Critique de la science des monnaies antiques - article ; n°1 ; vol.3, pg 225-245
22 pages
Français

Critique de la science des monnaies antiques - article ; n°1 ; vol.3, pg 225-245

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
22 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Journal des savants - Année 1980 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 225-245
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Jean-Baptiste Giard
Critique de la science des monnaies antiques
In: Journal des savants. 1980, N°3. pp. 225-245.
Citer ce document / Cite this document :
Giard Jean-Baptiste. Critique de la science des monnaies antiques. In: Journal des savants. 1980, N°3. pp. 225-245.
doi : 10.3406/jds.1980.1415
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1980_num_3_1_1415' )
CRITIQUE DE LA SCIENCE DES MONNAIES ANTIQUES
Vers 1478, Hans Memling a peint le portrait d'un jeune homme, colle
ctionneur de médailles sinon amateur d'art, tenant dans la main une monn
aie en bronze de Néron. Ce tableau, qui se trouve aujourd'hui au musée
d'Anvers, témoigne, comme l'a montré E. Panofsky 1, d'une influence directe
de la peinture italienne sur l'artiste flamand : le paysage agreste, ou plutôt
le jardin, sur lequel se détache le portrait du jeune homme rappelle en effet
les savantes compositions du diptyque où Piero della Francesca a représenté
Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbino, et sa femme, Battista Sforza (Flo
rence, Galerie des Offices). Mais ce qui retient davantage l'attention du numis
mate, c'est la finesse, mieux, la précision avec laquelle Memling a rendu la
monnaie de Néron. A peu de chose près (une lettre manquante dans la légende),
tout y est. L'image reproduit assez fidèlement l'objet.
Au delà des considérations esthétiques, le portrait du peintre flamand
pose en fait deux questions importantes. Qui sont ces collectionneurs du
xve siècle dont on a sans doute ici un exemple et comment s'est alors déve
loppé le goût pour les médailles ? Les collectionneurs de médailles, c'est-à-
dire de monnaies antiques, appartenaient essentiellement aux grandes mai
sons princières d'Italie 2 : les Médicis à Florence, les Gonzague à Mantoue,
les Este à Ferrare, les Aragonais à Naples. Cette aristocratie puissante et
policée parvint à réunir de beaux ensembles qui favorisèrent bientôt l'ému-
1. E. Panofsky, Early Netherlandish Painting. Its Origins and Character, New
York, Icon Editions, 1971, 349.
2. R. Weiss, The Renaissance Discovery of Classical Antiquity, Oxford, 1973, 167 ;
id., « The Study of Ancient Numismatics during the Renaissance (1313-1517) », The
Numismatic Chronicle, 1968, 177-187. — Parmi les premiers collectionneurs, on peut
également citer Mathias Corvin, roi de Hongrie, qui « n'avait pas négligé de faire ramasser
des médailles » (L. Jobert, La science des médailles. Nouvelle édition, avec des remarques
historiques et critiques [par J. Bimard de La Bastie], tome I, Paris, 1739, VI). Voir
aussi O. Iliescu, « Les plus anciennes préoccupations de numismatique chez les Rou
mains », Revue des études sud-est européennes , XVIII, 1980, 3 et suiv. 226 JEAN-BAPTISTE GIARD
lation. Le goût pour les médailles franchit les Alpes et conduisit les princes
les plus fortunés d'Europe, ou les plus passionnés, à renfermer leurs biens
dans ces petits médailliers soigneusement ouvragés qu'on peut voir aujour
d'hui dans les musées de Vienne, de Munich et de Baltimore. De proche en
proche, l'engouement gagna de riches bourgeois, puis quelques érudits comme
Ambroise Traversari et Cyriaque d'Ancone, — qui, au demeurant, purent
déjà regarder Pétrarque (1304-1374) comme un précurseur, comme leur
modèle.
En réalité, les médailles étaient recherchées des amateurs de portraits ;
c'étaient ces effigies parfaitement identifiables au droit des médailles, — tenues
pour des objets d'art ou de curiosité et non pour de vulgaires monnaies, —
qui excitaient leur admiration. Chacun voulait posséder dans son cabinet une
suite aussi complète que possible d'anciens portraits : homme illustres, rois
hellénistiques, empereurs romains, etc.. Mais, chose remarquable, c'est cette
quête du portrait qui fit naître en quelque sorte la science des médailles ;
ce sont les collectionneurs du xve siècle qui assurèrent les conditions de son
essor. Science aux débuts difficiles, bien entendu, car le travail des faussaires 3
vint rapidement semer la confusion dans les premiers classements des éru
dits. Vasari 4 ne rapporte-t-il pas que Lorenzo Ghiberti lui-même (1378-1455)
se plaisait à contrefaire les médailles antiques ? Cependant, il est vraisemblable
que d'autres artistes s'improvisèrent médailleurs avec la simple intention de
satisfaire la demande d'un public de plus en plus nombreux. Impossible de
fournir à tous ces néophytes des médailles authentiques ; l'approvisionne
ment faisait défaut. De bonnes imitations devaient suffire. Certes, on y mêla
quelques inventions numismatiques, mais le plus souvent sans penser à mal,
semble-t-il. Était-il au fond bien nécessaire de contempler de vraies médailles
pour reconnaître, par exemple, la physionomie de tel empereur, pour prendre
conscience de ce qui séparait le monde contemporain de la Rome antique ?
Les premiers catalogues de médailles apparurent au xve siècle. Le pion
nier de ces publications, Andrea Fulvio, imprima ses Illustrium imagines à
Rome, en 15 17 (fig. 1 et 2). Dans cet ouvrage, l'auteur se montre sans aucun
doute artiste de talent, mais il n'est manifestement pas doté de cette acuité
3. J.-B. Giard, « Inventions et récréations numismatiques de la Renaissance »,
Journal des savants, 1974, 192-208 ; Z. H. Klawans, Imitations and Inventions of Roman
Coins. Renaissance Medals of Julius Caesar and the Roman Empire, Santa Monica, 1977 ;
M. Greenhalgh, « A Paduan Medal of Queen Artemesia of Caria », The Numismatic
Chronicle, 1972, 295-303.
4. G. Vasari, Le vite de' più eccellenti pittori, scultori ed architettori (éd. G. Milan
esi), II, Firenze, 1878, 223 ; J.-B. Giard, op. cit., 194. CAES.DÎC?; MATER GERMANIC VS
ad Aureïid facrabonç Cç[.ç dcç notturno tepore
igreffim muliebriq; habitit : indsv . doptaius a Tibcrio patnto utfn
turn deprebendìt Pomprìg iixorh prd ponìtur Q3<aài impulfu Alte ♦ •
lamore captum, mmQCipfè Agrippindm ex lulU
Qttauii fili(tm ìiAtctm habuit uxnr
rem ex edcp Agrippinam Awgwìlj .<
N aoniìn:DrulHm:DntfìlUm: Li
nuwuiXLaiKm Cef.fkfcepit.
Fig. i et 2. — A. Fulvio, Ilhistrium imagines (Rome, 151 7). 228 JEAN-BAPTISTE GIARD
du regard, de cette puissance de vision qui aurait permis à Memling, ou même
à Raphaël 5, de reproduire des images presque parfaites. C'est un érudit
sérieux, peu soucieux de brûler les étapes : il décrit ce qu'il voit, ou plutôt
ce qu'il connaît, sans se rendre compte qu'il ignore beaucoup. En fait, tout
le travail d'érudition des siècles suivants se résume en Fulvio : les savants
n'ont que des connaissances fragmentaires et ne découvrent que lentement
les différents éléments dont est faite une médaille antique. Observons cepen
dant que l'imprimerie 6 vint à temps pour seconder l'érudition des premiers
amateurs de classement ; elle fut un facteur de progrès considérable. Elle
autorisa, en effet, des opérations et des changements qui autrement eussent
été inconcevables : diffuser à plusieurs centaines d'exemplaires images et
texte d'un essai, ou comme on disait alors d'un discours, qui serait lu par
un large public ; livrer ce discours à la critique et favoriser les corrections,
la constitution de tables d'errata ; accélérer la transmission du savoir grâce
à l'adjonction d'indices à la fin des ouvrages. Le résultat le plus appréciable
de l'imprimerie fut surtout de contraindre dessinateurs et graveurs à plus
de rigueur. Le recueil de Fulvio est composé comme un livre de divertiss
ement où chaque médaille se trouve enchâssée dans une sorte de décor de
théâtre, — on y relève, au reste, un certain nombre d'inventions inavouables
(fig. i), évoquant difficilement quelque portrait antique et reproduites (qui
sait ?) avec un brin de complaisance.
Après 1560, toutes ces fioritures disparaissent des ouvrages, laissant un
champ plus large au texte et aux figures ; la mise en pages gagne en clarté,
texte et figures parviennent même à s'ordonner sans se gêner mutuellement
et sans empiéter sur les marges ; les figures encore deviennent beaucoup plus
exactes : en elles se fixent, de plus en plus nombreux, des traits distinctifs,
des détails appartenant à coup sûr aux types monétaires antiques. Pour s'en
convaincre, il suffit d'ouvrir les corpus d'Hubert Goltz 7 (C. Iulius Caesar
siv

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents