Formation et/ou ségrégation par l expression à l école - article ; n°1 ; vol.1, pg 49-77
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Description

Langage et société - Année 1977 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 49-77
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gérard Pithon
Formation et/ou ségrégation par l'expression à l'école
In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 49-77.
Citer ce document / Cite this document :
Pithon Gérard. Formation et/ou ségrégation par l'expression à l'école. In: Langage et société, n°1, 1977. Juillet 1977. pp. 49-77.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1977_num_1_1_1035Gérard PITHON
Assistant de psychologie sociale
à l'Université de Montpellier III
FORMATION ET / OU SEGREGATION
PAR L'EXPRESSION A L'ECOLE
"Du reste il faudrait s'entendre sur ce qu'est la langue cor
recte. Ce sont les pauvres qui créent les langues et qui ne
cessent de les renouveler de fond en comble. Les riches les
cristallisent pour pouvoir se payer la tête de ceux qui ne
parlent pas comme eux ou pour les recoller (...)
'Tous les citoyens sont égaux sans distinction de langue.'
C'est la constitution qui l'a dit (.,.) Mais vous, vous res
pectez plus la grammaire que la constitution."
(Lettre à une maîtresse d'école, Ecole de Barbiana)
"Cet objet en quoi s'inscrit le pouvoir de toute éternité
humaine, c'est le langage - ou pour être plus précis, son
expression obligée, la langue."
(Roland BARTHES au Collège de France)
La langue, instrument privilégié de la communication,
de l'enseignement par la transmission et la recherche des con
naissances, est aussi l'expression d'une ségrégation sociale.
C'est ce que dénonçaient les enfants d'origine modeste de
l'école de Barbiana en Italie. Aujourd'hui un des maîtres du
Collège de France en fait autant.
1. in Le Monde, 9-10 janvier 1977, page 14 - - 50
Humaines" ou formateur Tout enseignant en "Lettrée et Sciences
en "expression écrite et orale" est pris dans un dilemme:
1. reconnaître et accepter la pluralité des formes d'expression, ce fai
sant il refuse de considérer la demande de perfectionnement en ex
pression de ceux qui vivent leur discours comme une gêne, réelle ou
non, pour leur insertion et leur promotion sociale.
2. répondre à cette demande en sachant qu'elle est liée aux exigences
plus ou moins fondées de la société, ce faisant il met en place une
pédagogie "compensatoire" réservée seulement à une minorité qui doit
sacrifier ses modes d'expression au profit d'une langue "recevable"
qui est parfois inadaptée à leur vie quotidienne.
"Dans tous les cas il ne peut s'empêcher de se poser un certain
nombre de questions sur sa pratique éducative : Quels rôles joue-t-il
dans le processus de ségrégation et d'intégration linguistique ? Evalue
t-i"i des connaissances, des performances et/ou les formes dT expression
qui leur sont liées ? Ne favorise-t-il pas inévitablement les discours
proches du sien, qui lui sont judicieusement renvoyés à" des fina grati-
2 fiantes ? Ses critères normatifs sont-ils fondéa sur une plus grande
rigueur de raisonnement ("ce qui se conçoit bien s'énonce clairement")
ou sur une simple "richesse" de 1 Expression ?
Nous allons d'abord essayer de rappeler l'origine des diffé
renciations des formes d Expression du langage de la petite enfance à
l*âge adulte. Notre intention n'est pas d'entrer dans le débat scola-
stique des théories de l'innéisme, du milieu, ou de la maturation dans
l'acquisition du langage. Elle est plutôt une tentative pour cerner,
essentiellement par la méthode expérimentale, un de aes déterminants :
le milieu social, qui impose et valorise certaines formes d'expression.
Nous nous poserons enfin la question de la pertinence de cette suprématie.
2. "on pourrait également chercher à savoir si un message scientifique
n'est transmissible qu'au moyen d'un seul langage ou si la corrélation
des langages de l'émission et de la réception est le fait de l'exi
gence de l'émetteur voire l'illusion de l'observateur qui juge de
1 'assimilation du savoir selon la conformité au langage de l'émetteur.
Les discordances entre langage de l'émetteur et du récep
teur sont souvent associées à une représentation erronée ou à l'igno
rance; ceci confère un intérêt opêcial à une analyse approfondie des
erreurs de forme qui se ferait plus sur le plan du lexique qu.© sur
celui de la syntaxe."
BARBTCHON G., La diffusion des connaissances scientifiques et techni
ques, açpects psychosociaux, in MOGCOVTCI S., Introduction à la psycho
logie sociale, tome 2, Paris, Larouaso, 1973» pp. 358-359 - - 51
I. Origines sociales des différences dans les formes d'expression
Le milieu socio-culturel d'origine a une influence décisive car
il conditionne en partie le développement mental de l'enfant par l1 inter
médiaire essentiel du langage qui permet, entre autres, l'accès à la signi
fication et â l'organisation des concepts :
"Dés 1960, les conclusions théoriques les plus importantes étaient
déjà obtenues. Ces recherches ont montré que les conditions de vie des
milieux défavorisés néfastes au développement mental, étaient aggra
vées en milieu rural par des habitudes d'éducation imposées par le
travail agricole, de plus les ana-dyses ont prouvé que cette aggra
vation était surtout due à la rareté des échanges verbaux entre le
tout petit enfant et sa mère si elle travaille dans les champs, à
la pauvreté du vocabulaire utilisé par la famille dans laquelle grandit
l'enfant, enfin, â des relations parentales et à une vie sociale peu
stimulante sur le plan culturel. "3
En 1961 M. MOSCOVICI soulignait que les caractéristiques psychologiques
que l'on attribuait jusqu'alors à l'innêitè (caractère renfermé, diffi
cultés d'expression verbale des ruraux) étaient en fait dues â un con
texte socio-culturel où l'organisation de la personnalité sociale de
l'enfant et son développement intellectuel étaient indissociablement
liés.4
A Aberdeen en Ecosse, une simple expérience d'enregistrement
des échanges verbaux autour du nouveau-né a montré que le bébé dans une
famille populaire entend trois fois moins de mots en moyenne par jour
que dans une famille bourgeoise. L'origine de cette différenciation
réside donc dans une quantité et une qualité moindres des stimulations
verbales entre les enfants de milieux différents :
"L'acquisition du langage n'est ni une création ni une copie, elle
est la forme progressive que prennent, dans le registre de la com
munication verbale, les relations de l'enfant et de son milieu.
Ainsi l'enfant atteint de surdité totale â la naissance ne parlera
pas, il ne parlera pas non plus s'il est atteint d'une surdité
progressive avant l'âge de sept ans. Par contre, il conservera le
langage, si la surdité survient après sept ans. Or, dans le cas
d'une surdité acquise â la naissance, on n'observe pas de lésions
des organes de la parole. "°
3. THOMINE-DESMAZEURS Mo , avec la collaboration de RENON M.L., RAYNAUD
J., ROUY C, modernisation du secteur rural et évolution des modèles
de comportement, Paris, Laboratoire d'Economie et de Sociologie
Rurales, ronéo., juin-septembre 1967» P»4
4. MOSCOVIGI M., Personnalité de l'enfant et milieu rural, Etudes No. 1, avril-juin, 1961
5. BERNARD R., école, culture et langue française, Paris, 1972, p.104
6. Ibid., p. 106 - - 52
Les analyses de B. Bernstein, sociologue anglais, et de son
équipe, sont maintenant connues en France depuis la traduction dfun
n
livre regroupant un certain nombre de ses études et la publication
d'articles présentant synthétiquement ses travaux. Nous ne pourrons
en présenter ici qu'un aspect très fragmentaire an invitant le lecteur
intéressé par de plus amples informations à se référer aux documents
cités. L'ensemble de ses études expérimentales, et les modèles théo
riques correspondants, permettent de comprendre en partie, l'échec
scolaire plus important chez les enfants issus des couches sociales
défavorisées. Il démontre que la langue est un des médiateurs essen
tiels entre le niveau social et le développement intellectuel du sujet.
Dès 1960 il souligna

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