Chine : un État de lois sans État de droit - article ; n°147 ; vol.37, pg 649-668
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Tiers-Monde - Année 1996 - Volume 37 - Numéro 147 - Pages 649-668
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Cabestan
Chine : un État de lois sans État de droit
In: Tiers-Monde. 1996, tome 37 n°147. pp. 649-668.
Citer ce document / Cite this document :
Cabestan Jean-Pierre. Chine : un État de lois sans État de droit. In: Tiers-Monde. 1996, tome 37 n°147. pp. 649-668.
doi : 10.3406/tiers.1996.5061
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1996_num_37_147_5061CHINE: UN ETAT DE LOIS
SANS ÉTAT DE DROIT
par Jean-Pierre Cabestan*
En décembre 1995, Wei Jingsheng, le dissident chinois le plus connu
en Occident, était condamné à quatorze ans de prison à l'issu d'un pro
cès politique guère différent de celui qui l'avait, en 1979, jeté dans les
cachots de Deng Xiaoping pour quinze ans. En outre, libéré six mois
avant le terme de sa condamnation en septembre 1993 par un pouvoir
qui espérait ainsi favoriser la candidature de Pékin aux Jeux olympiques
de l'an 2000, Wei avait disparu dans les geôles du Parti communiste chi
nois dès avril 1994, c'est-à-dire plus d'un an et demi avant de voir son
arrestation formellement approuvée par le parquet de la capitale. Le
droit - et en particulier le droit pénal, élément essentiel de la culture
juridique de la Chine - a-t-il réellement progressé depuis sa réhabilita
tion au lendemain de la mort de Mao Zedong, voici maintenant près de
vingt ans ?
En décembre 1995 également, la Fédération internationale de l'i
ndustrie phonographique, qui avait obtenu quelques mois auparavant de
Pékin l'autorisation de surveiller en Chine les activités de piratage
industriel, fermait son bureau de Canton après avoir reçu des menaces
de mort provenant d'usines de fabrication de disques compacts1. L'ap
plication du droit chinois ne doit-elle pas affronter de nouveaux obstac
les, qui auraient été impensables il y a ne serait-ce que dix ans ?
Ces deux exemples - négatifs - mettent au jour la distance qu'il
peut exister entre le discours et la réalité, entre le droit de la Chine
populaire et son application. L'on a souvent eu tendance ces dernières
années en Occident, et particulièrement en France, à se laisser char
mer par les sirènes de la norme juridique formelle et à négliger, par
conséquent, l'environnement politique, économique et social dans
* CNRS, Antenne de Taipei du Centre d'études français sur la Chine contemporaine.
1. The International Herald Tribune, 14 décembre 1995, p. 15.
Revue Tiers Monde, t. XXXVII, n° 147, juillet-septembre 1996 650 Jean-Pierre Cabestan
lequel baigne le droit chinois1. Certes, s'il n'est semblable au nôtre, ce
droit paraît à première vue avoir atteint une « normalité », une « honor
abilité» que, pour les besoins du sain développement des échanges
commerciaux et des investissements, tant les autorités communistes
chinoises que certains hommes d'affaires, juristes ou gouvernements
étrangers, s'efforcent de propager. Néanmoins, l'observateur impartial
ne peut se satisfaire du discours tenu par Pékin sur son propre droit et
repris par ses «amis étrangers», discours qui en substance déclare:
« Bien que des améliorations doivent encore être faites, notre système
est aussi bon, sinon meilleur, que celui des autres pays, notamment
des pays en développement. »2
Comme l'indique le titre que nous avons choisi, la Chine populaire a
mis en place depuis 1979 de nombreuses lois, mais cette abondante
législation est-elle capable d'accoucher d'un État de droit? Nous sou
haitons montrer ci-dessous non seulement qu'en dépit des avancées
enregistrées par le droit chinois au cours de ces dernières années, dans le
cadre du système politique actuel, cet idéal ne sera jamais approché ;
mais aussi que, loin de progresser, le droit chinois risque de reculer à
mesure que s'effrite l'emprise du Parti communiste sur la société.
Nous ne prétendons pas, dans le cadre de cet article, analyser le
développement du droit chinois contemporain depuis le lancement, par
Deng Xiaoping, de la politique d'ouverture en 1979. Nous nous borne
rons à retracer les principales avancées et limites de ce droit depuis le
massacre de Tian'anmen, et plus particulièrement la relance des
réformes économiques en 19923.
I - LES PRINCIPALES AVANCÉES DU DROIT CHINOIS DEPUIS TIAN'ANMEN
Depuis le début des années quatre-vingt, le droit chinois a marqué
de notables progrès dans trois domaines : la législation, en particulier la
législation économique, la formation des juristes et la professionnalisa-
tion du système judiciaire. Si les autres domaines, tels que le droit civil,
le droit pénal, le droit administratif ou les règles de l'organisation judi-
1 . Cf. par exemple, le numéro spécial de la Gazette du Palais intitulé « La Chine et le droit » préparé
par le barreau de Paris peu avant que celui-ci envoie une nouvelle délégation en Chine, Gazette du Palais,
n°* 183 à 185, dimanche 2 au mardi 4 juillet 1995, 58 p.
2. Pour un exemple typique et récent de ce type de discours cf. la mise à jour intitulée « Progrès de la
cause des droits de l'homme en Chine », publiée en décembre 1995, du Livre blanc chinois sur les droits de
l'homme en Chine de novembre 1991, Beijing Information, numéro spécial, janvier 1996, p. 4-29.
3. Pour une présentation du développement du droit au cours des années quatre-vingt, cf. Tao Jing-
zhou, Le droit chinois contemporain, Paris, PUF, coll. «Que sais-je?», 1991, 128 p. ; Jean-Pierre Cabestan,
Le droit chinois, Encyclopedia univer salis, 1990, p. 677-683. Chine : un État de lois sans État de droit 651
ciaire ont connu un certain essor, depuis la leçon du Printemps de Pékin
de 1989, la réforme juridique s'est clairement mise au service du déve
loppement économique.
Un travail législatif important
Rétrospectivement, le chantier législatif entrepris en 1979 était
modeste comparé à celui qui s'est ouvert au début des années quatre-
vingt-dix. Tandis que le premier avait établi les fondements d'un droit
chinois contemporain socialiste que Mao Zedong s'était toujours refusé
d'élaborer (Loi sur les entreprises mixtes à capitaux chinois et étrangers,
Code pénal, Code de procédure pénale, Principes généraux du droit
civil, Loi de procédure administrative), le second a permis la rédaction
de textes beaucoup plus précis et surtout, dans le domaine économique,
plus proches de notions qui nous sont familières (lois et règlements d'ap
plication). Par exemple, entre mars 1993 et octobre 1995, le Comité per
manent de l'Assemblée populaire nationale avait examiné 81 projets de
loi dont 71 furent approuvés. Parmi ces 71 lois, 24 portaient sur le droit
économique, constituant officiellement «la partie principale du cadre
législatif économique de la Chine»1. Ainsi, sans que l'on s'en rende tou
jours compte, les bases de la législation relative aux échanges économi
ques avec l'étranger ont été largement révisées et se sont progressive
ment fondues avec celles du droit interne: par exemple, longtemps
attendue et précédée par des textes provisoires au statut juridique
ambigu2, la loi sur les sociétés a enfin vu le jour en 1993.
Il serait fastidieux d'énumérer la liste des textes juridiques promul
gués depuis 1989. L'on se doit cependant de noter que ces règles tou
chent aux principaux aspects du droit :
— Le droit des relations économiques avec l'étranger reste, en raison
de la stratégie même de développement de la Chine, le premier bénéfi
ciaire de cette boulimie législative. D'une part, bien que les lois essent
ielles de ce domaine fussent publiées dès les premières années de l'ou
verture - loi sur les marques (1982), loi sur les brevets (1984), loi sur les
contrats économiques avec l'étranger (1985), loi sur les entreprises coo
pératives sino-étrangères (1988) - la véritable armature juridique de ces
textes - en général brefs et se bornant à énoncer quelques grands prin
cipes - ne trouva le jour que plus récemment. Il en est ainsi par exemple
1. Xinhua, 19 décembre 1995, BBC, Summary of World Broadcast, Part III : The Far East (ci-après,
SWB/FE)/2492 G/4.
2 . Jean-Pierre Cabestan, Les sociétés par actions en Chine, Droit chinois des affaires, n° 23

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