou la propriété est déterminée selon l'objet que le délin Paris, 1751 (4e éd.), 1751 ; Daniel
Jousse, Nouveau commentaire sur quant vise : État (régicide, fausse-monnaie, sédition) ou
l'Ordonnance criminelle du mois d'août
individus (vie, santé, biens et honneur). Par ailleurs, 1670. Avec un Abrégé de la Justice
marquant la limite entre les «crimes privés» et les Criminelle, Paris, 1763, idem, Paris, 1777
(2 vol.) ; Pierre-François Muyart De «crimes publics», cette dan

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