Mesure et démesure : l étude de l opinion - article ; n°2 ; vol.21, pg 324-345
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mesure et démesure : l'étude de l'opinion - article ; n°2 ; vol.21, pg 324-345

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 2 - Pages 324-345
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Ozouf
Mesure et démesure : l'étude de l'opinion
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 2, 1966. pp. 324-345.
Citer ce document / Cite this document :
Ozouf Jacques. Mesure et démesure : l'étude de l'opinion. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 2,
1966. pp. 324-345.
doi : 10.3406/ahess.1966.421373
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_2_421373MISES AU POINT
MESURE ET DÉMESURE
L'ÉTUDE DE L'OPINION
l'opinion d'un incertains auteurs almanachs, Encore Pauvres double s'estiment a du toute déjà débats en malaise traitement sources ses jeune de parlementaires maladies : plus alors — ? à Pourtant en au leur que infantiles plus regard se appliquer. multiplient désarmés et journaux, d'autres résultats ; et ses ; démunis les revues, histoires progrès des études consultations livres, de même — d'opinion, , témoignages, l'histoire brochures, procèdent leurs élecde
torales, archives policières ou administratives, mémoires, souvenirs,
chroniques et correspondances composent un imposant ensemble de
sources classiques. Vedette de ces sources, « la moins discutable » selon
le doyen Renouvin г, la presse continue aujourd'hui d'inspirer des
ouvrages, voire des collections 2. La littérature politique lui sert encore
de vedette américaine. Et, pour compléter ces sources traditionnelles,
on peut compter sur des circonstances favorables — le caractère auto
ritaire d'un régime, qui multiplie pour un temps les rapports de fonc
tionnaires — ■, sur le hasard administratif — qui parfois rassemble de
précieux témoignages — ■, sur le flair des chercheurs enfin 8.
1. Revue Historique. 78e année, t. CCXI, avril-juin 1954. P. Renouvin, l'Histoire
Contemporaine des Relations Internationales, Orientation de Recherches.
2. Ainsi Marguerite Pekrot, La Monnaie et VOpinion Publique en France et en
Angleterre de 1924 à 1936 (Cahiers de la Fondation Nationale des Sciences Politiques
n° 65. Paris, A. Colin, 1955). L'auteur écrit notamment (p. 22) : « La lecture de la presse
du temps fournit une image assez fidèle de ce qu'ont pu être, au jour le jour, les réac
tions du Français et de l'Anglais moyens devant les problèmes monétaires qui se
posaient à leur pays. » Depuis quelques années, une collection (Kiosque, Paris, A. Colin)
a pris comme thème central : « Les faits, la presse, l'opinion ». Enfin, de nombreux
Diplômes d'Études Supérieures ou Mémoires de l'Institut d'Études Politiques étu
dient aussi l'opinion « d'après » la presse. Beaucoup d'autres études, tout en combi
nant des sources variées, restent liées essentiellement à l'analyse de la presse. Cf.
H. T. Deschamps, La Belgique devant la France de Juillet, l'opinion et l'attitude
françaises de 1839 à 1848 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et de Lettres de
l'Université de Liège, Paris, 1956).
3. Telle l'étude récente de A. Akmengaud (L'Opinion publique en France et la
Crise Nationale allemande en 1866. Publications de l'Université de Dijon, XXIV, Paris,
324 L'ÉTUDE DE L'OPINION
Toutefois, cette abondance masque de graves lacunes. Car l'accent
mis sur ces sources conduit immanquablement à privilégier, sinon le
génie ou le talent, du moins un certain degré d'information, une cer
taine capacité d'expression : des hommes d'État et des écrivains aux
obscurs pamphlétaires, tous du moins ont une opinion, et parviennent
à l'exprimer. Aujourd'hui, et parallèlement au regain de curiosité que
suscite l'étude des mentalités et des sensibilités, on s'inquiète aussi
— surtout — de l'opinion balbutiée, sinon muette : celle de ces « vastes
couches de la population qui laissèrent très peu de documents où se
révèlent leurs sentiments, leurs idées, leurs préjugés » x. Cette opinion
rétive à l'expression, comment la faire parler ? Et si elle se tait décidé
ment, comment interpréter son silence ? Le problème classique de l'absten
tion électorale est un cas particulier de cette vaste question.
Mais il en est une autre, plus redoutable : comment traiter les sources
dont on dispose ? Certains auteurs, sans doute, continuent d'exprimer
à l'égard des sources classiques — et singulièrement de la presse — une
confiance immédiate 2. Mais, de plus en plus, on se refuse à croire qu'une
histoire de l'opinion se fabrique en cousant les unes aux autres des décla
rations disparates. Même ingénieuse, toute revue de presse est un rapié
çage ; entre les citations retenues se creusent des trous vertigineux. A
1962) qui repose essentiellement sur l'exploitation de rapports des préfets et des
procureurs généraux du Second Empire, présentés comme des documents d'un intérêt
exceptionnel (cf. aussi Lynn M. Casé, French Opinion on War and Diplomacy during
the Second Empire, Philadelphia 1954).
Nous avons nous-mêmes trouvé, dans les dossiers des instituteurs de la période
1871-1914 conservés aux Archives Départementales du Calvados (Série 5 T, 88 à 162)
des petites fiches non datées, sans mention d'origine, qui formulent un avis sur l'att
itude des fonctionnaires à l'égard du gouvernement de la République. Des recoupe
ments permettent de penser qu'il s'agit d'instituteurs enseignant dans les années 1885-
1890.
On sait d'autre part le profit que F. Bédarida a tiré de deux petits cahiers trou
vés dans les Papiers Gambetta, qui rapportent l'attitude et les opinions des princ
ipaux officiers français en 1876-1878 (L'Armée et la République, in Revue Historique,
88e année, t. CCXXXII, juillet-septembre 1964).
1. Cf. D. Echeverria, L'Amérique devant l'opinion française, 1734-1870. Ques
tions de méthode et d'interprétation (in Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine,
t. IX, janvier-mars 1962). D. Echeverria donne l'exemple des 5 000 paysans français
qui passèrent vingt-huit mois aux États-Unis, dans l'armée de Rochambeau, et qui
purent apprécier une « société agricole presque entièrement libre de toute entrave
féodale, où il n'existait aucun des abus contre lesquels ces mêmes paysans devaient
se révolter sept ans plus tard ». Quelles ont pu être leurs impressions ? D. Echeverria
note qu'un historien américain a relevé le fait que les régions où, en 1789, se déchaî
nèrent les révoltes agraires les plus violentes, se trouvaient précisément dans les pro
vinces françaises qui avaient fourni des régiments à l'armée de Rochambeau (Forest
Mac Donald, The Relationship of the French Peasant Veterans of the American
Revolution to the Fall of Feudalism in France, 1789-1792, in Agricultural History,
t. XXV, 1951, p. 151).
2. Cf. par exemple M. Perrot, La Monnaie et l'opinion publique, op. cit. De même
John H. Gleason (The Genesis of Russophobia in Great Britain, a Study of the Inter
action of Policy and Opinion. Cambridge, Harvard University Press, 1950) : « Each
of the many modes in which opinion finds expression [...] has its special value. Newsp
apers are perhaps the single richest source » (p. 7).
325 ANNALES
travers absences et présences, c'est en définitive la personnalité de
l'historien qui se lit, et non l'état de l'opinion. D'autre part, pour utiliser
à bon escient ces témoignages, il faudrait une propédeutique, souvent
escamotée. Le simple usage de ces sources suppose en effet résolue une
foule de questions.
La presse, en effet, se contente-t-elle de refléter l'opinion ? Où la
forme-t-elle ? Et, si elle joue ces deux rôles à la fois, dans quelle mesure
respective ? L'opinion qu'elle décrit est-elle normative, proposée comme
un modèle, ou indicative, donnée comme une constatation ? S'agit-il,
d'autre part, de l'opinion des abonnés et des lecteurs ? Ou bien des rédac
teurs ? ou des actionnaires ? Certes, si le périodique s'avoue explicit
ement l'organe d'un groupement politique, syndical, idéologique, cer
taines de ces questions reçoivent une réponse ; et l'intention pédago
gique du journal, en particulier, s'y dévoile clairement. Mais il reste à
mesurer l'incidence réelle de cette éducation par la presse. Sans doute
le tirage, la vente réelle

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents