Un Conseil général saborde un collège rural - article ; n°1 ; vol.95, pg 67-79
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Revue française de pédagogie - Année 1991 - Volume 95 - Numéro 1 - Pages 67-79
La décentralisation a confié les décisions en matière de constructions scolaires aux collectivités territoriales, pour les collèges au Conseil général de chaque département. En analysant un conflit entre un petit village, qui veut obtenir la construction en dur d'un collège installé dans des bâtiments préfabriqués, et son Conseil général, l'article essaye d'envisager la recomposition des logiques politiques qui permettent de prendre une telle décision : l'effacement de l'idée que la justice passe par la standardisation nationale et le travail que font les acteurs pour construire une définition d'un bien commun local.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Claude Derouet-Besson
"Un Conseil général saborde un collège rural"
In: Revue française de pédagogie. Volume 95, 1991. pp. 67-79.
Résumé
La décentralisation a confié les décisions en matière de constructions scolaires aux collectivités territoriales, pour les collèges au
Conseil général de chaque département. En analysant un conflit entre un petit village, qui veut obtenir la construction en dur d'un
collège installé dans des bâtiments préfabriqués, et son Conseil général, l'article essaye d'envisager la recomposition des
logiques politiques qui permettent de prendre une telle décision : l'effacement de l'idée que la justice passe par la standardisation
nationale et le travail que font les acteurs pour construire une définition d'un bien commun local.
Citer ce document / Cite this document :
Derouet-Besson Marie-Claude. "Un Conseil général saborde un collège rural". In: Revue française de pédagogie. Volume 95,
1991. pp. 67-79.
doi : 10.3406/rfp.1991.1357
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1991_num_95_1_1357« Un Conseil général
saborde un collège rural »
conflits autour de la définition
du bien commun local pour la construction
d'un établissement scolaire
Marie-Claude Derouet-Besson
II n'y a plus de grands sujets, Yvetot vaut Constantinople Gustave Flaubert ».
La décentralisation a confié les décisions en matière de constructions scolaires aux collectivités territo
riales, pour les collèges au Conseil général de chaque département. En analysant un conflit entre un petit
village, qui veut obtenir la construction en dur d'un collège installé dans des bâtiments préfabriqués, et
son Conseil général, l'article essaye d'envisager la recomposition des logiques politiques qui permettent
de prendre une telle décision : l'effacement de l'idée que la justice passe par la standardisation nationale
et le travail que font les acteurs pour construire une définition d'un bien commun local.
Analyser le conflit qui a opposé deux villages pose, pour le Groupe d'Études Sociologiques, le
pour la construction « en dur » d'un collège problème de la décentralisation en éducation. Il
faut d'abord prendre au sérieux l'expression de peut paraître incongru : pourquoi la sociologie
devrait-elle s'intéresser à cette histoire embrouill décentralisation. Il existe un système de règle
ée qui présente toutes les caractéristiques d'une ments, de hiérarchies, de routines cognitives
querelle de clocher (1) ? Et ce faisant, que fait- mises en place à l'époque de la centralisation,
définissant une bonne manière de poser les proon ? Une ethnographie de la France rurale ? De la
blèmes, de repérer les éléments pertinents, de sociologie des conditions matérielles de l'éducat
dégager les principes d'accord. Tout cela constiion ? De la sociologie politique de la France en
tue un système de mise en équivalence, qui perdécentralisation ? Questions qui ne font que
s'ajouter à une autre, plus ancienne mais toujours met de mesurer à une aune semblable des él
d'actualité : quelle valeur peut avoir une telle éments divers et donc de prendre une décision
juste (Derouet, 1991). En matière de constructions monographie, portant sur deux villages de la
scolaires, il s'agit de mettre en équivalence des France profonde par rapport aux problèmes géné
éléments aussi divers que des finances, des bâtraux dont se doit de traiter une discipline scienti
iments, une demande sociale locale et une politfique ?
ique de scolarisation nationale. De la loi Guizot de Pour répondre à ces interrogations, il n'est
1833 à la carte scolaire de la Ve République, l'État peut-être pas inutile de préciser comment se
Revue Française de Pédagogie, n° 95, avril-mai-juin 1991, 67-79 67 toujours considéré qu'il était de sa responsabil tut. Leur légitimité est reconnue et la définition de a
ité d'assurer l'égalité d'accès géographique de la démocratie qui justifie les décisions s'est modif
tous les jeunes Français à la scolarité obligatoire, iée. De proche en proche, c'est donc la question
école primaire d'abord puis collège. Cette con de la relocalisation du service public qui est
ception liait la justice scolaire à l'homogénéisation posée. C'est ce travail qui fait l'objet de la
de l'espace national et impliquait que les déci recherche. Il fournit à la fois une définition cons-
sions en matière de constructions scolaires soient tructiviste du local — observer comment des gens
prises à partir de principes d'un très haut niveau agencent des objets, des institutions, des per
de généralité et d'informations très standardisées. sonnes dans un débat contradictoire sur le bien
La notion de service public s'est construite en commun — et un lien entre cette connaissance du
France dans la dénonciation du local, conçu local et les catégories politiques générales.
comme le domaine de l'intérêt particulier, de la
Cette compétence interprétative peut être saisie querelle de clocher, voire de la corruption ou de
à l'œuvre dans la vie quotidienne d'où cette hisla magouille (Derouet, 1990). Depuis toujours des
toire, simple et ordinaire, dont le récit doit être un pressions politiques locales ont interféré avec
peu détaillé. Comment le village de Moulinier a-t-il cette logique civique nationale et souvent, déjà,
obtenu l'aménagement d'un collège « en dur » les notables ont eu raison des fonctionnaires,
après vingt ans d'installation dans des préfabrmais ces faits étaient traités comme de fâcheuses
iqués ? Cette histoire peut être racontée de pluexceptions, dénoncées en privé et dont il était
sieurs façons... qui sont autant de façons de malséant de parler en public. C'est cette logique
de mise en équivalence qui est interrogée, voire construire le social. Celle qui est retenue ici paraît
la plus proche du sens ordinaire des acteurs et chahutée par la décentralisation. Elle n'est ni
donc la plus économique en concepts lourds : détruite ni abandonnée mais ne bénéficie plus de
stratégie, pouvoir, classes... C'est celle de la l'exclusivité de la légitimité. Les équivalences
mobilisation des ressources. L'avantage de ce nationales sont partiellement déconstruites, con
modèle, déjà bien formalisé par les historiens aux frontées à d'autres définitions du bien commun,
États-Unis (Tilly, 1987) et, en France, par les polélaborées dans des espaces locaux. Face à cette
itologues (Dobry, 1986) est de rester très proche situation, les acteurs sociaux sont contraints à un
de la logique des acteurs : il permet de voir comtravail tout à fait nouveau. Plus encore que les
ment à chaque moment, les gens font l'inventaire règlements, ce sont les routines cognitives qui
des ressources disponibles, des alliances possibsont déstabilisées ; jusque-là une décision pouvait
être justifiée dans une seule logique, civico-indus- les... et comment ils tissent patiemment des
réseaux de connexions, ou défont les réseaux de trielle, base de la définition de l'ordre administrati
connexions sur lesquels s'appuient leurs adversf. Aujourd'hui, elle doit être justifiée dans un
nombre considérable de dimensions, locales et aires. Comme le font Latour (1988) et Callon
(1986) en sociologie de la science, des paquets nationales, civiques et domestiques... Cette incer
de connexions sont vite dégagés, qui relient du titude touche particulièrement les échelons
politique, du pédagogique, des relations personnmoyens de l'administration — disons, dans l'Édu
elles, du scientifique, des instruments de mesure, cation nationale, tout ce qui est compris entre le
des objets... et le conflit pour la construction du chef d'établissement et l'inspecteur d'académie.
collège de Moulinier peut être décrit comme une Dans toutes les administrations ces fonctionnaires
épreuve entre deux de ces paquets : c'est celui sont appelés à se livrer à un intense travail inter
dont, à l'épreuve, les liens apparaissent les plus prétatif pour définir de nouveaux équilibres, voire
solides qui l'emporte. Par là, l'histoire de Mou

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