Les doctrines modernes de la morale - article ; n°1 ; vol.13, pg 459-476
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Description

L'année psychologique - Année 1906 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 459-476
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1906
Nombre de lectures 23
Langue Français
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Extrait

G. Cantecor
Les doctrines modernes de la morale
In: L'année psychologique. 1906 vol. 13. pp. 459-476.
Citer ce document / Cite this document :
Cantecor G. Les doctrines modernes de la morale. In: L'année psychologique. 1906 vol. 13. pp. 459-476.
doi : 10.3406/psy.1906.1309
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1906_num_13_1_1309XXV
REVUE DE PHILOSOPHIE
LA MORALE SOCIOLOGIQUE
L'année 1906 ne nous a apporté aucun ouvrage de morale vraiment
remarquable. Mais, à défaut de livre marquant, il est intéressant de
signaler les discussions qui ont été organisées tant à YÉcole des
hautes études sociales qu'à la Société française de philosophie sur une
conception nouvelle de la morale, — la morale sociologique, —
déjà connue sans doute, mais qui n'avait pas encore été soumise à
l'épreuve décisive de la discussion orale. Il n'est pas résulté de cette
épreuve que l'ancienne morale doive être définitivement rejetée, ni
davantage que la morale nouvelle soit une tentative avortée. Mais
tous les auditeurs ont pu se convaincre que la conception sociolo
gique de la morale, — encore qu'elle soit discutable, — est une
doctrine des plus sérieuses, si nette, si logique, si bien en harmonie
avec une partie du développement intellectuel de notre temps, qu'il
faut de toute nécessité ou s'y soumettre, ou la rejeter : on ne saurait,
en aucun cas, la tenir pour non avenue. Et c'est pour cela, parce
que cette conception barre la route, en quelque sorte, et jette un
défi que l'on ne peut plus feindre de ne pas entendre à tous les
fidèles de la tradition morale, qu'il a semblé nécessaire d'exposer
ici ce débat, qui, sans rien apporter de bien nouveau pour le fond,
n'en est pas moins l'un des événements importants de l'année
philosophique.
La conception sociologique de la morale a été élaborée particu
lièrement par M. Durkheim, qui s'inspire lui-même très librement
des idées de Comte sur le développement social et moral de l'human
ité. On en trouve la première indication dans les articles consacrés
par M. Durkheim à La science positive de la morale en Allemagne
dans la Revue philosophique en 1887; elle est déjà ébauchée avec
assez de netteté dans Ylntroduction à la sociologie de la famille
publiée par le même auteur dans les Annales de la Faculté des
lettres de Bordeaux en 1889; elle fait surtout l'objet de sa remar
quable thèse sur La division du travail social et, depuis, on la retrouve
naturellement supposée ou appliquée dans tous ses écrits J.
1. V. particulièrement : Le suicide, liv. III, ch. n; La prohibition de
l'inceste et ses origines, Année sociologique, 1" année. MÉMOIRES ORIGINAUX 460
Toutefois il ne semble pas que cette doctrine ait été tout de suite
bien comprise et l'on peut dire que jusqu'à ces dernières années
elle n'avait pas été discutée. C'est le livre de M. Lévy-Bruhl sur La
morale et la science des mœurs (1903) qui a appelé avec force l'atten
tion des philosophes sur cette nouvelle conception et en a rendu la
discussion nécessaire. M. Lévy-Bruhl a été le héraut très utile d'une
doctrine méconnue. Il l'a annoncée, proclamée, glorifiée, avec tant
d'enthousiasme pour les idées auxquelles il venait de se convertir
et tant de dédain pour celles qu'il abandonnait qu'il était imposs
ible de ne pas relever le défi; et les discussions ont commencé.
M. Fouillée dans ses articles de la Revue des Deux Mondes *, M. Belot
dans ses études de la Revue de Métaphysique et de Morale 2 et, à
leur suite ou en même temps, un certain nombre d'autres critiques 3
ont pris à partie la conception sociologique de la morale et se sont
efforcés de montrer que la science des mœurs ne peut remplacer la
morale traditionnelle. Le livre brillant de M. Lévy-Bruhl a donc
plus fait pour populariser la doctrine que les travaux si savants et
si riches d'idées de M. Durkheim.
Cependant il se pourrait que le manifeste de M. Lévy-Bruhl eût
compromis la doctrine nouvelle en la glorifiant. M. en
donne une idée assez vague, disons même équivoque, et qui, en sa
souplesse ou son incertitude, attire sur elle plus de critiques qu'il
n'est vraiment nécessaire. Aussi était-il urgent que M. Durkheim
dégageât sa conception de la morale de certains éloges ou dévelo
ppements compromettants dont M. Lévy-Bruhl l'avait accompagnée
et qu'il la présentât de nouveau lui-même au public, rendu désor
mais attentif, avec la précision et la netteté qui lui sont propres.
Si ce n'est pas là le motif, c'est au moins ce qui fait l'intérêt des
deux communications de M. Durkheim à l'École des hautes études
sociales et à la Société de philosophie. C'est dans ces communicat
ions — quitte à les éclairer par les écrits antérieurs de M. Durk
heim — qu'il faut prendre de quoi exposer et définir la nouvelle
conception de la morale; comme c'est dans les discussions qui les
ont suivies — quitte à les compléter par les critiques antérieure
ment publiées — qu'il faut chercher l'indication des résistances et
des objections que la nouvelle morale soulève et qu'elle n'a pas
encore réussi à surmonter *.
1. Réunis en volume sous ce titre : Les Éléments sociologiques de la
morale, Alcan, 1905.
2. Recueillies dans les Études de morale positive, Alcan, 1907.
3. On nous permettra de rappeler que nous avons nous-même, en
deux articles publiés dans la Revue philosophique en mars-avril 1904,
essayé de déterminer la signification, l'origine et la valeur de cette
doctrine.
4. La direction de l'École des hautes études sociales n'ayant pas encore
fait publier les conférences et discussions de l'année 1905-1906, nous
prendrons exclusivement nos références dans le Bulletin de la Société
française de philosophie, avril-mai 1906. CANTECOR. — REVUE DE PHILOSOPHIE 461 G-
I. — LA DOCTRINE
Tous les moralistes jusqu'à ce jour s'accordaient dans cette sup
position qu'il y a des fins ou une fin qui mérite par elle-même
d'être voulue et qui s'impose par son propre droit à la volonté de
tout être raisonnable. Il se peut que nous nous y portions d'instinct
et qu'elle soit donc dans la nature; il se peut aussi qu'elle soit
surajoutée à la nature par la raison qui en fait la règle et la limite
des instincts. Mais, de toute façon, elle est telle que la raison la
reconnaît pour valable et c'est en tant que reconnue par la
qu'elle acquiert une valeur proprement morale et devient une règle
pour la volonté. C'est pour cela, parce qu'il y a une vérité morale,
qu'il peut y avoir aussi une science morale et que cette science est
ou peut être imperative. Si aucune fin n'était en soi bonne ou
mauvaise, si elle ne tenait ce caractère que de nos désirs ou d'une
autorité extérieure, il n'y aurait qu'à suivre nos ou à céder
à l'autorité. Mais s'il y a un vrai Bien, il y a donc lieu à des
recherches réfléchies, raisonnées. La raison est appelée à cons
truire l'idéal de la vie et à le proposer à la volonté de chacun au
nom de la vérité. La raison, et la science qu'elle construit, se donne-
ainsi comme la règle de la vie et elle s'établit au-dessus de la réalité
et du fait ; elle ne constate pas ce que nous voulons ou ce que veut
la société, mais elle détermine ce que nous devons vouloir. La
raison s'attribue ainsi une fonction pratique.
Mais justement ce qui avait paru à tous les moralistes l'évidence
même, c'est ce que nient dès l'abord les partisans de la morale
sociologique. Ils n'admettent pas qu'il appartienne à la raison de
donner du dehors des lois à l'humanité; la moralité se produit
d'elle-même dans le développement spontané de la société. L'office
de la science ne peut être que de constater et d'expliquer les règles
qui s'établissent ainsi spontanément. C'est pourquoi la science ou
la physique des mœurs doit remplacer l'ancienne morale normat
ive.
La vraie origine de cette doctrine est dans le positivisme de Comte,
dont l'

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