Choix et autonomie du sujet. La théorie de la « réactance » psychologique - article ; n°2 ; vol.68, pg 467-490
25 pages
Français

Choix et autonomie du sujet. La théorie de la « réactance » psychologique - article ; n°2 ; vol.68, pg 467-490

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
25 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1968 - Volume 68 - Numéro 2 - Pages 467-490
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

S. Moscovici
M. Plon
Choix et autonomie du sujet. La théorie de la « réactance »
psychologique
In: L'année psychologique. 1968 vol. 68, n°2. pp. 467-490.
Citer ce document / Cite this document :
Moscovici S., Plon M. Choix et autonomie du sujet. La théorie de la « réactance » psychologique. In: L'année psychologique.
1968 vol. 68, n°2. pp. 467-490.
doi : 10.3406/psy.1968.27629
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1968_num_68_2_27629École Pratique des Hautes Études
Laboratoire de Psychologie sociale de la Sorbonne, associé au C.N.R.S.
CHOIX ET AUTONOMIE DU SUJET
LA THÉORIE DE LA REACTANCE PSYCHOLOGIQUE
par Serge Moscovici et Michel Plon
INTRODUCTION
Si la psychologie sociale ne se manifeste pas par des affrontements
théoriques aux répercussions multiples, comme c'est le cas de certaines
disciplines voisines, elle n'en est pas moins le théâtre de changements
d'orientation profonds qui peuvent être considérés comme le signe d'une
vitalité qui, pour n'être pas tapageuse, n'en est peut-être que plus
forte.
L'un des plus importants parmi ces changements est sans doute
celui qui s'est opéré à propos de la place accordée au sujet dans l'élabo
ration théorique de cette discipline.
La tradition behaviouriste longtemps dominante et qui sait encore
se manifester avec force (Zajonc, 1967) accordait au sujet une place
relativement restreinte dans la mesure où elle ne le prenait en consi
dération qu'en ce qu'il était le lieu de la réaction à une situation stimulus.
Mais parallèlement à cette démarche organisée autour des concepts
de renforcement et d'apprentissage, on a vu se constituer un ensemble
théorique où le terme de cognition occupait une place centrale, où des
expressions telles que « activités cognitives », « perception cognitive »
renvoyaient, non plus à un sujet réacteur passif, mais à un sujet orga
nisateur, tendu vers un but. En d'autres termes, on assistait dans cette
nouvelle orientation à l'établissement d'une distinction entre le comport
ement, d'une part, et l'auteur de ce comportement, d'autre part.
Cependant, cette dichotomie qui faisait une place inhabituelle au
sujet « acteur », si elle constituait bien un changement radical par rap
port à ce qui précédait, ne constituait pas pour autant la garantie de
travaux abordant de face le problème du sujet.
L'exemple en est donné par un large courant de recherches, géné
ralement regroupées sous le label de « Psychologie différentielle », qui.
partant de la différenciation entre le sujet comme paramètre du compor- 468 NOTES
tement et le comportement comme signe du sujet, se sont efforcées
d'établir une typologie des comportements indexée par des variables
de personnalité (on mettait ainsi en relation ce qu'il était convenu
d'appeler un style cognitif clos avec la personnalité de type autoritaire)
et d'élaborer un système d'équivalence qui insistait sur l'aspect sym
bolique du comportement (un système cognitif clos était ainsi symb
olisé par un autoritaire, renvoyait à une attitude
d'intolérance).
Mais cette conception taxinomiste ne nous renseigne en rien sur
l'état phénoménologique du sujet, sur l'identité psychologique de ce
sujet qui vit et participe à ces comportements symboliques.
Si l'on veut avoir quelques chances de pénétrer au cœur du problème,
il est indispensable d'avoir de tels renseignements et pour ce faire de
poser au moins deux questions prioritaires que nous pourrions formuler
de la manière suivante :
— Que signifie l'expression : « se comporter comme sujet » ? C'est-
à-dire quand sommes-nous sujets, acteurs et quand sommes-nous indi
vidus, particules de la masse décrite par le sociologue ;
— Quelle est la signification du comportement pour le sujet ?
Notre propos ici est d'essayer de montrer brièvement à quelles classes
de symptômes, d'attributs renvoient ces deux questions et d'envisager
ensuite de manière plus détaillée comment l'ouvrage de Jack Brehm,
Une théorie de la reactance psychologique (1966), constitue à la fois une
démonstration du bien-fondé de la seconde question et une illustration
des obstacles qu'est susceptible de rencontrer toute recherche effectuée
dans cette direction.
La première question que nous posons renvoie à l'hypothèse qu'un
individu se sent sujet dans une activité donnée en fonction de ses
investissements dans cette activité. Simultanément on peut dire que
la possibilité pour l'individu de réaliser cet investissement, éventuel
lement le coût de cet investissement, vont le conduire à se percevoir
comme source de son comportement. Quelle que soit la nature de cet
investissement, qu'il soit effectif ou symbolique, l'individu doit le res
sentir comme étant lié à son activité et comme étant la cause des
résultats obtenus. A ce premier critère de la présence du sujet comme
« comporteur », nous en ajouterons un second, lié à la présence d'autrui,
en ce sens qu'il est toujours possible de localiser l'origine de nos
actes, de nos conduites dans une zone interne — nous-même — ou dans
une zone externe — autrui. Ce second critère est important si l'on observe
que dans la vie sociale la perception de quelqu'un comme sujet suppose
qu'on lui attribue la cause et partant la responsabilité de ses actes.
Thibaut et Riecken (1955) ont notamment illustré ce point dans une
célèbre recherche expérimentale : ils montrent en particulier que les
individus perçoivent le lieu de la causalité d'un changement comme
interne à une personne ayant un pouvoir élevé alors qu'ils perçoivent
ce lieu comme externe si la personne stimulus a un pouvoir faible. S. MOSCOVICI ET M. PLON 469
Nous verrons par ailleurs réapparaître ce problème de l'attribution,
de la causalité en examinant les origines de la démarche de Brehm.
Si l'on s'interroge sur la signification du comportement pour l'i
ndividu sujet, on est assez naturellement amené à avancer la notion
d'autonomie.
Le fait que je puisse me comporter dans un sens ou dans un autre
sous-entend au minimum une relative liberté. Mais du même coup cette
notion d'autonomie implique automatiquement l'idée de la présence
et de l'intervention possible d'autrui. De manière encore plus précise,
la notion suppose la présence d'une série de possibilités
et l'existence d'une accessibilité à ces possibilités qui ne soit pas tota
lement entravée par un autrui ou par un obstacle objectif.
Ceci sous-entend en quelque sorte la représentation pour l'individu
d'un champ d'alternatives dont l'accessibilité dépend ou ne dépend
pas de lui. Cet individu est donc amené à jalonner, au moyen de normes
et de contrats, une certaine zone à l'intérieur de laquelle il est — où il a
le sentiment d'être — libre et qu'il va chercher à préserver en créant
un écart différentiel avec autrui. Lié à la notion d'accessibilité, un second
critère va s'adjoindre à elle pour préciser l'autonomie, celui d'impor
tance des possibilités accessibles. On peut affirmer sans grands risques
l'existence d'une corrélation entre l'accessibilité et l'importance, soit
que je tienne pour importantes les possibilités qui me sont accessibles,
soit que je tienne plus à l'accessibilité de domaines qui me paraissent
importants.
L'autonomie est enfin liée à un troisième critère qui serait celui de
l'évaluation. On peut dire en effet que mon autonomie est assurée si
je peux évaluer mes capacités avec certitude. Sitôt que cette conduite
n'est plus assurée, chacune de mes activités va dépendre, va être sou
mise au jugement d'autrui, ce qui est d'ores et déjà une atteinte à mon
autonomie.
La notion d'autonomie occupe une place centrale comme nous
allons le voir dans la théorie de Jack Brehm, mais tout préc
édemment nous allons voir réapparaître l'articulation que nous venons
schématiquement de tracer dans l'exposé des travaux qui ont conduit
Brehm vers la reactance.
1. Origines et étapes de la réintégration du sujet

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents