Un cas de communisme national en Union soviétique : Le Poale Zion, 1918-1928 - article ; n°3 ; vol.15, pg 333-361

Baruch Gurevitz

Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1974 - Volume 15 - Numéro 3 - Pages 333-361
Baruch Gurevitz, A case of National Communism in the Soviet Union. Poale Zion — 1918-1928.
According to the National Communist theory, the human race is divided objectively into both classes and nations. The two concepts of National Communism cannot be separated or divided. Among the minorities in the Soviet Union, a wide spectrum of National Communism was developed. This spectrum went from Sultan Galiev, the Tatar leader, to Borochovism and the Jewish Communist Workers Party, Poale Zion. The movement, while not large in number, was influential politically and ideologically.
Baruch Gurevitz, Un cas de communisme national en Union Soviétique. Le Poale Zion — 1918-1928.
D'après la théorie communiste nationale, la race humaine se divise objectivement à la fois en classes et en nations; les deux concepts de « communisme national » ne peuvent être ni séparés ni divisés. Parmi les minorités d'Union Soviétique, toute la gamme du communisme national s'est déployée : de Sultan Galiev, le leader tatar, au borochovisme et au « parti des Ouvriers communistes juifs, Poale Zion ». Bien que numériquement faible, le mouvement exerça une influence politique et idéologique.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: CAHIERS_DU_MONDE_RUSSE_ET_SOVIETIQUE
• Publié le: 01 janvier 1974
• Nombre de lectures: 27
• Langue: Français
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Extrait

Baruch Gurevitz
Dominique Négrel
Un cas de communisme national en Union soviétique : Le Poale
Zion, 1918-1928
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 15 N°3-4. pp. 333-361.
Abstract
Baruch Gurevitz, A case of National Communism in the Soviet Union. Poale Zion — 1918-1928.
According to the National Communist theory, the human race is divided objectively into both classes and nations. The two
concepts of National Communism cannot be separated or divided. Among the minorities in the Soviet Union, a wide spectrum of
National Communism was developed. This spectrum went from Sultan Galiev, the Tatar leader, to Borochovism and the "Jewish
Communist Workers Party, Poale Zion". The movement, while not large in number, was influential politically and ideologically.
Résumé
Baruch Gurevitz, Un cas de communisme national en Union Soviétique. Le Poale Zion — 1918-1928.
D'après la théorie communiste nationale, la race humaine se divise objectivement à la fois en classes et en nations; les deux
concepts de « communisme national » ne peuvent être ni séparés ni divisés. Parmi les minorités d'Union Soviétique, toute la
gamme du national s'est déployée : de Sultan Galiev, le leader tatar, au borochovisme et au « parti des Ouvriers
communistes juifs, Poale Zion ». Bien que numériquement faible, le mouvement exerça une influence politique et idéologique.
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Gurevitz Baruch, Négrel Dominique. Un cas de communisme national en Union soviétique : Le Poale Zion, 1918-1928. In:
Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 15 N°3-4. pp. 333-361.
doi : 10.3406/cmr.1974.1211
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1974_num_15_3_1211BARUCH GUREVITZ
UN CAS DE COMMUNISME NATIONAL
EN UNION SOVIÉTIQUE
LE POALE ZION — 1918-1928
Comment une personne s'identifie-t-elle ? A cette question fondament
ale le communisme national répond qu'une personne fait partie à la fois
d'une classe et d'une nation. La définition de classe est une définition
objective liée aux moyens de production. Bien qu'un peu vague, la défi
nition de nation est objective aussi dans son fondement : une nation
regroupe des individus qui ont un fond ethnique, une langue de base et
une culture communs.
D'après la théorie communiste nationale, la race humaine se divise
objectivement à la fois en classes et en nations. Par conséquent, du point
de vue objectif, les deux concepts de « communisme national » ne peuvent
être ni séparés ni divisés ; classe et nation forment un tout dont les deux
parties ne font qu'une.
Parmi les minorités d'Union Soviétique, toute la gamme du commun
isme national s'est déployée : de Sultan Galiev, le leader tatar, au boro-
cho visme et au « parti des Ouvriers communistes juifs, Poale Zion » en
passant par les borotbistes. Bien que numériquement faible, le mouve
ment exerça une influence politique et idéologique.
Ber Borochov, qui rédigea le chapitre additionnel du livre Le marxisme
et la question nationale1., s'efforça d'appliquer sa philosophie au cas juif.
Cette théorie relative au peuple juif prit le nom de borochovisme et
demeura la philosophie officielle du parti Poale Zion jusqu'à la révolution.
Elle fut adoptée par la suite par le Mouvement communiste national
juif et eut cours en Union Soviétique jusqu'en 19282.
Faute de posséder un territoire, le peuple juif ne pouvait pas rivaliser
avec les masses locales en matière d'emploi. Dans le processus général de
prolétarisation, les Juifs ne pouvaient pas trouver d'emploi dans les princi
pales branches de la production. Ils devaient concentrer leurs efforts dans
les industries secondaires et rester rivés au processus final de la production.
« L'ouvrier juif a été arraché à la nature (agriculture), aux ressources
naturelles (mines et forêts) et aux industries qui produisent les moyens
1. Cf. B. Gurevitz, National communism in the Soviet Union, IÇ18-IÇ28, thèse
non publiée, Un. de Rochester, Rochester, N. Y., 1973, chap. 3.
2. Le borochovisme n'a pas cessé d'être un élément fondamental de la plate
forme politique des partis sionistes-socialistes en Israël.
Cahiers du Monde russe et soviétique, XV (3-4), juil.-déc. 1974, pp. ЗЗЗ-361. BARUCH GUREVITZ 334
de production et de transport (métallurgie, fabrication des machines,
navires et chemins de fer). Pendant des siècles les Juifs ont été écartés
de la base de la production sur laquelle repose la structure économique.
Habituellement on trouve les Juifs aux derniers échelons de la product
ion, dans les branches qui sont éloignées du cœur de la structure éc
onomique (la production des biens de consommation). Ce phénomène ne
peut être imputé à la discrimination anti-juive ; les Juifs n'avaient
pas été arrachés à la métallurgie au profit de la serrurerie. De chemin
ots, ils n'avaient pas été transformés en mécaniciens, ni de fermiers
en tailleurs, savetiers et fabricants de cigares. Ils n'avaient pas été
éliminés de la sylviculture et précipités dans la fabrication des allu
mettes. A vrai dire, depuis la diaspora, les Juifs ne participaient pas
aux industries de base, mais ni le sabbat ni la lutte économique de
l'ouvrier juif ne sont responsables de cet état de choses. »3
Opprimées pendant des siècles, les masses juives s'efforcèrent de
remédier à leur situation. En tant que prolétariat elles émigrèrent dans
d'autres pays où l'économie capitaliste était en expansion. Cependant
l'émigration était une solution pour le en général, mais elle ne
fut d'aucun secours pour les Juifs. Les Juifs ne furent pas longs à réaliser
qu'ils étaient des étrangers. Le Juif devint opprimé parce qu'il ne pouvait
pas suppléer à ses besoins dans les mêmes conditions les faisait
naître4. En d'autres termes, les Juifs ne pouvaient pas développer une
structure sociale normale basée sur des conditions anormales de product
ion. Ces conditions anormales, c'était la Gaiuth5. C'était un phénomène
non pas temporaire, mais permanent qu'on ne pouvait pas changer en
emigrant de pays en pays. Dans n'importe quel pays, pour le Juif, les
conditions de production restaient identiques.
Le caractère négatif de la Gaiuth était un des fondements de la philo
sophie de Borochov.
« La [condition] galuthique de la nation juive est non seulement
tragique mais sans espoir. La tragédie de notre Gaiuth n'est pas
temporaire mais permanente. Nous ne combattons pas pour une
cause juive. Nous souffrons pour des intérêts étrangers. Nous ne pos
sédons pas notre terre et nous sommes négligés par ce monde gigan
tesque qui a ses propres préoccupations. Nous n'avons aucun côté
pour lequel prendre fait et cause dans une guerre. Le monde est indif
férent à notre égard. Notre sort est toujours déterminé par celui des
autres nations. »6
Quelques socialistes juifs ont essayé de mettre leur confiance absolue
dans le progrès de l'humanité. D'autres ont vu dans l'assimilation une
solution. Ces deux convictions se sont efforcées de parvenir à une solution
3. Ber Borochov, « Jewish anti-semitism », in Nationalism and class struggle :
Essays in Zionism and Socialism, N. Y., 1971, p. 69.
4. Ber « Mehahlatot ha-v'ida ha'ezorit šel Po'ale Sion ba-mahoz
Poltava » (Des résolutions d'une convention régionale de Poale Zion à Poltava),
in Ktavim (Œuvres), Tel Aviv, 1955, I» P- 357-
5. Gaiuth : en hébreu, diaspora, exil.
6. B. Borochov, « National helplessness versus national self help », in Essays
in Zionism..., op. cit. POALE ZION 335
dans le cadre de la Galuth sans changer les conditions de production de
l'ouvrier juif, ce qui, d'après Borochov, était irréalisable. Les Juifs ne
devraient ni attendre le progrès ni compter dessus. Le progrès est un fac
teur important dans le développement de la technologie en science et
même dans les arts ; certainement aussi dans le développement de la
névrose, de l'hystérie et de la prostitution. Borochov donnait à entendre
clairement que le progrès ne signifiait pas une amélioration de la moralité
ou du comportement des êtres humains8,
«... mais le progrès moral des nations, la fin de cet égoïsme national
qui détruit en elles ce qu'il y a de meilleur, il est trop t&