De l’Utopia de More à la Scandza de Cassiodore-Jordanès - article ; n°2 ; vol.26, pg 306-327
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 2 - Pages 306-327
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Marin
2. De l’Utopia de More à la Scandza de Cassiodore-Jordanès
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 2, 1971. pp. 306-327.
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Marin Louis. 2. De l’Utopia de More à la Scandza de Cassiodore-Jordanès. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e
année, N. 2, 1971. pp. 306-327.
doi : 10.3406/ahess.1971.422359
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_2_422359- De Г« Utopia» de More 2.
à la Scandza de Cassiodore-Jordanès
La lecture, qu'à notre tour, nous envisageons de faire de Y Histoire des Goths
est une lecture prévenue : prévenue par le commentaire, qu'on vient de lire, qui
apporte les thèmes essentiels de la recherche poursuivie, sinon en commun, du
moins par échos, rappels et échanges réciproques. Aussi plutôt que de dissimuler
dans le texte définitif, les moments de ce dialogue, avons-nous choisi, au contraire,
de les accentuer, afin de bien montrer que notre travail personnel fut, « après-
coup », effectué sur des effets textuels déjà élaborés, sur un document qui englo
bait déjà son propre commentaire. Mais n'en est-il pas toujours ainsi, quoique, par
oubli, soient souvent ignorées ces premières lectures, dont les autres ne peuvent
être que des re-lectures ?
Lectures
L'histoire des Goths de Jordanès pose, parmi d'autres, un problème d'appar
tenance ou de classification : à quel genre le rattacher ? Discours historique décri
vant — par compilation d'ouvrages romains ou grecs — les hauts faits de la nation
gothique, ou bien conte fabuleux, évocation des merveilles dont les Goths furent
les bénéficiaires : ce sont là les deux registres de lecture que propose Gilbert Dagron.
Mais il en est peut-être d'autres : mythe d'origine d'une communauté, utopie d'un
Goth romanisé qui situerait, dans un brumeux passé et sur une autre terre, la
source des vertus présentes d'une famille et d'une race, étalement dans l'histoire
d'une idéologie d'organisation sociale, etc. Ce problème de classification n'est
pas indifférent, car, consciemment ou inconsciemment, une décision classificatoire
se prononce dans tout acte de lecture, et en définit, peut-être à notre insu, le niveau,
c'est-à-dire un ordre d'interprétation et de compréhension par référence à un genre
et à un style. De ce point de vue, il n'est pas inutile de comparer les différentes
lectures possibles de ce texte : on peut n'y voir que pure marquetterie de citations
de deuxième ou de troisième main, intéressante dans la mesure où les textes de
référence ont disparu et notamment la monumentale Histoire des Goths en douze
volumes de Cassiodorus Senator, dont le texte de Jordanès est l'abrégé. On peut
aussi y chercher un « ton personnel, propre à l'auteur, qui colore toute cette
œuvre », et qui se révèle, en outre, à la qualité certaine des articulations des textes
empruntés.
On peut, enfin, comme le propose G. Dagron, décider de prendre l'œuvre comme
un tout, de faire de l'œuvre un texte, en se refusant à discerner en lui les divers apports
des auteurs utilisés et notamment de Cassiodore; décision méthodologique import
ante, car elle lui permet, de façon opératoire, de poser sur lui une double grille de
déchiffrement : historique, connue par ailleurs, qui lui donne un premier code grâce
auquel des événements consignés dans le texte sont réidentifiés, restitués dans le
continuum du temps historique; mais aussi grille de lecture, dite « structure uto-
pique », qui, gardant d'un bout à l'autre du texte sa cohérence, permet un déchif
frement complet, différent du premier, mais articulé à lui. « (Une bonne lecture)
doit être attentive à la liaison entre les deux langages que l'auteur a éprouvé le
besoin d'utiliser concurremment. » Mais cette « structure utopique » du conte qu'est
aussi V Histoire des Goths constitue-t-elle un langage de l'auteur et le commentaire
306 MORE ET CASSIODORE-JORDANÈS L. MARÍN
de G. Dagron n'est-il que l'attention à la liaison de deux langages ? En fait, ce qui
apparaît dans sa lecture est bien plutôt la mise à jour d'une langue, d'un code, que
l'auteur a « inconsciemment » utilisé pour crypter son récit : inconsciemment, car
il est bien évident que Jordanès possédait, dans sa situation historique et existent
ielle propre, de multiples motivations pour écrire, d'une certaine façon, Г Histoire des
Goths : conscientes, celles-ci constitueraient un de ces « modèles faits à la maison »,
dont parle Lévi-Strauss x, qui sont destinés à introduire une cohérence dans un
ensemble de faits ou d'événements qui n'en possèdent pas évidemment, mais qui
posent, au contraire, à l'individu qui les vit, des problèmes difficilement surmon-
tables : n'oublions pas que Jordanès, Goth et chrétien, vit dans une certaine mesure
la fin d'une histoire, celle de sa race. Mais il y a plus : ces modèles, nous le savons,
nous introduisent à des schemes organisateurs plus profonds, inconscients, dont
ils sont l'émergence empirique, structures qui ne sont perceptibles qu'à la lecture
attentive du chercheur. Or c'est bien une structure de ce genre que G. Dagron fait
apparaître dans le récit de Jordanès.
Celui-ci raconte l'histoire des Goths. Que cette histoire soit également, et pour
lui-même, et pour les raisons claires et obscures qui ont été dites, une geste des
Goths visant à les situer dans l'Empire, au moment même où il écrit, c'est-à-dire
à leur donner un statut d'intégration complexe, ce sont là les deux premiers
niveaux de lecture possibles: récit historique qui exige et permet à la fois une iden
tification de ses segments par rapport à tout le savoir historique déjà accumulé
sur cette période; geste fabuleuse qui dévoile des raisons et des motivations d'écri
ture, modèle destiné à résoudre un problème avec « les moyens du bord ». Mais
cette geste fabuleuse qui explique une situation (ou vise à l'expliquer) est elle-même
codée dans un chiffre que Jordanès utilise, mais qu'il ne possède pas, un chiffre
que seul le chercheur peut mettre à jour et qui constitue la structure profonde du
texte. Qu'il s'agisse d'une structure utopique est un autre problème; notons seul
ement qu'il y a là un troisième niveau qui n'est pas seulement un niveau de lecture
supplémentaire, mais qui, hiérarchiquement, se subordonne les deux autres : c'est
celui peut-être où s'effectue la liaison entre le langage du récit historique et celui
de la geste fabuleuse, celui d'une langue ou d'un code plus essentiel dont l'analyse
qui précède a jalonné les relations fondamentales : à l'articulation de la géographie
et de l'histoire, à travers le récit-conte de Jordanès, s'élabore une « métaphysique
de l'invasion », pensée comme l'accouchement d'un peuple par une terre, dans un
impensé qui est celui-là même du texte. On perçoit ce qui conduit G. Dagron à
parler d'une métaphysique de l'invasion, ou d'un traité de l'insularité : le sentiment
qu'à travers le texte et ses descriptions concrètes ou ses anecdotes, qu'à travers
l'événement, retranscrit ou traduit par Jordanès, s'indiquent des relations qui sont
d'un autre ordre; relations essentielles, qui fondent l'empiricité du récit-conte dans
un transcendantal inconscient dont Jordanès n'est que la voix : non plus les îles
ou les presqu'îles, mais l'insularité, non plus les débarquements, les razzias, les
conquêtes, mais « Pinvasionarité ».
Schemes idéologiques
Avant d'en venir aux remarques concernant cette structure profonde, peut-
1. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, pp. 308-309.
307 HISTOIRE ET UTOPIE
être faudrait-il s'interroger sur le modèle intermédiaire, proposé par Jordanès, qui
consiste à « transcrire en termes d'histoire, une situation politique complexe, pour
résoudre dans l'histoire, cette complexité du présent ». Il faut, croyons-nous, accorder
une égale attention aux modèles de surfa

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