Du Citoyen au Moi social : évolution du civisme bourgeois en France d après la thématique du rapport Société/individu (1830-1850) - article ; n°34 ; vol.11, pg 67-88
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Du Citoyen au Moi social : évolution du civisme bourgeois en France d'après la thématique du rapport Société/individu (1830-1850) - article ; n°34 ; vol.11, pg 67-88

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Description

Romantisme - Année 1981 - Volume 11 - Numéro 34 - Pages 67-88
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Elisabeth Guibert-Sledziewski
Du Citoyen au Moi social : évolution du civisme bourgeois en
France d'après la thématique du rapport Société/individu (1830-
1850)
In: Romantisme, 1981, n°34. pp. 67-88.
Citer ce document / Cite this document :
Guibert-Sledziewski Elisabeth. Du Citoyen au Moi social : évolution du civisme bourgeois en France d'après la thématique du
rapport Société/individu (1830-1850). In: Romantisme, 1981, n°34. pp. 67-88.
doi : 10.3406/roman.1981.4525
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1981_num_11_34_4525Guibert-Sledziewski Elisabeth
Du Citoyen au Moi social : évolution du civisme bourgeois en France
d'après la thématique du rapport Société/Individu (1830-1850).
Si le Citoyen fut la passion du siècle des Lumières, celle du XIXème
siècle est probablement l'Individu. Cette différence tient autant de la
continuation que de la rupture, et se résume dans le schéma dialectique
de ces engendrements auxquels l'Histoire ménage une monstruosité
nécessaire : l'Individu est comme le rejet du Citoyen ; il en procède
et il le rend caduc ; il le développe dans le sens que celui-ci ne peut
bientôt plus tolérer, jusqu'à la négation furieuse. Finalement l'Individu
oublie ce que fut en lui le Citoyen, et lTiomme-aux-écus cesse de croire
aux grandeurs de la volonté générale, au moment même où le commun
iste découvre que la Révolution ne sera pas faite pour les individus.
Il faut voir le Moi emblématique d'aujourd'hui, devenu, fort paradoxa
lement, indicateur de sociabilité normative (« J'écoute RTL », «J'aide
les animaux », « Je skie à Valberg »), se démener comme un beau
diable et user de tous les prétextes idéologiques pour repousser, comme
contraire à son essence intime, une existence de citoyen : antipoli-
tisme, spontanéisme, antibureaucratisme aux fades couleurs contestat
aires sont produits comme autant de défenses à rencontre d'une raison
civile par où chaque sujet se rend sensible à la raison d'Etat. Cette
raison civile, cette sensibilité politique du sujet sont encore largement
acceptées, et partant, interpellées, dans leur exercice électoral ; là, le
Moi n'a pas voix au chapitre, non plus que le verbe voter ne se conjugue
à la première personne. Mais quoique privé jusqu'à ce jour d'une bou
che politique ce Moi possède tous les sens réceptifs qui font de lui
un interlocuteur (c'est-à-dire, une cible) de plus en plus nettement
préférable à la conscience raisonneuse du Citoyen ; d'autant qu'on peut
le supposer perfectible, et capable à la longue d'articuler des discours
de son cru : des « / like Ike » frappés au coin de l'opinion narcissique,
mettant le Citoyen en position d'excentricité partisane ou arriviste,
et jetant sur le logos politique le linceul de l'isoloir. Ce présent est la
suite d'une mutation qui s'opère, semble-t-il, avec la mise en place
de l'Etat bourgeois au XlXôme siècle. Comme toute mutation, celle-ci
combine une évolution continue et des accidents extrinsèques, un
développement et une inversion du sens. Saisir le moment où l'Individu
né du Citoyen se découvre suffisamment seul et autonome pour exister
sans, et même contre, et bientôt en excluant, voire en menaçant ce que
sa propre essence recèle de politique ; déterminer les réalités historiques
à la faveur desquelles une telle évolution se forme et un tel moment
se trouve privilégié ; décrire, enfin, le complexe socio-idéologique Elisabeth Guibert-Sledziewski 6#
qui préside au recentrement du civisme bourgeois, les exigences, les
bénéfices du nouveau rapport Individu/Société ; tel est l'objet de la
présente démarche, son cadre étant quant à lui la société stabilisée
bourgeoise, celle que Tocqueville comparera un jour à « une compagnie
industrielle », et dont tous les contemporains s'accordent à dire qu'elle
est le bilan d*un demi-siècle de révolutions — la France de la Monarchie
de Juillet.
/ - Du Sujet de droit au Sujet de fait
Rien n'est plus remarquable, dans la société louis-philipparde,
que le malaise où la tient l'idée de ses propres origines. Ni les hommes
qui exaltent le nouvel ordre civil, ni ceux qui le combattent et s'i
nquiètent de ses effets, ne semblent capables de se faire une idée simple
de la filiation qui rattache la France bourgeoise du XIXème siècle à
celle de la Grande Révolution. Dans le miroir où se regarde Monsieur
Prudhomme — car le Bourgeois est l'homme inquiet de soi —, il y a
une fêlure qui barre l'image et qu'on voudrait abstraire, mais qui
retient irrésistiblement l'attention : c'est la trace du choc originaire,
qui marque au vif la société née de ce choc, figure parmi ses traits,
indélébile, mémorable, indépassable. Dans les moments de peur où
la société bourgeoise en viendra à blasphémer contre elle-même —
à rejeter au loin l'image et le miroir -, naîtront des rêves d'origines
terriennes, anhistoriques, physiques : Barrés, Maurras, plutôt venir
du fumier et de la glèbe, comme les rustres, que d'être l'héritier de
Marat!
Les hommes de la France bourgeoise se réclament et se dégagent
tout à la fois de la Révolution. Chaque événement du siècle en est la
conséquence ; mais aussi le démenti et la clôture. Un mot, pour résumer
et servir d'apologue : dans son Avant-Propos à VHistoire de la Révolut
ion Française (1823), Thiers évoque l'actualité des débats ouverts
par les grands ancêtres, et l'urgence d'en faire l'étude : « Peut-être
le moment où les acteurs vont expirer est-il le plus propre à écrire
l'histoire : on peut recueillir leur témoignage sans partager toutes
leurs passions. » Nous pouvons imaginer, en bonne place sur ce lit
funèbre, au chevet duquel se penche Monsieur Thiers, le Citoyen
lui-même formulant ses dernières recommandations, transférant ses
titres, mais emportant avec lui sa vertu. Tous les auteurs de la période
ont dit, à leur manière, que la Révolution était là sans y être, les uns
se félicitant de ce qu'elle y fût encore, les autres, de ce qu'elle n'y
fût plus vraiment. Tous, notamment la Révolution ou ses acteurs,
n'ont pas nommé autre chose qu'une partie d'eux-mêmes, un Moi
social, naguère structuré par la conscience et la volonté politique d'être
comme Souverain. C'est cette vocation civique de la personne, qui
est rejetée par l'homme bourgeois. C'est cette présence de chacun
à la volonté générale, qui lorsque — selon les termes de Rousseau
(livre II, chapitre 8 du Contrat Social) — « le ressort civil est usé »,
dépérit. C'est cela qui est hors de mise et sur lequel Guizot, proba
blement parce qu'il en doute, abat un très conjuratoire poignard :
« Cette démocratie envieuse, jalouse, inquiète, tracassière, qui veut Citoyen au Moi social 69 Du
tout abaisser à son niveau, qui n'est pas contente si elle voit une tête
dépasser les autres tètes » (Chambre des Députés, 5 mai 1837). C'est
enfin cette civilité orpheline qui préoccupe Emile Montégut, dans son
remarquable essai De la toute-puissance de l'industrie, qu'il écrit en
1855 et qui semble déjà un épilogue ; que ce texte, publié en 1858
dans les Libres opinions morales et historiques où l'auteur analyse
avec pertinence les mobiles et les idéaux pratiques de la société de
son temps, nous serve à ce titre d'introduction : « Maintenant nous
sommes moins confiants, et le monde industriel nous apparaît parfois
comme un squelette qui ne sera jamais recouvert de chair. (...) Le
XlXême siècle est l'héritier naturel du XVIIIème ; sa tradition ne
remonte pas plus haut. Le temps lui-même a perdu son aristocratie,
et ses racines ne plongent plus comme autrefois dans les profondeurs
des âges : le siècle est un parvenu nous tous. Il ne subsiste du
passé que ce que le XVIIÎôme siècle a laissé debout, c'est-à-dire peu
de chose, et les deux faits qui dominent aujourd'hui sont ceux que le
XVIIIème siècle a engendrés, c'est-

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