Révolutionnaires de Basse-Bretagne : Joseph Le Normant de Kergré, Commissaire du roi - article ; n°3 ; vol.32, pg 353-392
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Annales de Bretagne - Année 1917 - Volume 32 - Numéro 3 - Pages 353-392
40 pages

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Publié le 01 janvier 1917
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Léon Dubreuil
Révolutionnaires de Basse-Bretagne : Joseph Le Normant de
Kergré, Commissaire du roi
In: Annales de Bretagne. Tome 32, numéro 3, 1917. pp. 353-392.
Citer ce document / Cite this document :
Dubreuil Léon. Révolutionnaires de Basse-Bretagne : Joseph Le Normant de Kergré, Commissaire du roi. In: Annales de
Bretagne. Tome 32, numéro 3, 1917. pp. 353-392.
doi : 10.3406/abpo.1917.1460
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1917_num_32_3_1460LÉON DUBKEUIL
REVOLUTIONNAIRES DE BASSE-BRETAGNE
JOSEPH LE NORMANT DE KERGRE
Commissaire du Roi
C'est un homme de loi. Non pas l'un de ces avocats ou
procureurs partout répandus dans les campagnes, à l'affût
des discordes et des procès, mais l'Un des chefs de chœur
do la basoche provinciale. Il est avocat au Parlement de
Bretagne, procureur-fiscal du duché de Penthièvre : il repré
sente la coutume et la loi. Peut-être en fut-il le héros; il en
est assurément la victime.
Il a déjà parcouru une longue course dans la carrière des
honneurs au moment où s'ouvre la Révolution. Sans être
très âgé, — il a 45 ans — il a néanmoins atteint cette maturité
d'esprit, à partir de laquelle les idées ne changent plus guère.
En relations avec les principales familles de la noblesse de
Basse-Bretagne, qui avaient à peu près toutes un hôtel à Guin-
gamp où elles passaient l'hiver, représentant de la duchesse
douairière d'Orléans et de Jean-Marie de Bourbon-Penthièvre,
Le Normant de Kergré, pour libéral qu'il pût être, devait
nécessairement subir les entraves de son entourage et de ses
fonctions. Pour adhérer pleinement à l'œuvre révolutionnaire,
il eût fallu que précisément elle ne fût pas révolutionnaire.
Lentement progressive, l'ancien procureur fiscal, l'ancien
maire du corps de ville, s'y serait peut-être adapté. Mais 354 RÉVOLUTIONNAIRES DE BASSE-BRETAGNE.
il abordait cette période de l'histoire, toute débordante de
jeunesse et d'enthousiasme, déjà vieilli, avec un esprit chagrin
et blasé, et, il le semble bien, sans autre aspiration définie
que d'accroître encore le nombre des places et des honneurs,
qui le faisaient déjà, lui bourgeois, presque l'égal de la
noblesse.
C'est en 1788 qu'il a compromis à tout jamais son avenir
politique, parce qu'il ne sut pas entrevoir que la tenue des
Etats de la province de Bretagne n'était que la préface de la
tenue des Etats généraux. Doublement de l'ordre du Tiers,
accession de ses membres à un plus grand nombre d'emplois,
répartition plus équitable des charges : tels sont les sujets
de discussion de ces assemblées où l'on travaille déjà beau
coup moins pour la Bretagne que pour la France. Habile à
louvoyer, habile à concilier les inconciliables, Le Normant
du Kergré s'efforce de donner satisfaction aux aspirations
du Tiers-Etat, dont il est le mandataire, sans rompre cepen
dant avec les privilégiés du Clergé et de la Noblesse. C'est
de leur bon vouloir qu'il attend ces concessions : ce qu'il
préconiserait volontiers, ce sont les abandons d'une nuit du
4 août anticipée. Mais qu'on ne lui parle pas de conquêtes
possibles de l'égalité; une telle pensée ne saurait entrer dans
le champ de son esprit de magistrat hautain et ponctuel. Car
il a la fierté de la charge qu'il occupe, parce qu'elle lui donne
rang dans la ville et qu'elle est la preuve d'une richesse fon
cière bien établie : pour l'obtenir, il a dû verser une grosse
finance.
Mais, sous ces dehors altiers, Le Normant de Kergré est
l'homme des ménagements, et c'est ce que le vrai peuple
n'aime guère : il veut avoir affaire à des psychologies sans
subtilité, à des caractères sans nuances; il confond souvent
la force avec la rudesse et la brutalité. Les circonstances
aidant, ces hommes timorés deviennent parfois les plus
farouches révolutionnaires; mais si ces circonstances leur
sont contraires, ils se replient sur eux-mêmes, mécontents
de ce que leurs qualités aient été méconnues, et ils sont très JOSEPH LE NORMANT DE KERGRÉ. 355
simplement, très sincèrement entraînés au rebours de ce
qu'aurait pu être leur développement naturel.
C'est" là toute l'histoire de Le Normant de Kergré. Parce
qu'il n'a pas été élu aux Etats généraux, il suivra le penchant
de son esprit chagrin et se cantonnera dans l'opposition.
Mais il y apportera ce même art des ménagements qu'il avait
appris dans ses fonctions d'ancien régime : son opposition
sera toujours délicate, retenue, toute empreinte de loyalisme.
S'il est arrêté comme suspect, l'on peut être sans crainte :
il sera relâché, car même ses imprudences ne sont pas
exemptes d'adresse. Président de l'administration départe
mentale, nul ne saura favoriser avec plus d'habileté les contre-
révolutionnaires de tout acabit, mais nul ne trouvera non plus
des accents plus sincères pour affirmer son attachement à la
Constitution qui lui a valu ses fonctions. Le Directoire, tout
comme le peuple, préférera une énergie moins nuancée.
Aussi Le Normant de Kergré ne parviendra jamais aux
situations en vue, qui donnent la réalité en même temps que
l'apparence du pouvoir. Sur le chemin de Versailles ou de
Paris, ce Guingampais d'origine ne dépassera pas Saint-
Brieuc. Le procureur-fiscal deviendra commissaire du roi et
mourra commissaire impérial. L'incarcération, la présidence
d'une assemblée départementale : cela n'est qu'incidents peu
considérables dans l'existence d'un homme en une période
aussi tourmentée; cela ne saurait altérer l'unité de sa vie.
Qu'il le veuille ou non, sa robe l'entrave, son siège le retient :
il est et demeure l'homme de sa petite ville et l'homme de
ses fonctions.
Joseph Le Normant de Kergré naquit à Guingamp le 21 mai
1744 f1) « du légitime mariage de noble homme Pierre-Louis Le
Normant, sieur de Kergré, receveur des droits du roy en cette
ville de Guingamp et de demoiselle Jeanne-Marie-Marguerite
(1) Je tiens à remercier sincèrement ici mon bien cher ami Charles Colvez,
qui a bien voulu compulser pour moi les registres de l'état civil de
Guingamp. '^56 RÉVOLUTIONNAIRES DE BASSE-BRETAGNE.
Bertherand». Il fut baptisé le lendemain par le recteur Lesquen
de Kerohan dans l'église de Notre-Dame de Bon-Secours. Il
eut pour parrain « noble homme Claude-Joseph Bobony » et
pour marraine « demoiselle Marie-Josèphe Le Normant de
Kerdroniou ». Parmi les autres signataires de son acte de
baptême figurent Jeanne-Claude Bobony de Kermebel, Louise-
Catherine-Philippe du Timeur et le maire en exercice Touss
aint Limon du Timeur, le parent de La Tour d'Auvergne.
Portement apparenté aux Bobony, aux Bertherand, aux
Limon du Timeur, le receveur des droits du roi se rattachait
ainsi aux plus importantes familles municipales de la ville.
Dès 1577, un Henry Bobony était maire de Guingamp. Au
XVIIe siècle, ses descendants furent maires à trois reprises
différentes. En 1749, quelque temps après la naissance de
Joseph Le Normant de Kergré, la mairie devait encore appart
enir à Guillaume Guyomar-Bobony, sieur de Rosmanach.
En 1711 et en 1712, elle avait été confiée à Cyprien Bertherand,
sieur de Kermebel.
Il ne semble pas qu'aucun de ces maires ait joué un rôle
particulièrement brillant; mais ils témoignent de l'importance
des familles qu'ils représentent et font au petit Joseph comme
une lignée d'ancêtres municipaux. Ropartz d) les fait nobles :
la noblesse municipale ne suffisait pas pour arracher à l'ordre
du Tiers-Etat les hommes qui en étaient ornés. Elle conférait
seulement certaines exemptions et certains privilèges et con
tribuait à donner du lustre à une maison. Mais « le noble
homme » restait bourgeois, et Joseph Le Normant de Kergré
lui-même — bien que Ropartz nous présente son blason,
d'or au chevron d'azur et trois merlettes d'argent, deux en
chef, une en pointe — demeura invariablement fixé à l'ordre
du Tiers-Etat.
La vie que mena le jeune homme fut telle qu'on pouvait

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