La multiplication des dieux : enquête à Kunje (Inde) - article ; n°6 ; vol.25, pg 1523-1546
25 pages
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 6 - Pages 1523-1546
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Bernard Delfendahl
La multiplication des dieux : enquête à Kunje (Inde)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1523-1546.
Citer ce document / Cite this document :
Delfendahl Bernard. La multiplication des dieux : enquête à Kunje (Inde). In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e
année, N. 6, 1970. pp. 1523-1546.
doi : 10.3406/ahess.1970.422297
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422297multiplication des dieux : La
ENQUÊTE A KUNJE (INDE) *
1. — PRÉLIMINAIRES
1. « Le divin »
Mon but principal est d'étudier ici quelques phénomènes de multiplication
de divinités dans un village de l'Inde, que j'appellerai Kunje, et dans les villages
voisins г.
J'appellerai divin tout être qui est conçu comme un sujet échappant au contrôle
direct de l'homme ; la nature du divin n'étant pas l'objet de notre recherche dans
cet essai, je prends la liberté de ne pas exposer les observations sur lesquelles cette
définition succincte est fondée et de ne pas l'entourer des nuances dont il est besoin
pour la justifier. Elle implique par sa généralité qu'il nous est permis d'inclure
les saints dans le « divin » lorsqu'il s'agira du catholicisme.
* L'orthographe adoptée pour les noms des divinités a été simplifiée, à la demande de la Rédact
ion.
1. Un premier séjour à Kunje, en 1964-65, fut rendu possible par une subvention de la Wen-
ner-Gren Foundation for Anthropological Research, et une seconde mission, plus longue, en 1965-66,
fut financée par le C.N.R.S. Kunje est dans le Maharashtra juste derrière les Ghâtes Occidentales,
sur le plateau du Deccan ; il est à quelques dizaines de kilomètres au sud de Poona. Le village a
entre 600 et 700 habitants. Il comprend une douzaine de castes allant des Brahmanes, en haut de
l'échelle, aux Mahar, intouchables, anciennement équarisseurs ; la majorité des habitants sont
Maratha Kunbi ou Maratha Desmukh de caste. Presque tous les villageois pratiquent l'agriculture,
bien que beaucoup aient aussi d'autres occupations.
En ce qui concerne les dieux situés dans les champs de Kunje, pour plus de détails on peut cons
ulter au Centre Universitaire des Langues Orientales Vivantes, 2, rue de Lille, Paris, un travail
manuscrit que j'ai fait à leur sujet.
1523 INTER-SCIENCES
2. L'un et le multiple dans le divin
Dans les traditions judéo-chrétienne et islamique la distinction entre l'unité
et la multiplicité dans le divin est entendue surtout comme l'opposition entre monot
héisme et polythéisme. Il ne doit pas être exclu, cependant, de trouver l'un dans
le divin sans l'opposer comme contraire à une multiplicité de dieux honorés. A
Kunje cette unité se trouve, à mon sens, dans le caractère de divinité même : ce qui
importe au dévot c'est que le dieu soit un dieu et non qu'il soit tel ou tel dieu — tout
comme au mendiant il importe que le riche qu'il sollicite soit un riche et non qu'il
soit tel ou tel riche ; et ce qui importe à l'usager du courant est que la puissance
électrique soit de la puissance électrique et non qu'elle soit tirée de telle ou telle
source.
Mais notre dessein n'est pas ici d'étudier l'unité générale du divin mais plutôt
les différentes façons dont la multiplicité existe dans le divin et dont un nombre
de dieux ou objets de culte peuvent former des unités particulières, intermédiaires
entre l'individu, unique, et « le divin », qui les englobe tous.
3. La catégorie
Lorsqu'on se trouve en présence d'un grand nombre de dieux, comme à Kunje,
on peut les ranger en catégories, c'est-à-dire les classifier. Le genre de classification
dépendra de l'aspect sous lequel on les considère. Si, par exemple, on les étudie
sous l'aspect de leur origine on trouvera peut-être les catégories : « morts divini
sés » et « dieux sans humaine ». Du point de vue de ce avec quoi ils sont
associés on aurait les catégories suivantes : « dieux de la nature », où se trouve
raient les dieux d'eau, la Terre ; « dieux de maladie », comprenant la divinité de la
variole, celle du choléra, etc. ; « dieux des rites de passage » ; etc. Du point de vue
du genre de culte qu'ils reçoivent les dieux pourraient se répartir en « végétariens »,
« carnivores », « dieux à culte orgiastique », etc. Si on les classait selon les facteurs
qui déterminent quelles personnes leur rendent un culte nous pourrions les ranger
sous les titres : « dieux de parenté », « dieux de village », « dieux de secte », etc.
Et il est sans doute possible d'imaginer de nombreux autres points de vue selon
lesquels les classifier. Il est évident que de telles catégories ne sont pas expressément
à membre unique et que par conséquent beaucoup d'entre elles comprendront plu
sieurs dieux différents — différents du moins par leur nom propre ou personnel —
et souvent aussi par d'autres caractéristiques. Des dieux se trouvent, en somme,
rangés dans une même catégorie à cause des caractères qu'ils ont en commun, sans
que cela exclue qu'ils aient aussi des caractères différents.
4. Archétype et prototype
On ne trouve pas cependant des unités uniquement au niveau de la catégorie.
Certains dieux, si nous entendons le pluriel ici comme désignant seulement des
objets de culte qui sont matériellement distincts, portent un même nom propre.
C'est ce phénomène qui constitue le sujet principal de cet essai.
Dans le catholicisme les exemplaires d'un même saint, tel saint Joseph, existent
un peu partout. De la Vierge il existe de multiples grands sanctuaires, tels Lourdes
et Fatima, et la Vierge est reproduite bien distinctement dans chacun de ces sanc
tuaires par des statues de Notre-Dame de Lourdes, de Fatima, etc. un peu partout ;
j'ai rencontré à Kunje des phénomènes analogues. Il semble possible de mieux saisir
1524 MULTIPLICATION DES DIEUX B. DELFENDAHL LA
la nature de ces multiplicités si l'on établit une terminologie claire pour les expri
mer et si l'on fait ressortir les distinctions qui semblent s'y dessiner.
En fin d'analyse il m'apparaît que, à Kunje et de toute vraisemblance dans les
villages d'alentour, les ensembles formés de dieux portant un même nom propre
pourraient, du point de vue de la multiplicité de leurs membres, être répartis en
ceux qui comprennent des dieux qui localisent directement un archétype concept
uel et ceux qui ne reproduisent celui-ci qu'indirectement, se rapportant plus imméd
iatement à la divinité d'un grand sanctuaire renommé, qui, elle, localise direct
ement l'archétype.
Avant d'entrer dans le détail, il faut expliquer notre emploi du terme «arché
type ». J'entends par là le dieu tel qu'il est conçu sans référence à une localisation
particulière. L'archétype peut, selon les cas, être désigné soit comme sujet d'un
mythe (par exemple on pourrait définir Rama comme « le héros du Ramayana »,
Ganpati comme « fils de Siva », ce qui est une référence indirecte à un mythe), soit
par des caractères spécifiques (Satvai, par exemple, est la déesse qui reçoit un culte
le cinquième jour après la naissance d'un enfant et qui s'occupe de la fièvre qui
risque de se déclarer le sixième jour ; Ganpati est « l'enleveur d'obstacles »). Inter
rogé, le villageois n'ira souvent pas plus loin que citer le nom du dieu — Mhasoba,
Bhairoba — en disant qu'il sait seulement qu'il s'agit d'un dieu et que pour savoir
plus il faut demander à quelqu'un de plus savant ; mais le nom propre évoque
ou recouvre toutes les caractéristiques mythologiques, fonctionnelles ou cultuelles
du dieu, connues ou inconnues, bien qu'il n'en explicite aucune x.
La divinité d'un grand sanctuaire, qui suscite des localisations du même dieu
ailleurs mais qui se rapportent toujours à ce sanctuaire, sera désignée comme « pro
totype localisé ». L'archétype, en tant que tel, n'est pas localisé, il a l'ubiquité d'un
concept ; lorsque la présence du dieu est associée avec un lieu particulier, avec une
pierre, une statue, etc., nous considérons cela comme une localisation de Г « arch

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