Pourquoi Victor Hugo n a-t-il pas publié son poème « Dieu » ? - article ; n°1 ; vol.19, pg 225-231
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Pourquoi Victor Hugo n'a-t-il pas publié son poème « Dieu » ? - article ; n°1 ; vol.19, pg 225-231

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1967 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 225-231
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Professeur René Journet
Pr. Guy Robert
Pourquoi Victor Hugo n'a-t-il pas publié son poème « Dieu » ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1967, N°19. pp. 225-231.
Citer ce document / Cite this document :
Journet René, Robert Guy. Pourquoi Victor Hugo n'a-t-il pas publié son poème « Dieu » ?. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1967, N°19. pp. 225-231.
doi : 10.3406/caief.1967.2345
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1967_num_19_1_2345POURQUOI VICTOR HUGO
N'A-T-IL PAS PUBLIÉ
SON POÈME « DIEU » ?
Communication de MM. René JOURNET {Paris)
et Guy ROBERT {Besançon)
au XVIIIe Congrès de Г Association, le 29 juillet 1966.
Pourquoi Hugo n'a-t-il pas publié Dieu ? Le point d'in
terrogation qui figure à la fin de ce titre se retrouvera encore
à la fin de notre bref exposé. Les faits que nous avons réunis,
et dont aucun n'est vraiment nouveau, demeurent assez
fragmentaires. Ils ne permettent pas d'établir une conclusion
ferme et autorisent des hypothèses assez diverses.
Voyons d'abord ces quelques faits. Dans la nuit du Ier au
2 mai 1855 (un an à peu près avant que paraissent Les Cont
emplations), Hugo lit à sa famille et à quelques amis un
poème qui s'appelle Solitudines Cœli et qui deviendra, après
de nombreuses additions, L'Océan d'en haut, c'est-à-dire une
partie de Dieu. A ce moment, dans la pensée de Hugo, ce
poème fait partie des Contemplations et doit être publié avec
elles. Mais, nous le savons par le journal d'Adèle Hugo,
Vacquerie, qui a assisté à cette lecture, se déclare hostile à
15 226 RENÉ JOURNET ET GUY ROBERT
une publication si prochaine. Il craint que ce texte n'alour
disse Les Contemplations et n'effraie le public. Hugo se laisse
persuader, et il est décidé peu après que le poème, qui s'ap
pelle maintenant Dieu, sera annoncé sur la couverture des
Contemplations. Celles-ci paraissent le 24 avril 1856.
Hugo n'a sûrement pas abandonné l'intention de publier
assez rapidement Dieu, puisque les premiers mois de cette
année 1856 sont surtout consacrés à cette œuvre, à la partie
qui s'appelle Le Seuil du Gouffre et qui comprend L Esprit
humain et ce qu'on intitule Les Voix. Pourtant, au début de
juin, Hugo manifeste son intention d'attendre un peu avant
de publier Dieu. Le 7, il annonce à Enfantin (la lettre est pu
bliée dans la Correspondance) que « deux ouvrages, Dieu et
La Fin de Satan, sont à peu près terminés » ; « pourtant,
ajoute-t-il, je veux laisser quelque espace entre eux et Les
Contemplations. Je voudrais, si Dieu me donnait quelque
force, emporter la foule sur de certains sommets ; pourtant,
je ne me dissimule point qu'il y a là peu d'air respirable pour
elle. Aussi, je veux la laisser reposer avant de lui faire essayer
une nouvelle ascension ».
En fait, Hugo hésite, non pas sur le principe de cette publi
cation, mais sur le délai qu'il convient de ménager entre celle
des Contemplations et celle de Dieu. Le 7 juin, nous venons de
le voir, il affirme à Enfantin qu'il veut laisser respirer son
public ; mais, tout au début de juillet, le journal d'Adèle
nous le montre décidé à ne pas attendre : « Mon père nous
parle ce matin du projet qu'il a de publier le poème de Dieu
tout de suite ; [il] répond pleinement à ce que demande
Mme Sand, suite et continuation des Contemplations ; il faut
battre le fer quand il est chaud. »
« II répond pleinement à ce que demande Mme Sand » :
cette phrase fait allusion aux deux articles extrêmement favo
rables que George Sand a publiés dans La Presse les 24 et
25 juin, et dont Hugo l'a remerciée une lettre du 30. La
chaleureuse approbation de G. Sand lui a donc apporté un
encouragement. Mais, dans l'ensemble, l'accueil fait au
VIe livre des Contemplations n'a pas été très bon. Ses amis
eux-mêmes n'ont pas été au delà de vagues éloges de politesse. VICTOR HUGO n'A-T-IL PAS PUBLIÉ SON POÈME DIEU ? 227 POURQUOI
D'autre part, Adèle note que, le 2 juillet, alors que son père
vient d'exprimer son intention de publier tout de suite Dieu,
« Toto conseille de faire un contraste de variété, de publier
de la prose ».
En ce mois de juillet 1856, Hugo est en pourparlers avec
Hetzel, qui propose de lui acheter pour 1 5 ans sa « production,
passé et avenir ». On peut légitimement supposer que Dieu et
La Fin de Satan figurent dans cet ensemble. Effectivement,
en 1856 et probablement encore dans les premiers mois de
1857, on voit Hugo fort occupé de son poème Dieu. Dès l'été
1856, la partie L'Océan ďen haut forme un tout, auquel il
n'ajoutera plus rien. D'autre part, il travaille à compléter
la partie Le Seuil du Gouffre. Mais les très nombreuses addi
tions qu'il y apporte restent assez dispersées, le poète ne
parvient pas à une organisation définitive. S'agit-il seulement
d'une impossibilité provisoire, qu'il eût surmontée si une
chance de publication s'était offerte ?
Mais voici que cette chance s'éloigne. Le 19 mai 1857,
Hugo écrit à Hetzel : « Je suis entièrement de votre avis sur
la nécessité d'intercaler quelque chose entre Les Contemplat
ions et les poèmes de Dieu et de Satan. Sera-ce prose, sera-ce
vers ? J'hésite encore et je vais ruminer les choses excellentes
que vous m'écrivez à ce sujet. » On voit assez bien ici comment
les réserves manifestées par l'entourage et par l'éditeur ont
fait obstacle à l'intention parfois exprimée par le poète de
publier Dieu peu après Les Contemplations.
Le 8 septembre 1857, l'éditeur Hetzel arrive à Guernesey,
et, sur son carnet, Hugo note, le 11 : « Signature du traité
pour les Petites Épopées » (ce qui va devenir La Légende des
Siècles). Est-ce à La Légende des Siècles proprement dite que
Hugo travaille surtout à cette époque ? Non pas ; c'est son
poème L'Ane qui l'occupe principalement. La première
version, encore assez mince, est terminée le 4 octobre ; la
version définitive, considérablement accrue, sera achevée le
23 mai 1858.
Pourquoi Hugo s'occupe-t-il de L'Ane, alors qu'il vient de
signer un traité concernant La Légende des Siècles ? C'est
qu'à ce moment-là — et encore au printemps de 1859 — 228 RENÉ JOURNET ET GUY ROBERT
L'Ane fait partie, dans l'esprit de Hugo, de ce qui va être La
Légende des Siècles. Il convient d'insister sur ce point, où
nous sommes tout à fait en accord avec notre très savant
confrère Pierre Albouy ; il est fort caractéristique d'un aspect
de la création poétique de Hugo : le poème de VAne est sorti
du poème Dieuy il en est un rejet ; mais ce rejet, Hugo va
vouloir le rattacher à un autre ensemble, La Légende. C'est
exactement aussi le cas du poème La Pitié Suprême.
La Légende est mise en vente le 26 septembre 1859. Dans
la préface, l'auteur affirme, comme il l'avait déjà fait trois ans
plus tôt, que La Fin de Satan et Dieu sont presque terminés.
De plus, et cela est nouveau, le poète établit un lien organique
entre les trois œuvres : La Fin de Satan sera le « dénouement
de La Légende », et Dieu en sera « le couronnement » : ainsi
« se réverbère le problème unique, l'Être, sous sa triple face :
l'Humanité, le Mal, l'Infini. »
Mais cette affirmation qu'un lien organique existe entre
La Légende et Dieu n'avancera en rien la publication du
poème Dieu. C'est à La Fin de Satan que Hugo se remet ; et,
en avril i860, il l'abandonne pour rouvrir le dossier des Misér
ables. Les raisons de ce changement nous restent mystér
ieuses. Quelques-unes peut-être seraient éclaircies par l'his
toire détaillée des relations du poète avec ses éditeurs.
Ici se termine le premier épisode, le plus long, de l'histoire
de la non-publication de Dieu. On y voit Hugo assez disposé
à une publication rapide, se heurtant aux objections de son
entourage et aussi au manque d'empressement de son édi
teur Hetzel ; on voit aussi combien son travail s'organise
en

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