Elghorba : le mécanisme de reproduction de l émigration - article ; n°2 ; vol.1, pg 50-66
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1975 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 50-66
Elghorba : the reproductive mechanism of emigration The conversation of a young and recent emigre traces the biographical itinerary that led him to emigrate and to discover a France that could only strip the enchantment from the image that he formerly had of it : an image elaborated and imposed by the entire group that continues to maintain it and which is not independent of the ancient roots and of the intensity of the migratory tradition, It allows us to uncover certain mechanisms that tend to perpetuate emigration and that cannot be reduced to economic necessity, which is an alibi both in the scholarly tradition of research on the causes of emigration as well as in the praxis of the subjects and in the justification that they give to others and to themselves for this praxis.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 547
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Abdelmalek Sayad
Elghorba : le mécanisme de reproduction de l'émigration
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 1, n°2, mars 1975. pp. 50-66.
Abstract
Elghorba : the reproductive mechanism of emigration
The conversation of a young and recent emigre traces the biographical itinerary that led him to emigrate and to discover a France
that could only strip the enchantment from the image that he formerly had of it : an image elaborated and imposed by the entire
group that continues to maintain it and which is not independent of the ancient roots and of the intensity of the migratory tradition,
It allows us to uncover certain mechanisms that tend to perpetuate emigration and that cannot be reduced to economic necessity,
which is an alibi both in the scholarly tradition of research on the causes of emigration as well as in the praxis of the subjects and
in the justification that they give to others and to themselves for this praxis.
Citer ce document / Cite this document :
Sayad Abdelmalek. Elghorba : le mécanisme de reproduction de l'émigration. In: Actes de la recherche en sciences sociales.
Vol. 1, n°2, mars 1975. pp. 50-66.
doi : 10.3406/arss.1975.2457
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1975_num_1_2_245750
ABDELMALEK SAYAD
El Ghorba : le mécanisme de
reproduction de l'émigration
notes doit ressources donc ses que pour C'est Deux le faire moyens rassurants, s'approprier discours linguistiques dire sociologue la que d'une propres science le juxtaposés, discours culture l'opacité construit la ou des théorie et ethnographiques en lois et faire du qui par d'une de sociologue discours n'en l'interrogation, l'émigration une construction langue font contribution et authentique, qu'un n'est originales par que des : pas le à l'informateur propos commentaires discours là la pour qui science mobilise de exprimer atténuer, de du l'informateur. sociologique, l'informateur sociologue produit "éclairants", toutes des par avec expéles des qui,
riences que cette langue et cette culture ignorent, ou refusent. Cette opacité
d'un langage qui ne se livre pas au premier regard du premier venu est sans
doute l'information la plus importante, la plus rare en tout cas à un moment
où tant de porte-paroles de bonne volonté prêtent aux émigrés leur langage.
de. ta .
.
.
;
.
.
.
51
Le texte cl-contre est la traduc J'ai été orphelin très tôt. En réalité, je suis le fils d'un
tion, que ¿'on a voulu aussi lit vieillard... ou, comme on dit, le "fils d'une veuve" (1). C'est
térale que possible, du distours ma mère qui m'a élevé, il n'y a pas de quoi avoir honte. Mon d'un émigré kaby¿<¿ recueilli <¿n père m'a "laissé" alors que j'avais huit ans ... Je suis donc France, a deux moments dl^érents le dernier de la couvée. . Déjà, avant la mort de mon père -il avant it après un congé. en Kabylle. était très âgé-, c'était ma mère qui s'occupait de tout ; elle déjà "l'homme de la maison" '. De toute façon, la femme
d'un vieillard est toujours une vieille '. L'âge de ma mère, je ne
le connais pas. mais elle est beaucoup plus jeune que mon père,
elle est même plus jeune que mes soeurs afhées (en réalité ses
demi-soeurs) ; mon père s'est marié, je crois, trois fois ; en
tout cas, il a des enfants de deux femmes différentes.
"Je suis le fils d'une veuve"
A. . .Mohand A... est un jeune Im Aussi longtemps que je me souviens, j'ai toujours vu ma mère
migré, âgé de 2 1 ans, arrivé en travailler à l'intérieur et à l'extérieur de la maison. et France depuis un peu plus d'une, jusqu'à ce jour, c'est comme ça ; elle n'arrête jamais. Mon année, seulement. Originaire d'un père, je ne me souviens de lui que comme un vieillard qui village, qui, comme. Il le. dit lui- n'allait pas plus loin que le pas de la porte. même, compte, "beaucoup plus de.
monde, en Fiance, que. sur place," ,
II appartient a cette. gé.nératlon
de. jeunes ruraux qui, dans une.
région de. très anc.le.nne, et très Ma mère est difficile ; c'est ce qu'on dit, c'est la réputation fiorte tradition d' émigration [les
qu'elle a, mais je crois qu'elle avait besoin de se donner cette massifs de, Kabylle) , n'ont d'autre
réputation pour se défendre, pour ne pas se faire "manger" par perspective d'avenir et, Initiale
ment, d'autre ambition que partir. les autres. Une veuve qui reste à la merci de ses beaux -frères,
En e\{et, d'une part, parce qu'il qui doit attendre que son fils grandisse pour qu'il y ait un homme n'a pas pu bénéficier à temp 6 qui entre et sorte de sa maison, ce n'est certainement pas pour de V e^{ort de scolarisation ré son bonheur '. Si elle ne se défend pas, ils la mangent, la pillent. cemment entrepris en milieu rural Elle, de son côté, ne les a pas ménagés. Je peux le dire [c'est à peine, selon ses propres
aujourd'hui: qui de tous mes oncles ne l'a pas, pour le moins, termes, s'il est "passé, furtive
ment" dans "l'école de circons insultée ? Combien de fois n'a-t-elle pas été battue ? Et toujours
tance", ouverte dans le local ou par les plus proches et non par les étrangers. Si celui qui t'est la"djemaâ'' du. se tenait village), le plus apparenté "ne t'entame pas", ce n'est pas qui t'est II ne pouvait, à l'Instar de tous éloigné qui "t'entamera". D'où viendra — t— il celui-là qui ne les jeunes pourvus d'un minimum pas proche ? Quant à l'étranger total, inutile d'en parler ; d' Instruction et parfois des titres celui-là aura peur, car elle reste toujours la femme des A. requis [certificat d'études pri Par contre un parent, qu'a-t-il à craindre ? Il dira toujours: maires, CAP), espérer trouver ni
c'est notre femme ; cela devient une affaire entre parents, et plus en ville, ni dans les villages a-
volslnants , ni même sur place, un il est proche, plus il s'autorise à aller de l'avant. Un gars comme
emploi stable qui le dispenserait El. . . -encore maintenant, il s'est beaucoup assagi-, qu'est-ce
d' émlgrer-, d'autre part, parce qui le retiendrait ? Crois-tu que la "honte lui rongera le visage", qu'il n' appartenait à aucune de qu'il se dira: "Mon oncle (c'était encore du vivant du père de ces grandes familles paysannes de l'immigré) est vieux, il n'a rien, il n'a personne, il ne peut rien, tradition possédant champs, arbres il n'a qu'elle et heureusement pour nous qu'elle est là ; c'est elle et bétail, II ne pouvait pas, In qui lui assure 'le plein de sa maison' ?" Pàen de tout cela. . dépendamment de la désaffection
générale qui frappe V agriculture
traditionnelle et à laquelle n'é
chappent même pas les membres des
familles terriennes, se résigner
à sa condition de métayer, c'est-
à-dire de fellah sur la terre et
pour le compte d' autrui. (1) L'expression "fils de veuve" est traditionnellement utilisée comme une masculinité' et l'honneur injure: homme éluvc par les femmes et dont In
sont suspects. L'inversion des valeurs anciennes en fait aujourd'hui une
qualité qui peut être revendiquée c'est 6tre le "fils de ses oeuvres". Ahdelmalek Sayad 52
Ayant de. ce {¡ait, une conscienc Quand je compare les premières années de mon enfance et
e, très aiguë de ta position quelques années plus tard, je peux même dire qu'on manifestait particutiere. qu' it occupe, parmi peut-être plus de respect à ma mère après la mort de mon père t' e.ns e.mbte des hommes da vitta- que du vivant de mon père. C'est vrai, on dirait que les "coeurs" ge, provoqué, à ne rien entre- ont changé depuis (...). Voilà ce que c'est que la vie d'un "fils p h. end tía qui ne. soit sur te. mo de veuve" 1 Très tôt, j'ai eu mon compte de peines, de soucis et de, du dé {¡i ou de. ta rép tique a
de tracas. Ce n'est pas l'âge qui fait les hommes, c'est ce qui ce. qui. est perçu comme un dé{i,
tÁoliand A... va vivre, en t'es est passé sur leur tête ; l'homme se fait par ses actes et non
pace, de quetques années, dans parce qu'il a reçu un nom de ses ancêtres. . . Ce peut être un tel. . ,
un saisissant raccourci et sur et pourtant, s'il n'y a rien en lui, "si son marché est vide" ? te

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