L ésotérisme fascisant de Mircea Eliade - article ; n°1 ; vol.106, pg 42-51
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1995 - Volume 106 - Numéro 1 - Pages 42-51
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 87
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Daniel Dubuisson
L'ésotérisme fascisant de Mircea Eliade
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 106-107, mars 1995. pp. 42-51.
Citer ce document / Cite this document :
Dubuisson Daniel. L'ésotérisme fascisant de Mircea Eliade. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 106-107, mars
1995. pp. 42-51.
doi : 10.3406/arss.1995.3134
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1995_num_106_1_3134;
Daniel Dubuisson
Uésotérísme fascisant
de Mircea Eliade
René Guenon2) qui se réclamaient de traditions secrètes,
invariablement réservées à un petit nombre d'élus,
quand ils ne soutenaient pas ouvertement en plus des
idéaux de type fasciste ou national-socialiste (comme
Julius Evola3).
J'entends la mystique, le et assez cette Le le [. . mot mot métaphysique c'est .] néo-platonisme un nouvelle étrange. de ainsi public, dire métapolitique, cabalistique que que expression restreint je de les était me la est philosophes apporta politique. construisis à certes, pour à est l'origine celui fort être aussi mais de bien ; allemands un à l'élément physique. sa celui d'élite. univers inventée contribution de ont hermétique, politique d'un Il pour semble inventé aspect I. exprimer de M. ce que Goethe Maistre que Eliade D'ÉTRANGES FASCINATIONS
Mon propos, aujourd'hui, se limitera à compléter et
à développer ces dernières indications en analysant
la conception eliadienne de la religion à la lumière de
tout ce que supposent ces notions, souvent obscures et
mal connues, que les historiens relèguent généralement
en marge des principaux courants et des grands pro
blèmes religieux. En somme, je souhaiterais que le lec
'histoire des religions ne ressemblera jamais tout teur en vienne à se poser cette question : n'est-ce pas
à fait aux autres sciences humaines. La complexité dans ce fatras métaphysico-politique situé en réalité
et parfois même l'étrangeté des faits qu'elle étudie,
l'imparfaite et sans doute l'impossible laïcisation de tous
les problèmes qui se posent à elle, les résonances 1 - Cf. D. Dubuisson, Mythologies du xxe siècle, Lille, PUL, 1993, p. 217-
303, spécialement p. 256. profondes, «métaphysiques », de certaines de ses interro
2 - Celui qu'Eliade appelle « le plus autorisé des représentants de l'éso- gations et les interprétations cruciales que celles-ci térisme moderne » (M. Eliade, Occultisme, Sorcellerie et Modes culturentraînent à leur suite, favorisent inévitablement la comp elles, Paris, Gallimard, 1978, p. 89), «un esprit savant et rigoureux»
osition d'œuvres ambiguës qui, sous le couvert de (ibid., p. 70, 71).
son nom et de son autorité scientifique, se livrent sans 3 - «J'admirais son intelligence et, surtout, la densité et la clarté de sa
prose » (M. Eliade, Les Moissons du solstice. Mémoires, II, Paris, Gallretenue à l'apologie de thèses bizarres et partisanes. C'est imard, 1988, p. 153). Pour une meilleure compréhension de la suite, je ainsi que, dans un premier examen de l'oeuvre d'Eliade, signale simplement ici que le jugement admiratif porté par Evola sur
j'ai à deux ou trois reprises signalé1 qu'à côté de son Codreanu, le fondateur de la féroce Garde de fer roumaine, rejoignait le
sinistre respect que ne cessa de lui témoigner Eliade (ibid., p. 35 et 40) ontologie d'inspiration païenne, de ses nostalgies archaï- cf. P. -A. Taguieff, «Julius Evola penseur de la décadence », Política her
santes pour une société agraire et de ses relents antisé mética, 1, Paris, L'Âge d'Homme, 1987, p. 38, note 12, et F. Ferraresi,
«Julius Evola et la droite radicale de l'après-guerre», ibid., p. 100, 101. mites, cette œuvre manifestait une troublante sympathie Evola et Eliade se sont rencontrés chez Nae Ionescu en 1937 et ont pour les mouvements occultes, les mystères, les gnoses, ensuite correspondu régulièrement (M. Eliade, Fragments d'un journ
les sociétés initiatiques, ainsi que pour les individus (tel al, II, Paris, Gallimard, 1981, p. 192-194). .
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L'ÉSOTÉRISME FASCISANT DE MlRCEA ELIADE 43
au carrefour de l'ésotérisme et du fascisme qu'Eliade, en leur interprétation, qui sont justement celles qu'il attribue
définitive, situait l'essence même des faits religieux, de également aux faits religieux qu'ils étudient. Un postulat
l'authentique vie religieuse ? identique, d'origine ou de nature métaphysique, fonde la
structure sémiotique de l'objet religieux et l'activité he
Avant d'aborder cette démonstration, sans doute rméneutique de l'œuvre qui se consacre à son interprétat
me permettra-t-on d'énumérer les trois types de faits, ion. Bien qu'il s'agisse là d'un procédé rhétorique assez
incontestables (puisqu'une simple lecture cursive de grossier, qui consiste simplement à plaider « l'irréductibil
cette œuvre permet de les retrouver immédiatement), ité des créations spirituelles à un système de valeurs pré
qui me conduisent à formuler cette hypothèse. existant11», il faut reconnaître que son efficacité est
a) On doit tout d'abord noter la place centrale que redoutable. Combien de lecteurs n'ont-ils pas été abusés
tient dans son œuvre et la fonction capitale qu'y joue par lui et n'ont-ils pas, à la suite d'Eliade, reconnu dans
le thème platonicien du double sens (littéral/secret; sa pensée un message qui transcendait toute déterminat
visible/invisible) et du double niveau de réalité (mond ion historique ?
ain/transcendant), qui semble être élevé par lui à la Il est probable aussi, encore que la chose surprenne
dignité de principe suprême4. C'est pourquoi on le au premier abord, que ces mêmes lecteurs aient été
séduits par le style lyrique d'Eliade que ridiculisent pour- retrouve aussi bien dans sa production romanesque
qu'au cœur de sa définition du phénomène religieux, à
la compréhension duquel il fournit la clé ultime «Je
4 - P. -A. Taguieff («Julius Evola... », loc. cit., p. 44, note 50) a parfaitvoulais utiliser certains faits réels (l'existence historique ement raison de dire qu'il s'agit là du « présupposé fondamental de l'es
de Honigberger, mes expériences personnelles à Rishi- prit traditionnel». Est platonicienne, aux yeux d'Eliade, toute opposit
ion entre des formes idéales, archétypes, exemplaires, supérieures, et kesh) en les camouflant dans une nouvelle fantastique des objets historiques, concrets. Toujours selon lui, toutes les ontolode telle sorte que seul un lecteur averti pourrait distin gies archaïques et traditionnelles possèdent une « structure platoni
guer la vérité de la fantaisie. Les hiérophanies, c'est-à- cienne » (M. Eliade, L'Épreuve du labyrinthe : entretiens avec CL-
H. Rocquet, Paris, Gallimard, 1985, p. 102, 165 Aspects du mythe, Paris, dire la manifestation du sacré dans des réalités cos Gallimard, 1963, p. 157), puisqu'elles reposent sur des mythes miques (objets ou processus relevant du monde immuables, indéfiniment répétés dans des rituels destinés à régénérer
le cosmos, et qu'à ces mythes éternels s'opposent les créations histoprofane), ont une structure paradoxale parce qu'elles
riques, le monde bas et profane. On verra plus loin qu'il était facile de montrent et camouflent en même temps la sacralité 5. » traduire cette opposition en termes sociopolitiques à l'élite qui pos
b) Très logiquement, à partir de ce même principe sède ou incarne les qualités relevant exclusivement d'un monde tran
scendant doit se soumettre la masse ordinaire, inculte, de tous ceux qui qu'il applique astucieusement à sa propre œuvre d'histo sont incapables de s'élever jusqu'à cette « réalité supérieure » (M. Eliade, rien des religions, conçue d'ailleurs à la manière d'une Méphistophélès et ¡Androgyne, Paris, Gallimard, 1962, p. 197). Ce pla
tonisme n'est toujours que la forme sublimée, métapolitique, puisqu'il quête initiatique 6, Eliade définit ensuite l'attitude, la pos
prétend dépendre d'un « ordre cosmique de nature religieuse » ture interprétative qu'il attend de ses lecteurs. Ces mêmes (M. Eliade, Briser le toit de la maison (la créativité des sym,boles), Pari

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