Noces d or : l économie anti-malthusienne dans l œuvre de Zola - article ; n°40 ; vol.13, pg 153-165
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Noces d'or : l'économie anti-malthusienne dans l'œuvre de Zola - article ; n°40 ; vol.13, pg 153-165

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Romantisme - Année 1983 - Volume 13 - Numéro 40 - Pages 153-165
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 88
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Thérèse Moreau
Noces d'or : l'économie anti-malthusienne dans l'œuvre de Zola
In: Romantisme, 1983, n°40. pp. 153-165.
Citer ce document / Cite this document :
Moreau Thérèse. Noces d'or : l'économie anti-malthusienne dans l'œuvre de Zola. In: Romantisme, 1983, n°40. pp. 153-165.
doi : 10.3406/roman.1983.4640
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1983_num_13_40_4640Thérèse MORE AU
Noces d'or : l'économie anti-malthusienne dans l'œuvre de Zola
« Pourquoi donc faire porter à l'argent la peine
des saletés et des crimes dont il est la cause ?
L'amour est-il moins souillé, lui qui crée la vie ? »
(Zola, L 'Argent) (1)
Conclure un ouvrage tout entier dominé par l'argent sur la souillure
de l'amour, comparer l'œuvre spéculative à l'acte créateur de vie, voi
là qui pose paradoxalement le problème des rapports entre l'argent,
l'amour et la femme. L'argent n'apparaît que comme moyen, parmi
tant d'autres, de séduire, puis de garder l'objet du désir. Pourtant si
l'argent s'investit libidinalement à l'occasion, ce ne peut être qu'à per
te : le comte Muff at ou Maxime l'apprendront à leurs dépens. L'argent
n'est donc ni bon ni mauvais ; il ressort en effet des Rougon-Macquart
que « l'argent est devenu pour beaucoup la dignité de la vie : il rend
libre, est l'hygiène, la propreté, la santé, presque l'intelligence » (L 'Ar
gent, dossier préparatoire, p.457).
Autre paradoxe, aucune femme n'est rendue libre, digne, ou propre
par l'argent. Nana porte en son corps les stigmates de sa corruption :
sa mort est paradigmatique du pourrissement familial et sexuel occa
sionné par ses désordres financiers :
« Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux che
veux, gardant leur flamme de soleil, coulaient en un ruissellement d'or. Vénus
se décomposait. D semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux, sur les
charognes tolérées, ce ferment dont elle aurait empoisonné un peuple, venait de
lui remonter au visage et l'avait pourri (2). »
Eros meurt donc enseveli sous l'or et les pierreries. Meurt Gervaise,
faute d'avoir su utiliser son argent ; meurt madame Coupeau qui « souff
rait de l'argent » (3), de cet « qui semblait avoir apporté la ruine
dans la maison » (La Joie de Vivre, p. 160). Quant à Clotilde, la pau
vreté la chassera du paradis. Et si quelques hommes triomphent par
l'argent, il est bien difficile de voir en eux le symbole de la santé, de
(1 ) Garnier-Flammarion, 1 974, p.453. Dans la suite du texte, L 'Argent.
(2) E. Zola, Nana, Garnier-Flammarion, 1968, p. 439. Dans la suite du texte, Nana.
(3) E. La Joie de vivre, Garnier-Flammarion, 1974, p. 184. Dans la suite du
texte, La Joie de vivre. 154 Thérèse Moreau
l'honnêteté ou de l'intelligence. Ce serait plutôt dans les équivalences
argent-sperme, investissement-fécondité qu'il faudrait rechercher le lien
établi par Zola entre l'argent et ses crimes, l'amour et la souillure.
De l'avarice et de la stérilité
II faut doter les filles. Dès avant la naissance le sexe de l'enfant
devient une hantise. Car si le garçon doit rapporter un jour, la fille,
elle, coûte cher. Elle grève le budget familial. Reine restera l'unique
enfant du couple Morange, puisque Valérie se croit la victime d'une
quasi malédiction :
« Ah ! si nous étions sûrs d'avoir un garçon, je ne dis pas, nous nous laisserions
tenter. Mais j'ai trop peur, je crois bien que je suis comme ma mère, qui a eu
quatre filles. Vous ne vous imaginez pas ça, c'est une abomination. [...] Non,
non ! reprit-elle sagement, nous serions trop coupables, voyez-vous, d'aggraver
encore notre situation. Quand on a sa fortune à faire, c'est un crime que de
s'embarrasser d'enfants. Je ne m'en cache pas, je suis très ambitieuse pour mon
mari, je suis convaincue que s'il veut m'écouter, il montera aux plus hautes
places ; et l'idée que je pourrai l'entraver, l'étouffer, avec le tas de filles qui a
été la pierre au cou de mon père, me fait une véritable horreur. » (4)
II y aurait là malthusianisme économique : qui veut faire fructifier son
argent doit restreindre le nombre de ses héritier(e)s. En fait la stérilité
physique et financière vont de conserve, aucune fortune n'échappera à
la stérilité des pratiques solitaires et égoïstes. Maxime jouit passivement
de l'argent paternel, puis des quelques louis d'or que sa belle-mère/
amante lui glisse dans le gilet. Entretenu, il subit cette maîtresse, se
soumet au mariage avec Louise dont « la dot le tentait encore plus »(5),
jusqu'au jour où « jeune veuf, riche de la dot de sa femme », il réalise
son rêve : vivre en garçon et laisser son argent dormir au fond d'un
tiroir.
Cet or dormant dans un tiroir fait pendant à celui du Docteur
Pascal. Tous deux ont un tiroir plein d'or, tous deux convoitent la
même femme. Mais si la passion appauvrit le Docteur Pascal, ce n'est
qu'une catastrophe passagère. De la dépense naît un enfant qui (retrou
vera le capital de son père. Maxime, au contraire, attire chez lui sa sœur
Clo tilde afin d'avoir une infirmière bénévole ; forcée par le Docteur
Pascal ruiné, elle ira à Paris vivre auprès de son riche frère qu'elle quitte
dés la confirmation de sa grossesse. Ainsi Maxime se retrouve-t-il seul
et stérile, son argent est inutile.
S'il ne faut pas laisser sommeiller son argent, il ne s'agit pas non
plus de le prodiguer aux pauvres. Les dons de la princesse d'Orviedo
sont aussi stériles que le fut son mariage. Elle qui, désespérée par
l'absence de maternité s'était jetée dans « un luxe inoui », devient à la
mort de l'époux et après l'annonce de l'origine de sa fortune, une rel
igieuse civile :
(4) E. Zola, Fécondité, Fasquelle , 1899, p.29. Dans la suite de notre texte, Fécond
ité. Sauf indication contraire, c'est moi qui mets en italique.
(5) E. Zola, la Curée, « L'Intégrale », Seuil, 1969, 1, p.335. Noces d'or 155
« Chez cette femme qui n'avait pas été amante et qui n'avait pu être mère,
toutes les tendresses refoulées, surtout l'amour avorté de l'enfant, s'épanouiss
aient en une véritable passion pour les pauvres, pour les faibles, les déshérités,
les souffrants, ceux dont elle croyait détenir les millions volés, ceux à qui elle
jurait de les restituer royalement en pluie d'aumônes. Dès lors, l'idée fixe s'em
para d'elle, le clou de l'obsession entra dans son crâne : elle ne se considéra
plus que comme un banquier, chez qui les pauvres avaient déposé trois cents
millions, pour qu'ils fussent employés au mieux de leur usage ; elle ne fut plus
qu'un comptable, un homme d'affaires, vivant dans les chiffres, au milieu d'un
peuple de notaires, d'ouvriers et d'architectes. »
{L 'Argent, p.92)
Ayant renoncé à son sexe, son usage de l'argent est tout aussi fou
que du temps où même les Tuileries lui jalousaient son train fastueux.
Sa « folle prodigalité » lui fait dépenser presque cent millions en cinq
ans : « encore quelques années de ce train, et elle serait ruinée, sans
avoir réservé même la petite rente nécessaire au pain et au lait dont elle
vivait maintenant » {L'Argent, p.93). A défaut de s'épuiser dans la
maternité, de nourrir son enfant de son lait et de son sang, elle donne
inutilement sa fortune et sa vie. Et quand, après avoir en dix ans émiet-
té « la colossale fortune, jetée aux quatre vents de l'aumône » {L'Ar
gent, p.418), elle se retire chez les Carmélites, c'est sur un échec de son
œuvre de moralisation par le travail. Seul Saccard empêche la dilapida
tion totale du bien des pauvres et permet à l'Oeuvre de survivre. C'est
lui le véritable bienfaiteur des pauvres, sans lui, ils/elles n'auraient
connu qu'un moment de luxe vertigineux avant de retomber dans une
pauvreté encore plus abjecte.
C'est que sans principe masculin pour la garder, la femme ne con
naît que le luxe et le gaspillage. Ainsi la comtesse de Beauvilliers est
incapable de faire fructifier son capital. Tout d'abord 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents