Structures romanesques et problèmes du mariage chez George Sand, d Indiana à La Comtesse de Rudolstadt - article ; n°16 ; vol.7, pg 34-45
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Structures romanesques et problèmes du mariage chez George Sand, d'Indiana à La Comtesse de Rudolstadt - article ; n°16 ; vol.7, pg 34-45

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Description

Romantisme - Année 1977 - Volume 7 - Numéro 16 - Pages 34-45
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 116
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Arlette Michel
Structures romanesques et problèmes du mariage chez George
Sand, d'Indiana à La Comtesse de Rudolstadt
In: Romantisme, 1977, n°16. pp. 34-45.
Citer ce document / Cite this document :
Michel Arlette. Structures romanesques et problèmes du mariage chez George Sand, d'Indiana à La Comtesse de Rudolstadt.
In: Romantisme, 1977, n°16. pp. 34-45.
doi : 10.3406/roman.1977.5094
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1977_num_7_16_5094Ariette MICHEL
Structures romanesques et problèmes du mariage
ď Indiana à La Comtesse de Rudolstadt
Sand et Balzac ont contribué tous les deux à faire du roman de mariage
un véritable genre littéraire romantique 1. La comparaison entre leurs
œuvres permet de saisir la singularité de cette romancière du mariage
qu'est George Sand, spécialement entre 1832 et 1844. Nous présenterons
donc, d'abord, quelques remarques concernant la typologie romanesque de
notre auteur. Elles nous conduirons à une constatation : Sand, bien plus que
Balzac, invente et développe à propos du mariage, une expression roma
nesque du sacré. La création chez notre auteur entre Indiana et La Comtesse
de Rudolstadt s'articule, se structure, autour de quelques schémas roma
nesques qui prennent valeur d'archétypes. Nous en retiendrons trois que
nous nommerons : sacrifice, palingénésie, consolation 2.
Entre 1832 et 1834, tandis que Balzac, romancier du mariage, compose
de nouvelles Scènes de la vie privée, La femme abandonnée, La Grenadière,
La femme de trente ans, George Sand, romancière du mariage, écrit Indiana,
Valentine, Jacques. Ce sont là, de part et d'autre, des romans de la mal
mariée 3 : des romans du réel dans lequels la vie conjugale fournit au récit
sa trame ; du même coup ils se présentent comme des romans de l'échec
du sentiment et du mariage dans la société. Balzac et Sand écrivent des
romans de protestation, voire, dans le cas de la romancière, des romans
de révolte et, en ce sens, des romans féministes.
Or, pour exprimer sa protestation, Balzac, à cette date, privilégie un
romanesque élégiaque 4 ; surtout il illustre avec une acuité géniale son
propos d'écrire des « Études de mœurs ». Sand, quant à elle, choisit une
rhétorique de la véhémence — qui proscrit « le ton élégiaque, le genre
lamentable » ! 5 Mais (ce qui l'oppose assez résolument à Balzac) elle déve
loppe, à partir de situations conjugales caractéristiques des mœurs du temps,
et pour exprimer son scandale devant le mariage tel qu'il est façonné par
les lois et les coutumes, les mentalités collectives, un roman irréaliste.
L'irréalisme ici ne se réduit pas au romanesque. Le goût très marqué
de Sand pour l'exceptionnel la conduit à un romanesque quasi délirant en Problèmes du mariage chez George Sand 35
mainte occasion. Est-ce facilité d'écriture ? On peut estimer aussi que
chez cette romancière, comme chez Balzac, le romanesque est la seule
expression qui paraisse adéquate à une souffrance, un scandale, un déchi
rement profond qui ne trouvent pas à se dire dans un discours rationnel
et raisonnable e.
Si les romans de mariage sandiens tels qu'Indiana, Valentine ou Jacques
nous paraissent irréalistes, c'est qu'ils ne tendent pas, comme ceux de
Balzac, à recomposer l'épaisseur de la réalité, à produire un équivalent
littéraire du monde social. George Sand écrit avant tout des histoires, ou
mieux encore, comme elle le dira à propos de la seconde Lettre à Marrie,
des « paraboles » destinées à faire éclater « la puissance des exemples » 7.
Ces fables se construisent autour d'images-récits suffisamment puis
santes sur l'imagination du lecteur pour leur assurer une cohérence d'ordre
symbolique 8.
Il est aisé de reconnaître à Jacques cette structure et cette valeur. Assu
rément la matière du récit est arrachée à la réalité. Aux mœurs du temps,
George Sand emprunte son héros, Jacques : c'est le mari vieillissant
d'une femme trop jeune et inexpérimentée, qui ne pourra mieux faire
que de lui tenir lieu de père. Que ce personnage de mari malheureux en
amour et en mariage soit un officier d'Empire marque encore la fidélité
de la romancière à la réalité politique de son temps. Que l'on songe, chez
Balzac, aux officiers mondains que sont d'Aiglemont ou Montriveau, aux
officiers sortis du peuple que sont Chabert ou Philippe Brideau.
Les fidélités au réel dans Jacques ne vont peut-être pas beaucoup au delà.
A travers le motif réaliste s'en déchiffre aussitôt un autre, tout littéraire
celui-ci : on pourra l'appeler le motif- Wolmar î Dans une lettre d'Octave
à Fernande, la romancière encourage son lecteur à cette interprétation :
« Tu crois que je t'abandonnerai quand ton mari te laisse pour aller serrer
ses foins et philosopher avec Sylvia, tout en comptant ses denrées et son
argent ? Pauvre Fernande ! Ton mari est une mauvaise copie de M. de Wol
mar ; mais certainement Sylvie ne se pique pas d'imiter le désintéress
ement et la délicatesse de Claire » 9. Certes, le quatuor inventé par Rous
seau se met aisément en place ici : Jacques-Wolmar, Fernande-Julie,
Octave-Saint Preux, Sylvie-Claire.
Remarquons alors quel traitement original lui fait subir George Sand.
Jacques est un mari qui a horreur du rôle de tyran. Il veut donc à la fois
protéger sa femme et la respecter. Son premier dessein le conduit du rôle
d'amant aux fonctions de père. Or sa volonté est encore de ne rien entre
prendre sur la liberté ni le bonheur de sa femme. Il doit donc se rendre
à l'évidence : une femme jeune est en droit d'attendre de son mari autre
chose qu'une paternelle protection. Reste pour lui à s'effacer au profit du
jeune et séduisant Octave ! Le drame conjugal se résout ici non par le sacri
fice de l'épouse comme dans YHéloïse, mais par celui du mari : Jacques
ou l'anti- Wolmar !
Cette solution, si conforme à la logique du récit, est bien digne d'une
fable. Nous trouvons là une solution rêvée. Mais à la vérité, avec ce roman,
nous n'avons jamais quitté l'imaginaire. Les idées ou théories sandiennes
sur le mariage nous important moins ici 10 que l'interprétation globale d'une
situation conjugale inscrite dans un jeu cohérent d'images. Nous retien
drons trois seulement de ces images.
Jacques est un soldat. Balzac eût développé les implications et les consé
quences sociologiques, politiques du fait : que l'on pense au traitement 36 Ariette Michel
du personnage de Chabert ou de Brideau. Chez George Sand, le person
nage de Jacques, loin de revêtir une dimension typique, d'ordre sociolo
gique, est investi d'une valeur morale allégorique. Le soldat apparaît
comme l'homme des douleurs ; l'homme de la mort aussi. Jacques est
affligé d'une pâleur extrême et chronique ; cet homme ne rit jamais ; il
ne chante pas non plus, si ce n'est sourdement et pour tenir tête à ses
souffrances. Il est malgré lui voué à donner et à recevoir la mort : aux
duels involontaires du début du roman répondent les duels prémédités
qui l'achèvent sur l'assassinat puis le suicide u.
L'histoire de Jacques est celle d'un mari qui ne saura pas donner le
bonheur : il y avait là pour Balzac matière à une « scène de la vie privée ».
Ici nous ne trouvons pas réellement de développement ni d'approfon
dissement psychologique. Mais si nous côtoyons souvent l'invraisemblance,
tout s'inscrit avec cohérence — c'est à dire avec vérité — dans une trame
poétique et symbolique. Jacques, l'homme seul, séparé, abandonné, s'im
pose à nous à travers les images du double : Jacques est séparé de Sylvia
car elle est son double féminin ; Jacques est séparé de Fernande car il
a un double complémentaire et antithétique, Octave, qui sera donc son
rival.
Que Jacques enfin n'apporte pas le bonheur à sa femme parce qu'il est
trop vieux pour elle aucune surprise au lecteur. Au terme de
ses échecs, Jacques confiera à Sylvia, parlant de sa femme : « Elle est vra
iment ma fille à présent, et toute autre pensée ressemblerait pour moi à
celle de l'inceste &

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