L avènement de l imprimerie et la Réforme - article ; n°6 ; vol.26, pg 1355-1382
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1971 - Volume 26 - Numéro 6 - Pages 1355-1382
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Elizabeth L. Eisenstein
Gérard Mansuy
L'avènement de l'imprimerie et la Réforme
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 26e année, N. 6, 1971. pp. 1355-1382.
Citer ce document / Cite this document :
Eisenstein Elizabeth L., Mansuy Gérard. L'avènement de l'imprimerie et la Réforme. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 26e année, N. 6, 1971. pp. 1355-1382.
doi : 10.3406/ahess.1971.422418
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1971_num_26_6_422418L'avènement de l'imprimerie
et la Réforme
Une nouvelle approche au problème du démembrement
de la chrétienté occidentale*
« II fut probablement vendu, entre 1517 et 1520, plus de 300 000 exemplaires des trente
écrits de Luther... On ne saurait trop estimer le rôle qu'a joué l'imprimerie dans la diffusion
des idées religieuses. Sans son recours, une révolution d'une telle amplitude n'aurait guère
pu se produire. A l'inverse des hérésies de Wyclif et de Walden, le luthéranisme fut dès
l'origine le produit du livre imprimé. Grâce à ce véhicule nouveau, Luther fut à même de
marquer la mentalité européenne d'une empreinte précise, uniforme et indélébile. Pour la
première fois dans l'histoire des hommes, un vaste public de lecteurs a pu juger de la vali
dité d'idées révolutionnaires grâce à un mode de communication s'adressant à la masse,
qui utilisait les langues vernaculaires et faisait appel à l'art du journaliste autant qu'à
celui du caricaturiste... x »
Comme le suggère cette citation, les effets de l'imprimerie, qu'on néglige trop
souvent dans les études sur la Renaissance, ont moins de chances de passer inaperçus
dans les études sur la Réforme. Dans ces dernières, l'historien est confronté à un
mouvement qui a été modelé, dès son origine (et pour une bonne part introduit),
par les pouvoirs nouveaux qu'offraient les presses. Le protestantisme a été le premier religieux à avoir tiré un plein profit de ces possibilités. Il a été égale
ment le tout premier mouvement de quelque nature que ce soit à avoir exploité
ce nouveau moyen de communication à grande échelle dans des buts de propagande
et d'agitation. Par leurs pamphlets qui visaient à gagner l'appui populaire et s'adres
saient à un public non familiarisé avec le latin, les réformateurs ont inconsciemment
ouvert la voie aux techniques de communication de masse. Ils ont aussi laissé des
« empreintes indélébiles » sous forme de polémiques et de caricatures. Destinées à
frapper l'esprit et à enflammer les passions des lecteurs du xvie siècle, leurs carica
tures antipapistes conservent, dans nos propres livres d'histoire, une grande force
d'impact. De par sa nature même, l'exploitation par les protestants du nouveau
mode de communication apparaît nettement aux historiens d'aujourd'hui.
* Ce texte est la version abrégée d'un chapitre d'un livre à paraître. La plupart des parties
centrales de ce chapitre ont été supprimées. Certains passages sont présentés sous forme résumée.
1. A. G. Dickens, Reformation and Society in Sixteenth Century Europe (New York, 1964), p. 51.
Rappelons pour mémoire l'œuvre pionnière de Lucien Febvre, entre autres : L. Febvre et
H. J. Martin, V Apparition du livre (« L'Évolution de l'humanité » 49), Paris, 1958, et, dans
Le Problème de Vincroyance au XVIe siècle (Paris, 1942), le paragraphe « L'Imprimerie et ses
effets : ouï-dire » (pp. 418-421).
1355 CULTURE ET SOCIÉTÉ
De plus, les réformateurs se rendaient compte que l'imprimerie servait leur
cause et en ont reconnu l'importance dans leurs écrits. Luther lui-même a décrit
l'imprimerie comme « le plus grand et le plus extrême acte de la Grâce divine par
lequel se propage l'influence de l'Évangile ». Qu'il l'ait également considérée comme
« la dernière flamme avant l'extinction du monde2 » est caractéristique de la perspect
ive protestante. Ce n'est que plus tard, après que l'avenir de l'homme sur terre
eut été indéfiniment prolongé, que cette invention vint à être associée (par Condorcet
et d'autres) au progrès des « Lumières ». Luther croyait au contraire que le jour du
Jugement mettrait bientôt fin au cheminement de l'histoire. De surcroît, les pro
testants tout comme les humanistes restaient tournés vers le passé plutôt que vers
l'avenir dans leurs tentatives pour surmonter l'obscurantisme gothique et s'avancei
vers un âge de Lumière. Lorsque John Foxe proclamait « l'excellence de cet art de
l'imprimerie très heureusement découvert depuis peu... pour le plus grand bénéfice
de l'Église du Christ », il songeait au rétablissement des « feux de la connaissance
perdus en ces temps d'aveuglement » et à la « réhabilitation de ces auteurs anciens
et salutaires dont l'enseignement et les actes seraient autrement tombés dans l'oubli3 »
Le rôle révolutionnaire que la stratégie protestante a assigné à l'imprimerie n'en a pas
moins marqué une coupure avec l'histoire antérieure des idées. En associant l'inven
tion de Gutenberg à une rupture décisive tant avec Rome qu'avec la diplomatie
élizabéthaine, John Foxe et ses correligionnaires ont ouvert la voie à des courants
ultérieurs 4. Bien que s 'opposant presque en tous points, les théologiens protestants
tout comme les philosophes éclairés voyaient dans l'imprimerie une technique
providentielle devant mettre fin une fois pour toutes au monopole du savoir que
détenaient les prêtres, devant vaincre l'ignorance et repousser les forces des ténèbres
dirigées par les papes italiens 5 :
« Le Seigneur se mit au travail pour son Église, combattant son puissant adversaire
non pas par le fer, mais par l'imprimerie, l'écriture et la lecture... Autant de presses de par
le monde, autant de redoutes dressées contre le château Saint-Ange, si bien que le pape
devra abolir le savoir et l'imprimerie ou celle-ci devra enfin avoir raison de lui e ».
2. Les remarques de Luther sont citées par M. H. Black, « The Printed Bible », dans The
Cambridge History of the Bible, HI, The West from the Reformation to the Present Day, éd. S.L. Green-
slade (ci-après notée C.H.B. Ш) (Cambridge, Eng., 1963), p. 432.
3. John Foxe, préface pour un recueil de textes protestants (1572) citée par Margaret Aston,
« Lollardy and the Reformation : Survival or Revival », History XLIX (1964), 169. Voir également
M. Aston, « John Wyclffîe's Reformation Reputation », Past and Present 30 (avril 1965), 'pp. 23-52,
pour un exposé de la manière dont Foxe s'est engagé « dans la voie tracée par John Baie » et pour
un compte-rendu des premiers emplois de « métaphores lumineuses » par les panégyristes de Wyclif.
4. L'invention de Gutenberg fut d'abord prônée, dans les cercles humanistes allemands, pour
des raisons patriotiques, comme une contribution unique à la renaissance culturelle et comme une
réalisation allemande qui égalait celles des Italiens. (Voir par exemple Lewis Spitz, The Religious
Renaissance and the German Humanists (Cambridge, Mass., 1963), pp. 84-85. Mêlé de propagande
antipapiste, ce thème patriotique est passé en Angleterre puis, en dernier ressort, aux colonies
américaines.
5. Le plan historique du monde de Foxe, plan qui met l'accent sur l'imprimerie, est étudié par
W. Ferguson, The Renaissance in Historical Thought : Five Centuries of Interpretation (Cambridge,
Mass., 1948), pp. 54, 97. La place importante qu'occupe l'imprimerie dans la pensée de l'Ère des
Lumières et l'idée de progrès demande une étude distincte. Celle-ci est abordée par Roy S. Wolper,
« The Rhetoric of Gunpowder and The Idea of Progress », Journal of the History of Ideas (octobre-
décembre 1970), XXXI, 589-598.
6. Extrait du Book of Martyrs de Foxe par William Haixer, The Elect Nation; The Meaning &
Relevance ofFoxe's Book of (New York, 1963), p. 110.
1356 LIVRE ET SOCIÉTÉ E. EISENSTEIN
Nous associons tout naturellement dans nos esprits, le protestantisme et l'impri
merie mais non pas la Renaissance et l'imprimerie, sans doute parce qu

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