Note sur les origines d une ethnie « Kirdi » : les Mouktélé (Nord-Cameroun) - article ; n°2 ; vol.38, pg 95-112
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Note sur les origines d'une ethnie « Kirdi » : les Mouktélé (Nord-Cameroun) - article ; n°2 ; vol.38, pg 95-112

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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1968 - Volume 38 - Numéro 2 - Pages 95-112
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Bernard Juillerat
Note sur les origines d'une ethnie « Kirdi » : les Mouktélé (Nord-
Cameroun)
In: Journal de la Société des Africanistes. 1968, tome 38 fascicule 2. pp. 95-112.
Citer ce document / Cite this document :
Juillerat Bernard. Note sur les origines d'une ethnie « Kirdi » : les Mouktélé (Nord-Cameroun). In: Journal de la Société des
Africanistes. 1968, tome 38 fascicule 2. pp. 95-112.
doi : 10.3406/jafr.1968.1431
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1968_num_38_2_1431J. de la Soc. des Africanistes
XXXVIII, 2, 1968, p. 95-113 et p. 113-136
NOTE SUR LES ORIGINES D'UNE ETHNIE « KIRDI »
LES MOUKTÉLfi (NORD-CAMEROUN)
PAR
B. JUILLERAT
Nous n'avons pas la prétention, dans cet article, de présenter en détail le processus
complet des migrations humaines dans la région qui nous occupe, ni d'en expliquer les
causes ou d'en préciser les dates. Cependant les informations que nous avons recueillies
sur place nous permettent de montrer comment cette région du Mandara s'est peuplée
et a pris peu à peu son aspect actuel.
D'une ethnie « kirdi » à l'autre, on remarque des différences notables de structure démog
raphique. Certains groupes ont un caractère homogène (origine commune) : c'est le cas
des Podoko à l'extrême nord du massif du Mandara, par exemple. D'autres au contraire
ont une structure hétérogène où interviennent des éléments disparates, unis entre eux par
une culture et une langue communes. C'est à ce dernier type que se rattachent les Mouktélé,
voisins méridionaux des Podoko. Ces lignes leur sont consacrées, tout au moins pour cinq
des six massifs qui constituent leur territoire, à savoir ceux de Goualda (gwdlà), Zouelva
(zwklvà), Gamnaga (gdmnàgà), Malika (màlikà) et Baldama (bdlàmà) ; le sixième, celui de
Mokwal (ou Tala Mokolo) (mokwal ou màkwbl) n'a pu être étudié systématiquement.
Le terme « mouktélé » (mùkûèlé) semble avoir désigné à l'origine le vallon séparant Goualda
de Zouelva, puis par extension et encore aujourd'hui ces deux massifs tout entiers. Il est
devenu ensuite un terme ethnique désignant l'ensemble de la population parlant la langue
matai (mátal). Les indigènes se nomment d'ailleurs eux-mêmes par ce dernier nom plutôt
que par celui de Mouktélé qui sert aux étrangers et à l'Administration.
Par « massif » (giiMy : montagne), il faut entendre un territoire limité géographiquement
par des vallons, des ruisseaux, le plateau de Mokwal ou la plaine de Koza, et constitué d'un
ensemble montagneux. Le massif ne correspond pas, chez les Mouktélé, à une homogénéité
de parenté, plusieurs groupes d'origines diverses étant venus s'y installer successivement.
Par contre, on y constate une certaine unité politico-religieuse, chaque massif ayant géné
ralement ses « prêtres » : chef de la Montagne, chef du sacrifice annuel, guérisseur du mil,
etc., appartenant au lignage du premier occupant. Les camps guerriers avaient également
pour unité de base le massif et non pas le groupe de parenté (sauf sans doute à l'origine).
Pour comprendre le peuplement des montagnes mouktélé, il faut en connaître les migrat
ions. Nous en distinguons trois types :
a) Immigrations (groupes venant de l'extérieur des frontières actuelles du territoire
mouktélé).
b) Émigrations (groupes sortant des frontières actuelles). Deux cas se présentent : 96 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
1. groupes « autochtones l » chassés par les immigrants,
2. un individu ou une famille parmi les immigrés quitte le pays pour des raisons
inconnues.
c) Migrations intérieures, se subdivisant en :
1. groupes « autochtones » fuyant, mais ne sortant pas des frontières,
2. individus ou familles se déplaçant pour cause de surpeuplement régional ou de
dissension au sein de leur groupe (micromigrations), avec ou sans segmentation.
Immigrations.
L'analyse des phénomènes d'immigration sous-entend une enquête sur le lieu ou les
lieux d'origine de l'immigrant, sur la date approximative et sur les motifs de la migration.
Ce dernier élément est le plus difficile à éclaircir en ce qui concerne les Mouktélé. La
fuite devant les Peul n'est jamais indiquée par les informateurs, car la plupart des immi
grations ont eu lieu avant l'invasion peule. Parfois un récit relatant des différends graves
dans le village ou le massif d'origine expliquerait le départ du groupe en question.
Le plus souvent, le motif du déplacement serait la recherche de meilleures terres ou le
hasard d'une chasse ayant conduit à l'emplacement actuel. Ces narrations prennent par
fois l'aspect d'un mythe (voir annexe).
En ce qui concerne la datation de la migration d'un groupe et de son implantation dans
le pays, on est contraint de compter en générations plutôt qu'en années. Convertir les
générations en années peut situer une dans le temps et en fixer la date, mieux
la période approximative. Ce faisant, il faut se souvenir que le total des générations peut
varier d'un informateur à l'autre du fait de la durée réelle de chacune d'elles et que, par
conséquent, une période de 8 générations, par exemple, n'est pas nécessairement plus
longue qu'une de 7 ou même 6 générations. D'où la difficulté d'établir une chronol
ogie. Sur les cartes que nous présentons ici, nous avons indiqué, à côté du nom du groupe
migrateur, le nombre moyen de générations qui sépare cet ancêtre de ses descendants
actuels. D'autre part, nous y avons marqué, le long de chaque flèche, le nom actuel du
groupe considéré, et non pas celui de l'ancêtre ayant effectivement suivi l'itinéraire. Ces
deux noms coïncident d'ailleurs dans la plupart des cas.
Relativement au problème de l'origine, les habitants savent préciser, la plupart du temps,
le lieu de provenance de leur ancêtre-fondateur. C'est toujours le dernier lieu de résidence
qui est connu. L'existence d'une origine plus lointaine est très probable, mais absolument
ignorée des Mouktélé qui vont jusqu'à nier une telle éventualité : selon eux, le père ou le
grand-père paternel du fondateur serait issu d'un élément naturel. Le grand-père de lûgiil,
dâygàdâfjgà, serait né de l'eau. L'ancêtre du groupe « autochtone » des hâdbài serait sorti
d'une grotte à Goualda, etc.
Malgré cette hétérogénéité démographique dont nous parlions plus haut, la moitié envi
ron de la population mouktélé a une origine commune : Majewi, massif situé en pays mafa
(matakam a). On dénombre dix lignages dont les ancêtres-fondateurs sont venus de ce vil
lage. Ces derniers n'ont pas émigré ensemble de Majewi, car ils vivaient il y a 5 à 10 géné
rations, ce qui laisse supposer un écart d'environ 125 ans entre les premiers et les derniers
arrivés (25 ans en moyenne par génération). Ils ont donc peuplé le pays les uns après les
1. Par « autochtones », nous entendons les habitants qui se trouvaient déjà dans le pays à l'arrivée des immi
grants et ne se souviennent pas de leur origine.
2. Il nous a malheureusement été impossible de retrouver ce massif, qui a sans doute changé de nom. SUR LES ORIGINES D'UNE ETHNIE « KIRDI )) : LES MOUKTÉLÉ 97 NOTE
autres, s'installant à leur tour un peu à l'écart de leur prédécesseurs. Bien que de même
origine, ces immigrants n'étaient pas forcément parents. La mémoire des habitants actuels
ne remontant pas au-delà de l'ancêtre-fondateur, il est impossible de découvrir un lien
généalogique éventuel entre ces différents groupes.
Les causes de ces migrations répétées n'ont pu être éclaircies. Néanmoins, selon un récit
recueilli à Zouelva, lâlàgàl (ancêtre-fondateur du lignage le plus important des Mouktélé)
aurait dû fuir de Majewi après le meurtre du chef d'un groupe voisin.
Ce même massif joue un rôle dans le rituel funéraire : c'est là que le double du défunt se
rend, une fois le cycle des cérémonies terminé ; il y demeure jusqu'

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