La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France - article ; n°3 ; vol.27, pg 731-757
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1972 - Volume 27 - Numéro 3 - Pages 731-757
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louise A. Tilly
La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e année, N. 3, 1972. pp. 731-757.
Citer ce document / Cite this document :
Tilly Louise A. La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e
année, N. 3, 1972. pp. 731-757.
doi : 10.3406/ahess.1972.422534
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1972_num_27_3_422534La révolte frumentaire,
forme de conflit politique en France*
Ce n'est pas dans la formule économique simpliste : disette = faim = émeute
qu'il faut chercher l'explication de la révolte frumentaire en France depuis le
xvne siècle. Elle réside, plutôt dans un contexte politique — une évolution de la
politique gouvernementale — et dans une transformation à long terme du marché
des grains.
Les révoltes frumentaires.
On peut distinguer plusieurs formes de révolte frumentaire marquées chacune
par des modifications et une évolution particulière. L'émeute de marché, version
urbaine, était généralement dirigée contre le boulanger dont les prix étaient trop
élevés et le pain trop rare, ou contre d'autres habitants de la ville dont on savait ou
supposait qu'ils avaient des réserves de grain chez eux. Les représentants du gou
vernement qui ne recouraient pas assez vite aux mesures traditionnelles pour soulager
la disette en étaient aussi la cible. Nicolas Delamare, l'un des commissaires aux
grains sous un des premiers lieutenants de police de Paris, dans son Traité de la
Police, au début du xvin* siècle, fait remonter l'émeute de marché à l'Antiquité1.
L'entrave, forme rurale des révoltes céréalières, au cours de laquelle on employait
la force pour empêcher des chariots ou péniches chargés de grains de partir, remonte,
dans certains cas isolés, au début du xvne siècle. En un sens l'entrave et l'émeute de
marché sont le contraire l'une de l'autre. L'émeute de marché révèle le manque de
grains dans un bourg-marché, elle est dirigée contre ceux qui, croit-on, détiennent du
grain et ceux qui (les représentants du gouvernement) devraient prendre les mesures
classiques pour assurer un approvisionnement satisfaisant et une distribution équitable
du grain disponible. L'entrave est une tentative pour réserver la production locale de
grain à la consommation locale à des prix raisonnables.
* Article paru en anglais dans The Journal of Interdisciplinary History, vol. I, n° 1 (Été 1971).
Nous en publions la traduction avec l'aimable autorisation de cette revue.
1. Nicolas Delamare, Traité de la Police, 3e édition (Paris, 1729).
731
Annales (27* année, mai-juin 1972, n° 3) 14 LES DOMAINES DE L'HISTOIRE
La taxation populaire apparut à la fin du xvne siècle et, selon R. B. Rose, revêtait
plusieurs aspects. Le premier correspond à ce que j'ai appelé émeute de marché;
le second est « une action politique consciente contre les autorités pour arriver
directement au même résultat »; le troisième « la taxation populaire proprement dite,
mesure disciplinaire, impliquait un ordre de vente et la remise des bénéfices au pro
priétaire » 2. La foule s'emparait du grain ou de la farine, fixait un prix (ordinair
ement très inférieur au prix de vente courant, remarquablement uniforme d'une
émeute à l'autre dans une même région) 3, reconnu comme le juste prix du produit,
le vendait et payait le propriétaire. La taxation populaire pouvait avoir lieu dans un
bourg de marché et concernait les prix du blé ou du pain, ou bien à la campagne
sur les lieux d'une entrave, on vendait dans ce cas, le grain d'un chariot ou d'une
péniche.
L'émeute de marché est une manifestation ancienne, mais la fin du xvne siècle
vit une nette augmentation de ce type d'émeute, un plus grand nombre d'entraves,
et l'apparition d'un nouveau type de révolte : la taxation populaire. La fréquence
plus grande des révoltes frumentaires et l'apparition d'un nouveau type d'émeute
sont un fait important; selon Usher, qui analyse les quelques documents sur les
révoltes frumentaires en France avant la seconde moitié du xvne siècle, les documents
sur ces révoltes sont rares avant la fin du siècle. Ou bien elles étaient peu nombreuses
ou bien on ne jugeait pas utile de les signaler 4. Des révoltes frumentaires largement
2. R. B. Rose, « Eighteen Century Price Riots, The French Revolution and Jacobin Maximum »,
International Review of Social History, IV (1959), pp. 435, 438.
3. George Rudé, « La taxation populaire de mai 1775 à Paris et dans la région parisienne »,
Annales historiques de la Révolution française, XXVIII (1956), p. 177.
4. Abbott Payson Usher, The History of the Grain Trade in France, 1400-1710 (Cambridge,
Mass, 1913). Ce n'est pas une analyse quantitative, longitudinale, des révoltes frumentaires qui
me fait dire que leur nombre s'est accru, mais des impressions suggérées par la lecture des ouvrages
qui précèdent et de ceux qui suivent : Ernest Lavisse, Histoire de France depuis les origines jusqu'à
la Révolution (Paris, 1910-1911); Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine. Études
sur le xvne siècle par région ; Emmanuel Le Roy Ladurœ, Les Paysans de Languedoc (Paris, 1964);
Pierre Goubert, Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730 (Paris, 1960); Marc Vénard, Bourgeois
et paysans du XVIIe siècle (Paris, 1957); Gaston Roupnel, La ville et la campagne au XVIIe siècle
(Paris, 1955) ; Pierre de Saint Jacob, Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de V Ancien
XVIIe Régime siècle (Paris, ; René 1960); Baehrel, Pierre Deyon, Une croissance. Amiens, capitale La Basse-Provence provinciale, rurale étude sur (fin la du société XVe siècle, urbaine 1789) au
(Paris, 1961). Ouvrages portant sur la fin du siècle : A. M. de Boislisle, éd., Correspondance des
contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, vol. I-III (Paris, 1879); René
Lehoreau, Cérémonial de V église d'Angers, 1672-1727 ; François Lebrun, éd. 1967); Guy
Lemarchand, « Crises économiques et atmosphère sociale en milieu urbain sous Louis XIV »,
Revue d'histoire moderne et contemporaine, XIV (1967), pp. 244-265. Sur le xvme siècle, George
Rudé, « La taxation populaire de mai 1775 en Normandie et dans le Beauvaisis », Annales histo
riques de la Révolution française, XXXIII (1961), pp. 305-326; Guy Lemarchand, « Les troubles
de subsistances dans la généralité de Rouen (seconde moitié du xvme siècle) », Annales historiques
de la Révolution française, XXXV (1963), pp. 401-427; Jean Letaconnoux, Les subsistances et le
commerce des grains en Bretagne au XVIIIe siècle (Paris, 1894); Henri Hours, « Émeutes et émotions
populaires dans les campagnes lyonnaises au xvine siècle », Cahiers ď histoire, IX (1964), pp. 137-
153; R. B. Rose, « The French Revolution and the Grain Supply : Nationalization Pamphlets »,
The John Rylands Library, Bulletin, vol. 39 (1956-1957); Georges Afanassiev, Le commerce des
céréales en France au XVIIIe siècle (Paris, 1894); Richard Совв, Terreur et subsistances, 1793-1795
(Paris, 1964). Sur le хке siècle, Robert Marjolin, « Troubles provoqués en France par la disette
de 1816-1817 », Revue d'histoire moderne, VIII (1933), pp. 423-460; Albert Chabert, Essai sur les
mouvements des prix en France de 1798 à 1820 (Paris, 1945); Paul Gonnet, « Esquisse de la crise
économique en France de 1827 à 1832 », Revue d'histoire économique et sociale, XXXIII (1955),
pp. 249-291 ; Maurice Lévy-Leboyer, Les banques européennes dans la première moitié du XIXe siècle
732 RÉVOLTES FRUMENTAIRES EN FRANCE L TILLY
répandues, mobilisant de grandes foules mais de courte durée, se produisirent en
1693-94, 1698, 1709-1710, 1725, 1739-40, 1749, 1752, 1768, 1770, 1775, 1785, 1788-89,
1793, 1799, 1811-12, 1816-17, 1829-30, 1846-47, et quelques-unes enfin en 1853-54.
L'étude de cette longue période qui s'étend de la fin du XVIIe au milieu du xvin* siècle,
et qui connaît d'importantes fluctuations de prix, montre que l'apparition et l'impor
tance croissante des révoltes frumentaires n'étaient pas liées à long terme aux mou
vements de prix, bien que les révoltes aient toujours eu lieu au moment d'

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