Quelques réflexions à propos du cakra, arme offensive - article ; n°1 ; vol.11, pg 119-130
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Quelques réflexions à propos du cakra, arme offensive - article ; n°1 ; vol.11, pg 119-130

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Description

Arts asiatiques - Année 1965 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 119-130
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

Jeannine Auboyer
Quelques réflexions à propos du cakra, arme offensive
In: Arts asiatiques. Tome 11 fascicule 1, 1965. pp. 119-130.
Citer ce document / Cite this document :
Auboyer Jeannine. Quelques réflexions à propos du cakra, arme offensive. In: Arts asiatiques. Tome 11 fascicule 1, 1965. pp.
119-130.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1965_num_11_1_918QUELQUES RÉFLEXIONS A PROPOS DU CARRA
ARM OFFENSIVE
par conservateur Jeannine en chef du AUBOYER Musée Guimet
On sait combien multiples sont les interprétations du mot cakra, qui recouvre
aussi bien la roue sous sa forme utilitaire qu'une arme de jet, ou bien le symbole de
la souveraineté universelle, celui de la prédication de la Loi bouddhique en ce qu'elle
a d'œcuménique, ou encore celui de la vie, des re-naissances au cours du samsara,
du cycle des saisons, de l'Année, etc.
Il semble qu'à la base de tous ces concepts, deux objets soient plus spécialement
représentatifs : la roue véritable, partie indispensable d'un char de guerre, et l'arme
de jet en forme de disque perforé en son centre. De la conjonction de ces deux objets —
qui présentent des points communs indéniables — sont sorties, semble-t-il, les diffé
rentes applications du terme cakra, aussi bien dans la tradition bouddhique que dans
les interprétations iconographiques hindoues.
En tant que partie fondamentale du char de guerre, symbole de conquête terri
toriale, la roue se présente comme une œuvre de charronnage, lourde et solide. Elle
est dotée d'une jante épaisse dont nous ne connaissons pas le mode d'assemblage, car
les joints (s'ils existent) ne sont pas apparents ou bien sont dissimulés par des bandages
(fig. 1). Le moyeu est très proéminent, pénétrant dans un cadre circulaire qui maintient
les rayons à leur partie inférieure. Le nombre des rayons est variable, allant de 13
ou 14 à 64 et n'étant jamais constant à travers les représentations, le nombre de 64
étant celui des roues surmontant les cakraslambha de l'école ândhra (fig. 2). C'est sous
l'aspect naturaliste que la roue prend place parmi les attributs du cakravarlin,
monarque universel, et qu'elle figure dans les scènes bouddhiques anciennes, symbol
isant la Prédication de la Loi, conquête pacifique ainsi mise en parallèle avec la
conquête guerrière. Elle est alors dissociée du véhicule dont elle résume à elle seule
la qualité de la distance parcourue et conquise, et elle se dresse au sommet d'un pilier
ou d'un segment de colonne. Dès lors, son symbolisme devient plus défini, une compar
aison s'établissant entre elle et le soleil rayonnant au zénith, comme s'il reposait
sur l'axe du Monde. Longtemps elle demeure très proche d'une roue véritable, dont les
moindres détails sont fidèlement reproduits dans les scènes figurées. Puis le caractère
symbolique prend le pas, peu à peu, sur l'objet et ce dernier est progressivement
altéré en motif décoratif. 120 JEANNINE AUBOYER
A priori, il semble qu'il y ait peu de rapport entre la roue véritable nommée
cakra et l'arme de jet également désignée sous le nom de cakra, sinon la similitude
de leur nom et le fait que l'une et l'autre sont douées de rotation. L'arme de jet est
mentionnée dans VArlhasâslra parmi les 27 machines de guerre (XVIII, 101-102).
Elle est mentionnée dans les Veda, le Râmâyana, le Mahâbhârala; Kâlidâsa y fait
allusion dans le Raghuvamsa VII, 43 et dans Kumârasambhava II, 49. D'après les
références données par Dikshitar dans son étude sur la guerre (1), cette arme est ment
ionnée dans Nlliprakâsika IV, 47-48, et dans VA y ni purâna 252, 5-7. Elle est classée
dans le groupe mukla, définie comme semblable à un rasoir ; on s'en sert en la lançant,
l'abattant, la faisant tournoyer, pour fendre, briser, séparer en deux, et couper.
Elle se présente sous l'aspect d'un large anneau de fer ou d'acier dont le dos, qui
forme le bord intérieur, a l'épaisseur d'un couteau ordinaire, dont le bord extérieur
comporte un tranchant très acéré formé par la coupe en biseau de l'une des faces.
C'est en termes techniques un « couteau orbiculaire », ou plus simplement un palet.
On en connaît les effets terrifiants par certains textes brahmaniques : Râma, Visnu
et d'autres personnages divins ou épiques s'en servent dans les combats pour trancher
les têtes des ennemis, lesquelles, en raison d'une coupure nette et soudaine, restent
pendant un moment sur les épaules des victimes avant de tomber ; ainsi Kâlidâsa
décrit cette attaque dans le Raghuvamsa VII, 43. Mais autant la roue est fréquemment
représentée, autant l'arme de jet paraît rare dans les figurations anciennes.
Cependant, si l'on se réfère à des témoignages étrangers — il est vrai beaucoup
plus tardifs — , on obtient des renseignements qui permettent de se faire une opinion
sur l'efficacité de cette arme. D'après la documentation réunie par P. Holstein (2),
Yasdé, dans le Zajar-nâmah rédigé vers 1424, raconte qu'à la fameuse bataille de
Pânïpat (1398), le sultan Mahmûd opposa à Timûr des éléphants portant des arbalét
riers et des lanceurs de disques (3). Pourtant à la fin du xve et au début du xvie siècle,
on ne signale pas de disques dans l'armement des Mahrattes ni dans les arsenaux de
Bâber, Abkar et Jahângïr. Cette lacune est étrange, car dès le début du xvie siècle
(1503-1508), Ludovico di Varthema (4) remarque qu'à Joghi (probablement Gogeh,
ville du Gujarât), « quelques-uns portent certains plats de fer aux bords coupants
comme un rasoir et ils les lancent avec leur fronde lorsqu'ils veulent blesser quelqu'un ».
A la même époque, Duarte Barbosa (5) signale à Delhi des « roues d'acier », qu'il
appelle chacarani ; elles sont, dit-il, « larges de deux doigts, affilées à l'extérieur comme
des couteaux et sans tranchant à l'intérieur ; leur surface est de la dimension d'une
petite assiette ». Puis il précise : « ils en portent chacun sept ou huit enfilés sur le
bras gauche, ils en prennent un et le placent sur le doigt de la main droite, ils le font
(1) Dikmhtar, War in Ancient India, p. 101)
(2) P. Holstein, Contribution à l'étude des armes orientales, 2 vol., Paris (Albert Lévy), 11)31.
(3) Eliot, History of India, t. Ill, p. t'J8.
(4) Voyages, 1503, 1508, Hakluyt Society, Londres, 1863, p. 112.
(5) Duarte Barbosa, Description of the Coasts of East Africa and Malabar, trad. Henry E. J. Stanley,
Hakluyt Society, Londres, 1866, p. 100. PROPOS DU CAKRA, ARME OFFENSIVE 121 A
alors tournoyer plusieurs fois, puis ils le lancent contre leurs ennemis. S'ils atteignent
le bras, la jambe ou le cou de l'un d'eux, ils le tranchent entièrement». En 1568,
Vincent le Blanc (1) voit à Narsingh, sur la Narbuddâ, des « chevaux et éléphants de
guerre chargés de certains cercles de fer ayant trois doigts de large et tranchants
comme rasoirs ». Vingt-trois ans plus tard, en 1591, à la bataille de Sewan (province
Patnâ), Mïr Tahir Mohammad Nasyani rapporte dans son Tarikh-i Tahiri que « les
flottes se rangèrent en lignes opposées, et des décharges de disques (...) commencèrent
de part et d'autre » (2).
Cette arme redoutable est signalée au Sïnd à la fin du xvie et au début du xvne
siècle (3). Tavernier la voit aux environs de 1660 à Ghitor, dans le Râjputâna (4).
C'est, dit-il, « une sorte d'arme que nous n'avons point dans notre Europe. C'est un
fer tranchant fait comme le bord d'un plat qui n'aurait plus de fond, et ils en passent
huit ou dix par la teste les portant au col comme une fraise. Il tirent ces cercles de fer
à mesure qu'ils veulent s'en servir, et en les jettant de force contre un homme, comme
lors que nous ferions voler une assiette, il s'en faut de peu qu'ils ne le coupent par
le milieu ».
Malgré une lacune au xvme s. dans les renseignements recueillis par Holstein,
on retrouve le cakra dès le début du xixe siècle entre les mains des cavaliers Jat du
prince de Lahore (5). Vers la môme époque, Pilinsky de Belty, consul général de France
à Calcutta, le vit servir à Amritsar (capitale des Sïkhs) comme un jeu d'adresse. En
1825, l'abbé Dubois rapporte que le cakra est une arme employée dans quelques
cantons

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