Conclusion. La montagne dans la recherche scientifique : statuts, paradigmes et perspectives - article ; n°2 ; vol.89, pg 101-121
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Revue de géographie alpine - Année 2001 - Volume 89 - Numéro 2 - Pages 101-121
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Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 27
Langue Français
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Extrait

M. Bernard Debarbieux
Conclusion. La montagne dans la recherche scientifique :
statuts, paradigmes et perspectives
In: Revue de géographie alpine. 2001, Tome 89 N°2. pp. 101-121.
Citer ce document / Cite this document :
Debarbieux Bernard. Conclusion. La montagne dans la recherche scientifique : statuts, paradigmes et perspectives. In: Revue
de géographie alpine. 2001, Tome 89 N°2. pp. 101-121.
doi : 10.3406/rga.2001.3041
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_2001_num_89_2_3041:
Conclusion
La montagne dans la recherche scientifique:
statuts, paradigmes et perspectives
Bernard Debarbieux
Directeur, Laboratoire TEO - Institut de Géographie Alpine - Université Joseph-Fourier
14bis avenue Marie-Reynoard, 38100 Grenoble, France - E-mail bernard.debarbieux@ujf-grenoble.fr
«Avant d'avoir étudié le zen pendant trente ans,
j'ai vu les montagnes comme des montagnes, les rivières comme des rivières.
En avançant sur le chemin de la connaissance,
j'en suis arrivé au point où j'ai compris que les montagnes ne sont pas des montagnes,
les rivières ne sont pas des rivières.
Mais maintenant que j'ai pénétré dans la fine substance de la connaissance,
je suis serein car de nouveau je vois les montagnes comme des montagnes,
les rivières comme des rivières»
Ch'ing-Yian (VIII1 siècle)
II n'est pas vraiment banal de clore le cycle d'un séminaire scientifique par la citation,
en exergue, d'un poète chinois du VIIIe siècle. En effet, les débats d'Autrans ont le plus
souvent adopté le style austère et rigoureux des discussions scientifiques qui n'est pas le
lot commun de la rhétorique poétique, ni celui de la littérature spiritualiste. Les interac
tions entre participants se sont avérées toujours constructives, tantôt rugueuses quand
elles révélaient des désaccords de fond dans l'analyse ou les postures de recherche, tantôt
conviviales comme dans les intermèdes qui ponctuent inévitablement ce genre de manif
estations ; mais elles n'ont jamais fait ressembler cette assemblée de chercheurs à un col
lège de poètes ni à un groupe d'esthètes venus célébrer les vertus littéraires ou la beauté
intrinsèque de la montagne.
Il faut chercher dans deux directions bien différentes les raisons de la présence de cette
citation en ouverture de ce texte de synthèse.
D'une part, elle a valeur de métaphore. Le chemin parcouru par l'auteur durant trente
années d'apprentissage et d'exercice de la spiritualité zen vaut comme une image de la
démarche collective adoptée à Au trans : partir d'une évidence naturelle, la questionner à
la lueur d'interrogations nouvelles et la retrouver, à l'issue du processus, sous une forme
nouvelle. La montagne des scientifiques réunis à Autrans a fait l'objet d'une même
remise en question, et peut-être d'une même refondation, que celle du poète. Quant aux
rivières, une prochaine fois peut-être...
REVUE DE GEOGRAPHIE ALPINE 2001 № 2 CONCLUSION
D'autre part, en rapprochant la réflexion épistémologique d'Autrans et le questionne
ment spiritualiste de cet auteur chinois, nous invitons nos lecteurs à réfléchir, au-delà du
strict champ d'exercice de la méthode scientifique, à ce qui est à l'œuvre dans toutes les
formes de production de connaissances. Dans son principal ouvrage, le philosophe
allemand Ernst Cassirer a montré que les grands «systèmes symboliques» que sont la
science, la religion, le mythe ou l'art, ont tous prétention à produire une connaissance
totale et universelle. À ce titre, ils visent tous à « rattacher le particulier à une loi et à un
ordre qui aient la forme de l'Universalité» (Cassirer, 1972, p. 18). Ils procèdent tous par
la production de « symboles » qui participent de la représentation que ces systèmes don
nent du réel tout en organisant cette représentation. La formulation spiritualiste qui
ouvre ce texte et le projet scientifique qui l'anime partagent donc cette caractéristique de
mettre en question de façon récurrente l'un des « symboles » que nous employons pour
décrire et interpréter la réalité, celui de montagne.
Ce texte de synthèse est construit dans cet esprit : il vise à rendre compte du chemin
parcouru collectivement à l'occasion de ce séminaire; il ambitionne de formuler
quelques analyses du statut scientifique de la notion de montagne telle qu'elle est
employée aujourd'hui et des fondements épistémologiques et méthodologiques de la
recherche internationale sur la montagne; enfin, en prolongement de cette analyse de
l'existant, il formule quelques recommandations générales sur les programmes à venir.
Les constats préliminaires
Mais avant de traiter de ces différents points, il est nécessaire de formuler un ensemble
de constats susceptibles d'éclaircir les développements ultérieurs. Ceux-ci ont trait à la
définition de la notion de montagne et aux spécificités des espaces et des milieux aux
quels elle réfère.
Définition(s)
Bien que l'objectif du séminaire d'Autrans ne fut pas de préciser la définition de la
montagne, et bien qu'il ait été dit sur place et rappelé dans le texte introductif de cet
ouvrage que cette réflexion était fort secondaire pour le type de travail épistémologique
qu'il était convenu de produire, il n'est pas sans intérêt d'étudier la façon dont les cher
cheurs rassemblés dans les Alpes se sont positionnés à l'égard de cette question. Les parti
cipants au séminaire avaient été invités, en guise de réflexion préalable, à se prononcer
sur ce sujet en répondant à trois questions différentes :
• Avez-vous recours à une définition de la montagne dans votre recherche ? Si oui
laquelle ?
• En quoi votre (éventuelle) définition diffère-t-elle d'autres définitions que vous savez
être en usage dans la recherche ?
• Connaissez-vous d'autres définitions (peut-être moins objectives, moins rigoureuses, plus
humoristiques) qui mériteraient d'être présentées et discutées ? En particulier, pensez-vous
que la conception scientifique de la montagne diffère de celles des usagers et des habitants ? DEBARBIEUX BERNARD
Les formulations adoptées montrent bien que ces questions ne visaient pas à associer
les chercheurs à un exercice d'élaboration d'une définition unique et définitive. Elles
avaient plutôt pour objectif de les faire réfléchir au rôle de la définition dans leur propre
façon d'avoir recours à la notion de montagne.
L'analyse des réponses fournies et des discussions collectives permet de constater que :
• Tous les chercheurs spécialistes sont conscients de l'impossibilité d'une définition
logique de la montagne sur la base de conditions nécessaires et suffisantes. Autrement
dit, on sait qu'il n'existe pas un caractère universellement montagnard et universellement
absent de régions et de milieux différents, un caractère unique qui suffise à identifier une
montagne. Ce constat remonte loin dans l'histoire de nos connaissances scientifiques:
déjà en 1930, le géographe français Raoul Blanchard écrivait «Une définition de la mont
agne est à peu près impossible à fournir» (R. in J. Blache, 1930).
• La référence à l'altitude reste une façon récurrente de désigner et de délimiter une région
de montagne. Mais tous les chercheurs qui y ont recours sont bien conscients du caractère
toujours contextuel et souvent relatif de cette manière de faire. Les participants, provenant
d'horizons différents, ont rappelé que les altitudes limites conventionnellement utilisées
pour l'Himalaya diffèrent de celles retenues pour l'Australie, le Maghreb et les Andes,
qu'au sein d'une même chaîne comme les Andes, les altitudes limites diffèrent selon que
l'on se trouve dans la partie centrale de la cordillère ou dans les Andes méridionales.
Caractérisation(s)
À défaut d'un caractère résolument spécifique ou d'une limite altitudinale pertinente
et universelle, les chercheurs soucieux de caractériser la montagne, à défaut de la définir,
procèdent de façon très différente les uns des autres :
• Certains privilégi

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