La Filiation généalogique (nasab) dans la société d Ibn Khaldun - article ; n°102 ; vol.27, pg 99-118
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La Filiation généalogique (nasab) dans la société d'Ibn Khaldun - article ; n°102 ; vol.27, pg 99-118

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Description

L'Homme - Année 1987 - Volume 27 - Numéro 102 - Pages 99-118
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Constant Hamès
La Filiation généalogique (nasab) dans la société d'Ibn Khaldun
In: L'Homme, 1987, tome 27 n°102. pp. 99-118.
Citer ce document / Cite this document :
Hamès Constant. La Filiation généalogique (nasab) dans la société d'Ibn Khaldun. In: L'Homme, 1987, tome 27 n°102. pp. 99-
118.
doi : 10.3406/hom.1987.368813
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1987_num_27_102_368813Constant Hamès
La filiation généalogique (nasab)
dans la société d'Ibn Khaldün
'Abderrahman ben Muhammad ben Mu
hammad ben Muhammad ben Al-Hasan ben
Muhammad ben Jabir ben Muhammad ben
Ibrahim ben 'Abderrahmän ben Khaldün
[...] wa nasabunä fl Hadramawt min 'arab [...] notre nasab remonte à Hadramawt, aux
al-Yaman ilâ Wâ'il ben Hijr min aqyal al- Arabes du Yémen, jusqu'à Wa'il ben Hijr,
'arab ma 'arüf prince arabe renommé (Ibn Khaldün 1971,
VII : 379-380).
wa aktaru ma yakunu sukna al-badwi li ahl la plupart des habitants de l'espace bédouin se
al-ansäb lianna luhmat an-nasab 'aqrabu wa réfèrent à leurs généalogies, parce que la
'asaddu fatakünu 'asabJyatuhu kadalika. parenté par le nasab établit des liens plus pro
ches et plus intenses, ce qui se répercute sur la
'asabJya(jbid., I : 358) '.
Nous voudrions prêter le moins possible à Ibn Khaldun lorsqu'il tente
d'expliquer les dynamismes sociaux à l'œuvre dans l'évolution des sociétés
musulmanes, y compris celles de son temps (xive siècle, surtout au Maghreb). Il
est clair que nous ne pouvons lui demander de répondre dans les catégories de nos
disciplines scientifiques actuelles à des questions concernant l'organisation
sociale et politique, les fonctions de la parenté et les idéologies qui les accompag
nent. En revanche, nous devons lui emprunter, sur ces sujets, un nombre consi
dérable de matériaux dont les références épistémologiques multiples — philo
sophiques rationnelles, éthiques religieuses, socio-idéologiques, empiriques —
ne peuvent être appréhendées qu'à travers les cadres sociaux et culturels de son
époque (Arkoun 1985), sans compter, bien entendu, son originalité personnelle.
Or, dans la perspective anthropologique, une notion conceptuellement et socia
lement importante, celle de nasab, largement utilisée dans le Kitâb al- 'ibar (Ibn
Khaldün 1971), mérite de retenir notre attention. Dans son sens général, elle
désigne un arbre de filiations généalogiques (Ibn Manzür, s.d.).
L'Homme 102, avril-juin 1987, XXVII (2), pp. 99-118. 100 CONSTANT HAMÈS
II s'agit là d'une des catégories de pensée qui se situent, croyons-nous, au
cœur des sociétés musulmanes. Ce n'est pas le lieu ici d'entrer dans le vaste
débat qu'elle soulève. Contentons-nous d'indiquer quelques points de repère.
Tout l'édifice des hadït de la sunna prophétique (« tradition ») et des
récits historiques des premiers temps de l'islam est fondé sur l'architecture
généalogique (isnâd) des rapporteurs et des témoins. La transmission des
savoirs religieux classiques s'est par la suite appuyée sur le déroulement du
tapis des filiations enseignantes, critère axial de la légitimation du statut du
savoir2. Le réseau de diffusion transislamique des turuq (« confréries
religieuses ») procède de chaînes de filiation mystique (silsila) où, de père en
fils spirituels (sinon biologiques), se transmettent les éléments nécessaires à la
poursuite légitime du mouvement. Le droit musulman (fiqh) tourne en grande
partie autour des questions de mariage et d'héritage, « noyau dur », disent cer
tains, de la résistance islamique au droit d'inspiration occidentale (Schacht
1983). Partout où il y a islamisation, hier et aujourd'hui, le mariage et l'héri
tage selon le modèle « arabe » du fiqh introduisent des transformations struc
turelles dans les relations sociales et politiques découlant des relations de
parenté. L'identité des personnes ne se conçoit que comme segment d'une
séquence de filiation ininterrompue3, simple conjonction — ibn, wuld — entre
le père et l'enfant ; souvent, de surcroît, le nom (ism) de ce dernier est le rappel
de celui d'un grand-parent, en cas de primogeniture. Aussi, d'une façon génér
ale, peut-on dire que la relation père-fils et sa transposition, la relation maître-
disciple, apparaissent comme des figures dynamiques centrales — réelles ou
imaginées — des sociétés arabo-musulmanes. C'est ainsi que la définition la
plus radicale et en même temps la plus sociologique que le Coran donne
d'Allah le soustrait absolument (as-samad) à cette marque décisive de la
condition humaine ordinaire, la filiation : « II n'a pas enfanté flam yalid] et il
n'a pas été enfanté fwa lam yülad] » (Cor. CXII, 3).
Réfléchissant, dans le dernier quart du xive siècle, sur l'histoire connue des
peuples de tous les temps et particulièrement sur les causes de leurs dominat
ions et de leurs chutes, ainsi que sur celles de leurs différences externes et
internes, Ibn Khaldûn se trouve triplement confronté aux structures et aux
effets sociaux et politiques de la parenté-filiation.
Comment expliquer (II : 2) que les Banü Adam, héritiers d'Allah sur la
terre, se soient différenciés en peuples, de génération en génération (ihtilâf
ajyâlihim) ? Question qui, sous l'apparente conformité coranique, ne se
contente pas du constat de la volonté divine mais veut élucider les raisons de la
diversité humaine4. C'est l'objet d'une première incidente du problème de la
parenté dans une histoire généalogique des origines (kaläm 'alä 'ansâbihïm).
Comment ensuite expliquer les dominations (tagallub) successives de chacun
de ces peuples retenus par l'histoire (masâhlr) ? Pour ce faire, Ibn
Khaldûn va développer sa thèse sur la 'asabïya et tenter, à travers elle, de
théoriser la place et les fonctions du système de parenté arabo-musulman dans
ses rapports avec l'organisation sociale et le pouvoir politique. La Filiation généalogique 101
Concernant ce dernier, il existe en effet un troisième niveau d'intervention du
nasab dans la société, découlant du caractère héréditaire du pouvoir légitime,
politique ou religieux. Ibn Khaldün se pose en fervent partisan de la succession
du pouvoir entre les mains des ahlal-bayt (gens de la « maison »). Nul n'a le droit
au commandement tribal (ryasa) ou au pouvoir d'État (mulk) s'il ne fait partie
de l'ascendance (agnatique) du groupe dominant. Il y a là tout un aspect d'idéo
logie politique, exprimé en langage de fidélité lignagère, qui nous fait découvrir le
point de vue personnel le plus engagé de l'historien. Et sans la prise en compte de
cette thèse sur la légitimité « généalogique » du pouvoir, on ne peut comprendre
ni les ressorts ni les modalités de présentation de l'histoire « dynastique » qui nous
est rapportée dans la partie la plus longue de l'œuvre. Nous nous limiterons ici à
des remarques incidentes sur les implications de ce niveau politique du nasab.
1. La généalogie et la différence entre les peuples
Au seuil du très long récit qui va de la création du monde (hatîqa) jusqu'à
son époque (hada al-'ahd), Ibn Khaldün s'interroge sur la différence qui a fini
par s'installer entre les Banü Adam, les fils « du premier père de la création ».
Le premier des deux avant-propos (muqaddimatân) qui coiffent cette his
toire de l'humanité signale d'emblée quels sont les marqueurs sociaux de
différence : « L'identité généalogique [bi l-ansâb] ; les différences de langue et
de couleur ; les distinctions dans le comportement, les opinions et les mœurs ;
les divisions en croyances et en religions, les répartitions selon les climats et la
position géographique » (II : 2). Suivent, dans un ordre relatif et incomplet, les
éléments concrets permettant de remplir cette « grille ». Au titre des identités
par filiation, on obtient : les Arabes, les Perses, les Rüm, les Banü Isrâ'ïl et
les Berbères. Au

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