Sur la structure sociale de quelques villages égyptiens - article ; n°2 ; vol.10, pg 199-215
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1955 - Volume 10 - Numéro 2 - Pages 199-215
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1955
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Berque
Sur la structure sociale de quelques villages égyptiens
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 10e année, N. 2, 1955. pp. 199-215.
Citer ce document / Cite this document :
Berque Jacques. Sur la structure sociale de quelques villages égyptiens. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 10e
année, N. 2, 1955. pp. 199-215.
doi : 10.3406/ahess.1955.2431
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1955_num_10_2_2431SUR LA STRUCTURE SOCIALE
DE QUELQUES VILLAGES ÉGYPTIENS
i
LE PROBLÈME
Le district de Menouf n'est pas le centre géographique du Delta, puisqu'il
borde la branche occidentale du Nil, celle de Rosette. Mais la fertilité de
ses terres, sa formidable densité de peuplement, la personnalité vivace
qui caractérise ses fils et s'attache encore à eux, dit-on, longtemps après
l'émigration, font de lui, peut-être, le cas-limite de la campagne égyptienne.
Aussi n'est-ce pas sans raison que, ces dernières années, le gouvernement
l'a pris comme objectif majeur de ses réformes, telles que l'institution de
« centres sociaux ». Ce n'est pas un hasard non plus que l'UNESCO y ait
fondé en 1953 son Centre international d'éducation de base pour les pays
arabes.
Dès sa première année d'existence, ce Centre s'est justement inquiété
de bâtir l'action sur la connaissance, le progrès sur l'investigation monog
raphique. Or, malgré le mérite des études, anciennes ou récentes, qui se
sont attachées à la sociologie rurale de l'Egypte1, nous ne disposons pas, au
moins en ce qui concerne la Menoufia2, de matériaux suffisants. Une pre
mière étude porta donc, pendant l'année 1953, sur quatre villages, Diberky,
Qalâta, Manâwahla, Fîchâ. Elle fut, comme il se devait, expéditive et
globale. Dans une seconde phase, des travaux individuels poussèrent l'ana
lyse d'aspects déterminés. Enfin, au courant de l'été 1954, quatre nouveaux
villages, Al-Khaďra, Kafr Singalf, cEzbet Abou cAds et Maqât'ic, furent
à leur tour prospectés.
Dans l'état actuel, cette documentation constitue un ensemble encore
très lacunairet mais dont la base monographique n'est pas négligeable,
puisqu'elle s'étend à huit bourgades, soit à une population de 25 000 habi
tants et à une superficie totale de 40 km2 pour l'ensemble de leur zimâm-s
« périmètres ».
1. A la bibliographie citée par J. Lozach et G. Hue, L'Habitat rural en Egypte, Le Caire,
1930, p. xxi et suiv. et le R. P. Ayrout, Fellahs d'Egypte, Le Caire, 1 952, p. 200 et suiv., ajoutons
l'ouvrage tout récent de H. Am mar, Growing up in an Egyptian Village (sur la province
d'Assouan), Londres, 1954.
2. Sur les paysans de la Menoufia, en dehors du livre introuvable de M. Al-Naggar, Essai
sur le fellah et le travail manuel en Egypte, Lyon, 1913, citons surtout les anciennes, mais toujours
valables contributions de la Description de l'Egypte (cf. sur les références à Menouf, les Tables
de H. Munier, Le Caire, 1943). 200 ANNALES
Nous tâcherons donc d'exposer, dans ce travail d'attente, et à la lumière
des faits collectés par les stagiaires de l'UNESGO, auxquels revient tout
le mérite de l'enquête de première main, les remarques, et plus encore les
questions auxquelles a abouti cette « approche » préalable d'un sujet fonda
mental, encore que peu exploré : la structure sociale du paysanat égyptien
dans le Delta.
* *
la" La première sensation qui frappe le visiteur est à coup sûr celle de
profusion humaine et de la profusion végétale. Point de fleurs des champs
dans cette campagne vouée depuis des siècles à l'utilité, mais une folle
luxuriance des plantes. L'herbe croît encore, touffue, sous les tiges verti
cales du maïs. Une culture relaie une autre culture, et cela à longueur d'année.
L'homme partout s'affaire, actionnant les cylindres élévatoires, nivelant le
sol, ou hachant les pailles répandues dans l'aire, du haut du siège sculpté
qui surmonte le norag. Cette double véhémence, humaine et botanique,
s'accorde pour composer un paysage, dont l'atmosphère humide, brillante
et poussiéreuse à la fois, accentue encore la singularité.
Tous les quatre ou cinq km., une agglomération vous accable de sa
masse puissante1. Plusieurs dizaines de milliers d'habitants se pressent à
Sirs al-Layyân, à Menouf, sans que s'atténue leur cachet paysan. Celui
qui demeure dans ces maisons aux parois de terre, aux belles surfaces ocres,
rompues çà et là d'un ornement de briques ou d'une naïve enluminure,
c'est ce rustique qu'on a rencontré aux champs, lavant son buffle à même
le canal. Le plus humble village dépasse le millier d'âmes. Dans la Menoufia
l'habitant isolé est rare. Il se manifeste sous la forme de la cezbé, la maison
de maître centrée sur le domaine : figure d'un capitalisme rural confinant à
la seigneurie. Mais ce type, fréquent en Orient comme dans le Maghreb,
ne rompt pas, dans cette partie du Delta, la prédominance du type opposé :
celui de la grosse bourgade, urbaine par la masse, paysanne par les genres
de vie, et, dirait-on, par l'idéal. Nous reconnaissons ce genre d'habitat :
style urbain, densité forte, architecture complexe, tradition millénairer
vocation rurale impérieuse. C'est celui-là même qu'on retrouve à l'autre
bout de la Méditerranée, en Andalousie, en Sicile2. Mais là s'arrête l'analogie.
L'« égyptianité »3 profonde de tous les phénomènes que nous étudions ici
pousse à chercher leur secret ailleurs que dans des ressemblances.
Quelle morphologie soutient ces masses imposantes? De la réponse que
nous ferons à cette question dépendent aussi bien l'action pratique sur la
paysannerie du Delta, que la connaissance de ses structures profondes.
1. Non seulement sur l'habitat, mais sur le paysage rural, cf. le livre exhaustif de J. Lozach et
G. Hug, cité plus haut ; J. Lozach, Le Delta du Nil, Le Caire, 1935. D'un point de vue plus
technique le Preliminary Report on Egyptian Village Housing, 2 vol., Arthur D. Little, Camb
ridge (Mass.), 1952, avec de nombreuses photographies.
2 W. S. Blackman, Fellahs de Haute-Egypte, trad., Paris, 1948, p. 115 et suiv., compte
tenu d'ailleurs de la profonde particularité du Said.
3. T'aha H'usayn souligne cette identité morale, sociale et culturelle, conservatrice d'elle-
même, et persistant à travers tous les bouleversements, FVl adab al-jâhili, éd. Dâr al-Macarif,
1952, p. 397. C'était déjà l'impression d'Hérodote. STRUCTURE SOCIALE DE QUELQUES VILLAGES ÉGYPTIENS 201
Que ce village ait une personnalité, c'est là une vérité de sentiment comme
d'expérience. Mais nous ne sommes pas, à l'heure actuelle, armés pour
la définir. Empiriquement, l'action ressent, dans chacune de ces unités,
des ensembles de traits constitutifs, et à coup sûr une démarche caractérisée.
L'honneur du village s'exalte parfois jusqu'à la violence. Dans le Said sur
tout, mais aussi dans le Delta, une dispute pour l'eau peut déclencher rixes
et vendettas. Seulement, comment s'analyse une telle personnalité ? Plutôt
que de chercher à pallier, sur ce point encore obscur, l'insuffisance de l'info
rmation, contentons-nous d'épingler des faits aussi significatifs que celui-ci :
deux villages entièrement contigus, seulement séparés par une ruelle, peuvent
mener vie distincte. C'est le cas, dans la Menoufia, du couple Teta-Ghamrin,
du couple Berhim-Belmicht, du couple Ghehada-Mit Chihala, etc....
Qu'est-ce à dire, sinon qu'une personnalité sociologique, certainement
héritée du passé, et que l'archéologie permet souvent de suivre très loin1,
fait de cette bourgade du Delta un personnage historique aussi bien qu'un
acteur du présent et qu'un ouvrier de l'avenir?
II
DIVISIONS DU VILLAGE
Pénétrons dans le village. Le premier regard découvre, dans l'enceinte
compacte qui le ramasse au milieu des champs, une division physique,
celle des quartiers. Et le premier examen du peuplement y découvre une
division onomastique, celle des familles. Qu'est-ce que ces deux institutions,
et y a-t-il entre elles un lien?
D'une façon général

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