L Inde d aujourd hui : le problème agraire - article ; n°1 ; vol.17, pg 65-74
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1962 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 65-74
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Daniel Thorner
L'Inde d'aujourd'hui : le problème agraire
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 1, 1962. pp. 65-74.
Citer ce document / Cite this document :
Thorner Daniel. L'Inde d'aujourd'hui : le problème agraire. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 1,
1962. pp. 65-74.
doi : 10.3406/ahess.1962.420789
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1962_num_17_1_420789L'Inde ďaujourďhui
Le problème agraire
II n'est pas inutile de préciser, pour commencer, dans quel sens sera
employée, au cours des pages qui vont suivre, l'expression « problème
agraire ». Le qualificatif « agraire » est souvent employé d'une façon
approximative, pour traiter de production agricole, de rendement et
d'approvisionnement alimentaire. Ici, nous entendons employer ce terme
dans son acception traditionnelle, que suggèrent des locutions comme
« Die Agrarfrage » en allemand, ou « The agrarian problem » en anglais.
Le « problème agraire » évoquera donc l'ensemble des institutions de la
société rurale et l'influence que cette structure exerce sur le niveau de
la production et sur la répartition des revenus agricoles. Si je m'ex
primais en termes marxistes, je parlerais des relations entre le régime de
la propriété agraire et les rapports de production agricole.
Il est d'autre part hors de question d'examiner le problème agraire
tel qu'il se présente dans chacune des régions, pour brosser, ensuite,
le tableau d'ensemble de l'agriculture indienne.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et la proclamation de
l'Indépendance, il y a eu, aux Indes, une vague sans précédent de réforme
agraire. On aurait pu penser qu'après ces réformes, les propriétaires
importants 2 se seraient consacrés à la réorganisation et à l'intensifica
tion de la production sur la terre qui leur était laissée. Une telle modern
isation, si elle avait eu lieu, leur aurait procuré de gros revenus, et elle
aurait contribué à accroître la production indienne si essentielle pour le
1. Texte d'une conférence faite au XXVe Congrès International des Orientalistes,
Moscou, août 1960.
2. Nous traduisons ainsi « Larger holders », propriétaires ne possédant pas moins
de 20 à 30 acres (8 à 12 ha) de bonne terre, ou possédant plus de 40 à 50 acres (16 à 20 ha)
de terre moyenne ou pauvre.
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Annales (17e année, janvier, février 1962, n° 1) б ANNALES
développement du pays et le succès des plans quinquennaux. En fait,
dans de vastes régions du pays, les propriétaires trouvent plus simple et
plus lucratif de louer la plupart de leurs terres à de petits fermiers et à
de médiocres métayers. En plus des fermages, ils reçoivent des intérêts
usuraires sur des prêts qu'ils consentent ; et se faisant, à l'occasion,
intermédiaires commerciaux, ils achètent leurs produits aux petits exploi
tants de leurs villages à des prix souvent inférieurs à ceux du marché
courant.
Ces petits producteurs qui payent des fermages et des taux d'intérêt
élevés, et vendent à vil prix, ne peuvent investir que très peu pour amél
iorer leurs terres, et sont à la merci des puissants du village. Ceux-ci
empêchent ainsi la petite agriculture de progresser en même temps qu'ils
consacrent une trop faible part de leurs moyens à moderniser leurs
propres domaines exploités avec de la main-d'œuvre salariée. S'il est
permis de parler de révolution industrielle dans l'Inde ; on ne peut donc
légitimement avancer le terme de révolution agricole.
Un exemple rendra peut-être mon propos plus clair. J'ai rencontré
à Noël, l'année dernière, un exploitant appelé Anand Madho Shukla
que, par respect, nous appellerons Shuklaji. Il n'habite pas loin de Mahewa,
epicentre du célèbre Projet de Développement communautaire d'Eta-
wah, à quelques centaines de milles à l'est de Delhi. Dans le livre qu'il
a consacré à cette entreprise, Albert Mayer, inspirateur du projet, dépeint
Shuklaji comme le paysan qui a collaboré le plus volontiers. Shuklaji a
adopté les idées du projet plus vite que tout autre, et les a adaptées aux
nécessités de sa propre exploitation. Il fit aussi de son mieux pour per
suader les autres cultivateurs de l'imiter.
Les deux fois où je l'ai rencontré, Shuklaji se montrait plein de dignité
calme et de charme. Il me parla en toute confiance de l'étendue de ses
terres et de la manière dont il en disposait. Il possède 90 acres ; il en
exploite lui-même un peu plus de la moitié, disons 50 acres. Les 40 autres
sont données en métayage à de petits paysans. Dans certains cas, Shuklaji
fournit la moitié des semences et la moitié des engrais ; dans d'autres, il
paye la du prix des semences et des engrais. Au début du cycle
agricole, ses propres ouvriers peuvent participer au premier labour, le
labour profond, mais, ensuite, tout le travail et les frais de culture, jus
qu'à la moisson et au battage du blé, sont le fait des métayers. Pourtant,
quand la est rentrée, près des deux tiers reviennent à Shuklaji.
Celui qui a accompli, le travail, le métayer, ne garde donc qu'un tiers de
la récolte.
Shuklaji admettait franchement les inconvénients de cet arrange
ment. Ses métayers, me dit-il, possédaient aussi quelques lopins de terre
et il reconnaissait que le revenu en était bien plus élevé que pour une
terre de même qualité cultivée en métayage.
66 L'INDE D'AUJOURD'HUI
Je ne vous aurais pas présenté Shuklaji si son cas avait été isolé. Le
fait est que, parmi les propriétaires importants de l'Uttar Pradesh, il
est très fréquent de donner des terres à des métayers. Dans la grande major
ité des villages, on trouve quelques familles, peut-être une demi-douzaine,
parfois une douzaine, de propriétaires relativement importants. Ce sont
précisément ces familles qui continuent à faire cultiver leurs terres par
d'autres, généralement sous une forme quelconque de métayage. Le plus
souvent, la récolte est divisée par moitié entre bailleur et preneur.
Le but principal assigné à la réforme agraire était de mettre en rela
tions directes celui qui travaillait le sol et l'Etat. Pour permettre au
cultivateur véritable de tenir sa terre directement de l'Etat, la réforme
agraire a pris la décision d'éliminer les intermédiaires. En fait le slogan-
force de la réforme était « abolition des intermédiaires ». L'intermédiaire
de type classique à supprimer était le zamindar de l'U. P. (Uttar Pra
desh), et son voisin des Etats du Nord de l'Inde. Le terme hindoustan
de zamindar signifie « possesseur du sol » ; et beaucoup de petits paysans
étaient appelés zamindars (et le sont encore). Mais le même terme de
zamindar s'applique aussi à cette cible que représentent, pour la réforme
agraire, les milliers de gros propriétaires, les absentéistes ou ceux qui
font cultiver leurs terres par les autres.
Or les intermédiaires de toutes sortes continuent à exister. L'Etat
dans lequel la réforme agraire a eu le plus de retentissement est celui de
l'Uttar Pradesh, qui adopta en 1950 sa fameuse loi sur l'abolition du
Zamindari x (U. P. Zamindari Abolition Act). Cinq ans plus tard, une
enquête montrait que 10 % des familles paysannes dans l'Uttar Pradesh
continuait à posséder 50 % de la terre.
Ne discutons pas ici la parfaite exactitude de ce chiffre qui vaut en
tant qu'approximation. Il traduit bien le fait qu'une minorité continue
à contrôler une grande partie des terres et part importante de
celles-ci est affermée, par petites parcelles, à des métayers.
En simplifiant, on peut dire que la même chose est arrivée, sous une
forme ou sous une autre, dans toute l'Inde : les gens les plus importants
ont conservé une grande partie de leurs terres et la font cultiver par
d'autres. Dans beaucoup d'Etats, en effet, le faire-valoir indirect conti
nue à être pratiqué ouvertement (Pendjab, Andhra, Madras, Mysore, etc.).
Donc, si l'on prend à la lettre les buts assignés à la réforme agraire
indienne, on peut conclure à son échec. Il serait toutefoi

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