Un conte bulu de Sangmélima : la jeune albinos et le Pygmée - article ; n°2 ; vol.33, pg 243-254
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1963 - Volume 33 - Numéro 2 - Pages 243-254
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 121
Langue Français

Extrait

Pierre Alexandre
Un conte bulu de Sangmélima : la jeune albinos et le Pygmée
In: Journal de la Société des Africanistes. 1963, tome 33 fascicule 2. pp. 243-254.
Citer ce document / Cite this document :
Alexandre Pierre. Un conte bulu de Sangmélima : la jeune albinos et le Pygmée. In: Journal de la Société des Africanistes.
1963, tome 33 fascicule 2. pp. 243-254.
doi : 10.3406/jafr.1963.1371
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1963_num_33_2_1371UN CONTE BULU DE SANGMÉLIMA :
LA JEUNE ALBINOS ET LE PYGMÉE
PAR
P. ALEXANDRE
En janvier 1962, j'effectuai au Cameroun une sorte de tournée
de reconnaissance en vue de préparer une enquête ultérieure plus
approfondie sur la littérature orale bulu et ntumu \ Mes étapes se
trouvèrent fixées plus par les hasards d'amitiés renouées à la suite
de rencontres inespérées que par les projets formés avant le départ.
Si, en effet, beaucoup des informateurs auxquels j'avais pensé se trou
vèrent ou morts ou trop fatigués ou malades pour pouvoir participer
à l'enquête, d'autres, dont j'avais perdu la trace, vinrent d'eux-mêmes
au devant de moi et m'apportèrent spontanément une aide précieuse.
C'est ainsi que, arrivant à Sangmélima, chef-lieu de Dja-et-Lobo,
après une journée d'étapes infructueuses, je retrouvai mon ex-
chaufïeur et vieil ami, Joseph Mvondo Ze, il m'emmena dans son
village, Ta tying II, situé dans la vallée du Dja, à l'est de l'arrondi
ssement de Sangmélima.
- La lune était pleine : il y avait veillée villageoise dans la case-à-
palabres, abá. Je pus ainsi enregistrer pendant environ deux heures,
des chants — enyérjé, et spirituals protestants de composition locale,
chantés par les femmes, biá bímvét des hommes, accompagnés à
l'arc musical, sans parler des chœurs en français des enfants des
écoles — des devises, mzndàn, et des messages tambourinés au qkûl
à deux tons, un discours du chef, illustré de proverbes, mirjkaná, et
enfin trois contes : deux moralités didactiques et une explication
mythique de l'absence ou de la décadence des Pygmées, Ьгкое, dans
cette marche orientale du pays bulu. Ce matériel, recueilli et exploité
surtout à des fins linguistiques, sera peut-être publié en son temps,
ne fût-ce que pour répondre à la demande de ceux qui me l'ont procuré.
Le mythe sur la disparition des Pygmées m'a paru cependant assez
1. Le rapport de mission a été publié dans les Cahiers d'études africaines, II- IV, n° 8, p. 630-634. 244 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
intéressant sur le plan ethnographique pour être présenté dès main
tenant.
Avant, toutefois, de donner le texte, son mot-à-mot et sa traduc
tion courante, il convient de planter le décor. Tatying II est un vil
lage Ndorj, c'est-à-dire que ses habitants appartiennent à un clan
présentant de nombreuses particularités : tout d'abord, il existe,
sous ce nom, non seulement dans tout le pays « pahouin », de l'Ogooué
à la Sanaga, chez les Far), Bulu, Ewondo et autres Beti, mais
encore chez les Vute et les Tikar ; ensuite les Ndoq sont le seul clan,
ayorj, parmi les « Pahouins » à pratiquer l'endogamie entre leurs trois
lignages majeurs ou fractions, mvók; en outre ils ont une réputation
étendue comme artisans et comme magiciens ; enfin on rencontre
souvent parmi eux un type physique — peau cuivrée ou rougeâtre,
yeux pers ou verts — qui tranche sur celui de leurs voisins.
Le conte fut récité devant tout le village par l'aînée des filles non
mariées (bilénan) du chef, âgée d'une vingtaine d'années, ses sœurs
âgées de 15, 12 et 9 ans environ, chantant avec elle les couplets de
l'oiseau-dénonciateur, repris à bouche fermée par les autres femmes
présentes. L'annonce de sa récitation avait été accueillie par l'appro
bation générale, la narratrice commençant cependant par jouer la
confusion modeste et par se faire prier. En cours de récitation, ce
sont surtout les femmes qui poussaient les cris traditionnels d'encou
ragement et d'approbation, ce qui paraît bien indiquer que le conte
appartient au patrimoine culturel collectif féminin.
Ce caractère féminin ressort aussi d'une remarque du préfet de
Kribi, M. Samba Ndutumu, connu comme érudit en matière de
tradition, qui me dit, en français, qu'il s'agissait « d'une histoire de
vieilles femmes », sans que malheureusement, j'ai songé sur le moment
à lui faire préciser sa pensée. En sens contraire, ma répétitrice à
l'École des Langues Orientales, Mme Isabelle Etumba Bassong, fait
remarquer que la conclusion est assez sanglante pour que le conte
ressortisse au répertoire masculin. Ce sont pourtant bien des femmes
qui l'ont récité !
fjkaná тэпэ ппауа.
Conte de l'albinos.
aygábo nâ \ mot vëtabz áfan bá y gál.
Il-se-fît que personne habitait en-forêt avec femme.
1. angábo nâ, forme impersonnelle, cl. 1 (= locatif temporel 16) du passé général de -bo « faire »,
formule initiale traditionnelle des contes bulu.
1 UN CONTE BULU DE SANGMÉLIMA 245
b'zjiûuya y i aby de nz-yi, y i, y i.
Ils-étaient-fatigués vouloir engendrer vouloir, vouloir, vouloir.
bk vkkzz byáe mbna-míyga âhb mbn-ňnaya.
Eux allèrent engendrer une fille qui était albinos.
ánk bzygáyóle-nyk nâ, тэпэ ňnaya. mbna-míygá
Alors ils-la-nommèrent que : Enfant d'Albinos. Fille
atz antob bzta-удэп 1. bold b'zju9uya-nyê zu
cette devint grande-fille. Gens se-fatiguèrent-la venir
yen 2, zbotd bé vzben, vkben, vkben.
voir, et-gens ses n'étaient-pas-d'accord (ter).
ňdz тэпэ-bzkoe atée kmosd wú. « ygž-nz mamin
Donc un-pygmée se-décide jour ce. « Puisque moi-même
matámd-kzz lú?u тэпэ-ппауа nyú, ygz b'z
je-veux-aller épouser Albinos cette, si eux
bzbendkz-mâ, mzwúéwue míygá atz. » áni
me-repoussent-aussi, je-massacre fille cette. » Alors
aygámanz jebd fa. vzkzz kúi ámos,
il-acheva aiguiser sabre. Et-d'aller arriver dans-la-journée,
bold bzsz bztoo áfúb. пук тэпэ-ппауа nâ,
gens tous sont au-champ. Lui à-1'albinos que :
« makzz-wb zu yen ». тэпэ-ппауа nâ, « maben,
« Je vais-te venir voir. » L'albinos que : « Je-refuse,
bob bâm bzygájóo nâ тгЬэ tzkz-alúk, mztabz
gens mes ont-dit que je-fais pas mariage, je-reste
ksi jay ». nyl nâ, « nâle !
sur-les-terres du-village-natal. » Lui que : « Ainsi 1
1. beta-ygon « grande fille » ou « pleine lune », y дэп ayant les deux sens de « lune » et « fille », d'où
possibilité de jeux de mots ; cf. -уепэ у дэп, « voir la lune » euphémisme pour « avoir ses règles », de
même mztyï тгудэп « sang lunaire » = « sang de fille ».
2. yen « voir », connotation très extensive, cf. « connaître » au sens biblique. 246 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
mazu hý wo wúé ». ání aygábi-nyi, vzcfîi-nyî
je-viens donc te tuer. » Alors il-la-prit, et-de-lui-couper
cîfj. vznyoyekz-nyz Ьгуатэ beta-ňnám г ôwondo,
gorge. Et-de-la-prendre et-de-cuire grande sauce d'arachide,
bise?é 2 mf ula? am. vzkzz télé nduán, vžbúti
foies mélange. Il va installer feu, il-couvre (la marmite),
vîdafjd /ces, vltúb.
il-dépasse partir, se-sauve.
âsb bold be bzygasôo, vlvPa-zu
L'arriver gens ses arrivent, voilà-qu'ils-viennent
кэое nâ, beta-vyzk, atél'z ïnduàn.
trouver que grosse marmite est-dressée sur-le-feu.
bztzkztáte-síli nâ, « je játkbo
Ils-ne-se-deman dent-pas-d'abord : « Qu'est-ce-qui-a-fait
vyz?z wú ». bz nâ, « aá, ňdz, тэт
marmite cette ? » Ils disent : « Ah ! donc enfant
way anz fek, amanzya yàmz
notre est prévoyante, elle-a-fini faire-cuire-pour-(nous)
abím ábut bidi dt. »
quantité beaucoup de-nourriture cette. »
ánz bzygatée vyek, vztéle mzbo 3.
Alors ils-s'attaquent-à marmite, ils-dressent dans-jambes.

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