À propos de l origine arabe de l art des troubadour - article ; n°5 ; vol.21, pg 990-1011
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 5 - Pages 990-1011
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Richard Lemay
À propos de l'origine arabe de l'art des troubadour
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 5, 1966. pp. 990-1011.
Citer ce document / Cite this document :
Lemay Richard. À propos de l'origine arabe de l'art des troubadour. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année,
N. 5, 1966. pp. 990-1011.
doi : 10.3406/ahess.1966.421446
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_5_421446A propos de l'origine arabe
de l'art des troubadours
L'opinion selon laquelle la poésie lyrique provençale, ou poésie des
troubadours, serait née grâce aux afflux vivificateurs provenant de la
Péninsule ibérique, n'est pas nouvelle. On la voit déjà poindre chez des
Italiens du xvie siècle *. Barbieri, par exemple, qui écrivait vers 1570,
songeait principalement à la rime chez les poètes romans qu'il croyait
empruntée aux Arabes. L'étude de la question a fait beaucoup de chemin
depuis. Si l'utilisation de la rime ne peut plus être considérée comme une
caractéristique exclusive de la poésie arabe, il est par contre établi que
les combinaisons spéciales de rimes utilisées par les troubadours dans
leurs strophes et refrains proviennent, en plus ou moins droite ligne,
des muwashshahas et zajjals andalous 2.
1. Voir un. excellent résumé de la bibliographie de la question depuis le xvie siècle
dans A. R. Nykl, Hispano-Arabie Poetry and its relations with the Old Provençal
T roubadours. Baltimore, 1946. Foreword, pp. xi-xxvii. Nykl omet de mentionner
l'abbé Massieu, Histoire de la poésie française... Paris 1739, cité dans F. Braudel, La
Méditerranée et le monde méditerranéen.
2. Cf. R. Menendez Pidal, Poesia arabe y poesia europea, 4e éd., Madrid, 1955
(Coll. Austral, n° 190), pp. 28 ss. — Le même, Espaňa, Eslabon entre la Cristianidad
y el Islam. Madrid, 1956 (Coll. Austral, n° 1280), pp. 61 ss. Malgré toute l'énergie et
l'érudition qu'il déploie, Nykl ne parvient jamais à être suggestif, ni convaincant,
dans l'ouvrage cité plus haut. L'article d'Irénée Cluzel, « Quelques réflexions à propos
des origines de la poésie lyrique des troubadours » dans les Cahiers de Civilisation
Médiévale de Poitiers, n° 14, avril-juin 1961, pp. 179-188 ne discute pas sérieusement
les preuves. L'ouvrage récent d'Henri Davenson, Les Troubadours. Éd. du Seuil,
1961, mérite par contre les qualificatifs de stimulant, suggestif, provoquant même.
Davenson vibre très évidemment au diapason des sentiments des troubadours, mais
sa méthode d'enquête historique, tout entière de polémique, se laisse entraîner vers
des inconséquences par trop criantes,. Après avoir décrit l'évolution de la technique vers liturgiques sous l'influence de l'école de Saint-Martial de Limoges (pp. 125-
127), Davenson écrit : « La technique, on le voit, est au point : il suffira de
l'appliquer, non plus à des thèmes religieux mais à chanter l'amour profane et nous
aurons la poésie des troubadours (p. 128). » A la page 160 par contre, Davenson dira
au sujet de l'objet de la poésie des troubadours : « L'étonnant est que cette religion
de l'amour soit apparue en pleine chrétienté occidentale, dans ce milieu de civilisation
si profondément imprégné de christianisme. » Comment ceci peut-il s'accorder avec la
thèse d'une imitation des vers liturgiques, le lien, franchement, nous échappe ! Plus
loin, à la page 166, Davenson va encore plus loin : « II y a contraste absolu entre morale
chrétienne et morale courtoise. »
990 LES TROUBADOURS
L'utilisation originale des rimes selon des combinaisons définies
ne constitue cependant qu'un aspect de la question de l'influence de la
poésie populaire andalouse. Les romanistes ont fait de nombreux efforts
(non sans rencontrer d'âpres résistances) pour situer le problème histo
rique dans de plus vastes perspectives, en tenant compte des ramifica
tions sociales et culturelles que suppose la grande vogue dont jouit en
Occitanie la poésie des troubadours.
Nous nous proposons de verser ici au dossier de la thèse de l'origine
arabe de l'art des troubadours une preuve inédite, d'une simplicité
frappante, car elle repose sur un document authentique, et qui, au
surplus, touchant au cœur du problème des relations d'échanges cul
turels entre l'Espagne et l'Occitanie au xne siècle, pourrait contribuer
à replacer le problème historique dans son véritable cadre, celui d'un
phénomène normal d'acculturation, d'ailleurs attesté dans nombre
d'autres domaines x. Nous allons essayer d'établir que les termes
mêmes de trobar, de trobador, et par conséquent leurs parallèles : tro-
baire et trobairitz, trouvère et trovatore, viennent en droite ligne d'une
racine arabe, popularisée dans le dialecte roman espagnol du xne siècle
pour désigner le chanteur-poète qui s'accompagne d'instruments de
musique.
Le mot, à première vue étrange, de troubadour (du verbe trobar) qui
servit assez tôt pour désigner en Occident, au xne siècle, le poète
lyrique écrivant en langue romane, n'a pas encore à notre avis reçu
d'explication étymologique satisfaisante qui rende compte de la nou
veauté du genre poétique qu'il recouvre. Selon l'explication traditionn
elle, dont il y a sans doute lieu de penser qu'elle s'inspire de données
historiques postérieures, le trobar de ces nouveaux poètes lyriques signi
fierait « trouver », ou « inventer », et le trobador serait en conséquence
le poète qui « trouve », qui « invente » des vers. D'où la tendance — éga
lement anachronique et également inepte au regard des faits connus —
1. Cf. Menendez Pedal, Espaňa, Eslabon..., pp. 33 ss. ; pp. 61 ss. Bien qu'on recon
naisse généralement en Menendez Pidal un des partisans les plus convaincus de la
thèse arabe des origines de la poésie des troubadours (voir Cluzel, loc. cit., pp. 185-186.
Davenson, op. cit., p. 117) il ne faudrait pas oublier qu'il en fut longtemps un advers
aire convaincu, comme il l'avoue lui-même dans Poesia juglaresca y juglares, 5e éd.,
1962 (Coll. Austral, n° 300), p. 74 : « Yo pensé asi y seguiria pensando lo mismo si,
gracias a reposadas conversaciones de paseo con J. Ribera, no me hubiera penetrado
al fin de la intima conviccion de este acerca de la gran influencia del arte musulman
sobre el cristiano. » Bien que l'objet précis des doutes mentionnés par Pidal fût la pré
sence simultanée de jongleurs musulmans et chrétiens dans les « Louanges de la Vierge »,
représentées dans les enluminures du fameux manuscrit des Cantigas du roi Alphonse,
ses doutes paraissent bien s'être étendus, à l'origine de ses recherches, à tout le pro
blème des influences mutuelles entre poésie arabe et poésie des troubadours. En effet,
la présentation de la naissance et de l'évolution de la lyrique des troubadours
chez Pidal s'inspire principalement des théories d'Edmond Faral et de Milas y Fon-
tanals.
991
Annales (21« année, septembre-octobre 1966, n° 5) 3 ANNALES
à distinguer historiquement et socialement le troubadour du jongleur
par le critère de l'invention : le troubadour serait le poète qui « invente »,
compose vers et musique, tandis que le jongleur, lui, ne serait qu'un
exécutant l.
A cette soi-disant explication historique tout, dans la situation des
premiers troubadours — et cela durant un bon siècle après leur appar
ition — vient contredire. Dès l'abord, on peut se demander si le fait
ď « inventer » qu'on attribue à l'art des troubadours constitue bien
une nouveauté : les contemporains des troubadours, et les troubadours
eux-mêmes pensaient-ils de même ? Rien n'est moins sûr. Tous les
poètes avant le xie siècle n'inventaient-ils pas aussi bien leurs vers ?
Les jongleurs n'inventaient-ils et ne composaient-ils pas leurs mélodies
avant l'apparition des troubadours ?
Par contre, tout le monde le reconnaît à l'envi que le troubadour est
avant tout un poète lyrique, c'est-à-dire un chanteur-musicien, ce qui
faisait figure de nouveauté dans la société occidentale latine des XIe et
XIIe siècles. Les premiers troubadours

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