Pour une approche comparative des élections - article ; n°3 ; vol.21, pg 427-441

Michel Bussi

Description

Espace, populations, sociétés - Année 2003 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 427-441
La géographie électorale peut aujourd'hui être élargie à une géographie de la démocratie. Elle déborde désormais la sphère des États occidentaux. L'approche comparative des élections est désormais possible, notamment par un accès simplifié aux sources. Néanmoins, si elle se développe, elle pose des problèmes particuliers de sens à donner aux résultats électoraux. La distinction entre vote d'échange, communautaire ou d'opinion est une grille de lecture possible qui permet la comparaison entre démocratie d'ici et d'ailleurs. De la démocratie universelle à la démocratie particulière, l'approche comparative des élections permet d'interroger les notions de culturalisme ou d'ethnocentrisme. En tous les cas, la transition démocratique ouvre un champ nouveau d'études pour les géographes.
A Comparative Approach of Elections.
The electoral geography can be widened today to a geography of democracy. Democracy overflows now out of the sphere of the Western States. A comparative approach of the elections becomes possible, notably due to a simplified access to the electoral data. This development initiates specific problems of signification to be given to the electoral results. The distinction between exchange vote, community vote or opinion vote is a possible way to compare democracy here and democracy elsewhere. From universal democracy to specific democracy, the comparative approach of the elections opens the question of culturalism or ethnocentrism. In all cases, the democratic transition opens a new field of studies to geographers.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ESPACE-_POPULATIONS-_SOCIETES
• Publié le: 01 janvier 2003
• Nombre de lectures: 18
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Michel Bussi
Pour une approche comparative des élections
In: Espace, populations, sociétés, 2003-3. Populations, élections, territoires. pp. 427-441.
Résumé
La géographie électorale peut aujourd'hui être élargie à une géographie de la démocratie. Elle déborde désormais la sphère des
États occidentaux. L'approche comparative des élections est désormais possible, notamment par un accès simplifié aux sources.
Néanmoins, si elle se développe, elle pose des problèmes particuliers de sens à donner aux résultats électoraux. La distinction
entre vote d'échange, communautaire ou d'opinion est une grille de lecture possible qui permet la comparaison entre démocratie
d'ici et d'ailleurs. De la démocratie "universelle" à la démocratie "particulière", l'approche comparative des élections permet
d'interroger les notions de culturalisme ou d'ethnocentrisme. En tous les cas, la transition démocratique ouvre un champ nouveau
d'études pour les géographes.
Abstract
A Comparative Approach of Elections.
The electoral geography can be widened today to a geography of democracy. Democracy overflows now out of the sphere of the
Western States. A comparative approach of the elections becomes possible, notably due to a simplified access to the electoral
data. This development initiates specific problems of signification to be given to the electoral results. The distinction between
exchange vote, community vote or opinion vote is a possible way to compare democracy "here" and democracy "elsewhere".
From "universal" democracy to "specific" democracy, the comparative approach of the elections opens the question of culturalism
or ethnocentrism. In all cases, the democratic transition opens a new field of studies to geographers.
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Bussi Michel. Pour une approche comparative des élections. In: Espace, populations, sociétés, 2003-3. Populations, élections,
territoires. pp. 427-441.
doi : 10.3406/espos.2003.2095
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/espos_0755-7809_2003_num_21_3_2095BUSSI Laboratoire MTG Michel
Université de Rouen
UMR CNRS IDEES 6063
Rue Lavoisier
76821 Mont-Saint- Aignan Cedex
[e-mail]
Pour une approche
comparative des élections dans les démocraties occidentales
pose un problème fondamental. Il développe
en ce sens deux arguments. D'une part, en
Johnston1, Au-delà du des peut cas, pouvoir il être travaux semble considérée du ou vote, en désormais de britanniques France la la démocratie, comme géographie de impossible J. une Levy2. de dans géographie Taylor électorale Dans de l'esprit limi ce et limitant l'analyse électorale aux démocrat
ies occidentales, le chercheur adopte une
posture de recherche privilégiant une forme
ter l'analyse des scrutins aux seules démoc de démocratie (la démocratie libérale) et
raties occidentales. La « troisième vague d'attitude électorale (le vote individuel
démocratique »3 incite d'une part les cher d'opinion) : " Electoral geographers have
cheurs en géographie électorale à s'intéres chosen to be students of liberal democracy.
ser à ces nouveaux objets d'étude, et d'autre Elections failing to confort this particular
part oblige à repenser les paradigmes des ideal have been largely ignored ". D'autre
sciences électorales dans les démocraties part, l'analyse des élections non occident
occidentales à la lecture des comportements ales peut contribuer à relativiser et surtout
électoraux « d'ailleurs ». Ainsi, P.J. Taylor, renouveler nos propres modèles, notamment
en 19904, dans l'ouvrage collectif qui pro dans un contexte occidental où la démocrat
longe la réflexion anglo-américaine sur la ie électorale classique semble partiellement
remise en cause (chute de la participatgéographie électorale dix ans après leur
ouvrage fondateur de 19795, reconnaît que ion, déclin des partis...).
la focalisation de ces deux volumes sur les
1 TAYLOR P.J., JOHNSTON R.J. (1979), Geography 4 TAYLOR P.J. (1990), "Extending the world of elector
of elections, Harmonds-worth, Penguin Books. al geography ", in Taylor P.J et Johnston R., (1990),
Developements in electoral geography, Routledge, 2 LEVY J. (1994), L'espace légitime. Sur la dimension
London. spatiale de la fonction politique, Presses de la
5 Op. cit. Fondation Nationale de Science Politique, 442 p.
3HUNTINGTON S. (1991), La troisième vague. Les
démocratisations de la fin du vingtième siècle, Manille,
Nouveaux Horizons, 339 p. 428
1. L'APPROCHE COMPARATIVE DE LA DÉMOCRATIE ÉLECTORALE
MONDIALE
Géographie. La thèse de la « transition 1.1. Un nouvel enjeu societal, un nouvel
démocratique », longtemps défendue par les enjeu géographique
Le monde semble devenir majoritairement politologues américains et hispaniques,
semble aujourd'hui remise en cause. Il est démocratique, si l'on se réfère à l'organisa
tion d'élections libres dont le résultat est tout aussi ambigu de parler de « diffusion »,
incertain et une éventuelle défaite acceptée en particulier à partir de l'héritage colonial :
par le pouvoir en place6. Il s'agit d'un fait l'Inde s'impose comme la « plus grande
récent. Depuis 1990, une telle démocratie démocratie du monde », et l'influence
représentative semble désormais durable anglaise ne suffit pas à l'expliquer. Un cer
tain nombre d'États sud-américains furent presque partout en Amérique latine et cent
démocratiques avant leur « modèle » esparale, elle a accompagné la création des nou
veaux États de l'Europe de l'Est, elle gnol... Le problème de fond devient alors la
signification même de la démocratie, et au s'étend en Afrique, au Moyen-Orient, voire
en Asie. Dans les États occidentaux, la final du sens du vote. La démocratie est-elle
démocratie, si l'on prend pour référence compatible avec des sociétés où l'individu
est avant tout influencé par son appartenanl'organisation d'élections au suffrage uni
versel, n'est pas non plus un fait ancien : elle ce communautaire et/ou religieuse ? La
a cent ans tout au plus, parfois beaucoup démocratie est-elle compatible avec des
moins dans la plupart des États de l'Europe sociétés inégalitaires où la subsistance éco
du Sud, et à peine 50 ans en France si l'on nomique prime sur tout autre besoin? Le
tient compte du vote des femmes. .. vote « d'opinion », idéalisé dans les démoc
raties occidentales, se heurte à l'existence
Bien entendu, on peut émettre bien des et à la résistance « ailleurs » d'un vote
réserves sur l'organisation, le déroulement « communautaire » et d'un vote « d'échan
et le résultat des scrutins : fraude, faiblesse ge ». Face à ce débat, le souci du chercheur
de la participation, découpages et modes de peut-être à la fois de relativiser l'idée
scrutins partiaux, faiblesse de l'offre partisa « d'universalité ou d'uniformité » de la
ne et du débat idéologique, absence de liber démocratie, mais aussi celle d'une « géopol
té d'opinion, confiscation du pouvoir par itique du chaos » (I. Ramonet, 1997)7, c'est-
une élite corrompue... De même, la désigna à-dire de l'implosion de la démocratie en des
tion des gouvernants par le suffrage univers systèmes électoraux uniquement explicables
el n'immunise pas contre le règlement des par des histoires et des cultures endogènes.
conflits par la violence. Enfin, ce modèle est
encore loin d'être universel : il manque en 1.2. Les élections sont-elles toujours un
particulier les pays communistes. Néan objet scientifique pertinent ?
moins, la démocratisation du monde semble Si les élections ne sont pas une condition
l'un des faits majeurs de la fin du 20ème suffisante à la définition d'une démocratie,
siècle. Sa face la plus apparente, et de loin la elles en sont néanmoins une
plus médiatisée, reste le déroulement d'élec nécessaire. Néanmoins, si l'étude scienti
tions concurrentielles pluralistes. fique des élections dans les démocraties
Si pour toutes ces raisons, une approche consolidées est un champ de recherche
comparative des élections dans le monde reconnu aujourd