Un culte vietnamien en France : continuité et changement - article ; n°2 ; vol.16, pg 171-190
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un culte vietnamien en France : continuité et changement - article ; n°2 ; vol.16, pg 171-190

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 2000 - Volume 16 - Numéro 2 - Pages 171-190
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Martine Wadbled
Un culte vietnamien en France : continuité et changement
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 16 N°2. Fêtes et rituels dans la migration. pp. 171-190.
Citer ce document / Cite this document :
Wadbled Martine. Un culte vietnamien en France : continuité et changement. In: Revue européenne de migrations
internationales. Vol. 16 N°2. Fêtes et rituels dans la migration. pp. 171-190.
doi : 10.3406/remi.2000.1735
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_2000_num_16_2_1735Revue Européenne des Migrations Internationales, 2000 ( 1 6) 2 pp. 1 7 1 - 1 90 171
Un culte vietnamien en France :
continuité et changement
Martine WADBLED*
Dans la migration, les Vietnamiens perpétuent leurs pratiques religieuses.
Parmi les différents cultes rendus aux esprits et génies, nous nous intéresserons plus
particulièrement à celui des génies (thanh1) « des Quatre Palais » (tu phu). Cette
pratique, essentiellement féminine, fondée sur la possession, est très populaire dans le
Nord du Vietnam. En France, elle ne regroupe qu'un petit nombre d'adeptes et fidèles,
cinq cents au plus, issus des différentes migrations de Vietnamiens : des rapatriés
arrivés entre 1954 et 1965 après la première guerre d'Indochine, des réfugiés à partir de
1975 et les descendants de ces deux vagues de migrants, « asiatiques » ou eurasiens.
Notre réflexion portera sur la relation entre le social et le religieux en situation
migratoire. Plus précisément, alors qu'il est issu d'une autre tradition culturelle et
religieuse, nous envisagerons la place de ce culte, sa signification, pour ses adeptes
dans la société française ; une société qui n'est pas simplement différente mais surtout
dominante, plaçant de facto cette pratique religieuse dans une situation
sociologiquement minoritaire. Pour cerner les implications sociales de sa perpétuation
en France, il est nécessaire de le situer dans le cadre vietnamien. Nous présenterons
ensuite les aspects matériels et sociaux du rituel. Ainsi, par la comparaison des
pratiques observées en France et au Vietnam2, passées et actuelles, nous verrons que
* Doctorante, rattachée au CERIEM, Université de Haute Bretagne et au Laboratoire sur l'Asie
du Sud-Est et le monde Austronésien.
1 Certains des termes en vietnamien me paraissant importants, j'ai fait le choix de les conserver.
Leur retranscription dans les limites de la typographie française leur donne une forme
tronquée que ne remarquera pas un lecteur non initié à la langue vietnamienne. Le lecteur
viêtnamophone, par contre, sera surpris de la forme de quelques mots dépouillés de leurs
signes diacritiques et ne me tiendra pas rigueur, je l'espère, de cette liberté prise avec
l'écriture pour des raisons techniques.
2 Cette recherche commencée en 1990 repose sur des observations de cérémonies effectuées en
France (Aquitaine, Bretagne, Bourbonnais, et région parisienne) et au Vietnam (Hanoi, Huê et
Ho Chi Minh Ville) ainsi que sur des entretiens avec des médiums et des fidèles dans ces deux 172 Martine WADBLED
dans la migration, le culte est le produit d'un ajustement entre « adaptation » et
« pérennité ». Adaptation, car les nouvelles conditions de vie entraînent des
modifications des pratiques les plus concrètes. Mais pérennité par la structure du culte,
avec la permanence du panthéon, le maintien du rituel qui forment une « charpente »
sur laquelle s'appuient les pratiques transformées. Nous verrons que la situation
minoritaire vécue par cette population influe sur les aspects sociaux du culte, d'abord
sur les relations entre les différents acteurs, ensuite sur la transmission aux jeunes
générations, avec notamment l'introduction d'une dimension identitaire particulière,
inexistante dans le pays d'origine.
L'UNIVERS RELIGIEUX DES VIETNAMIENS
L'univers religieux des Vietnamiens est marqué par la coexistence sans
hostilité de plusieurs religions et croyances. Le bouddhisme dit du « Grand Véhicule »
est présent dans tout le pays, le christianisme (catholicisme) rassemble une assez forte
minorité, mais la tradition religieuse la plus répandue est la croyance dans les
« esprits ». Elle s'exprime notamment dans le culte des Ancêtres, le taoïsme populaire
et les cultes aux thân ou génies3.
Les « esprits »
Pour les Vietnamiens, une croyance particulière ou l'affiliation à une pratique
religieuse n'entraîne pas le rejet des autres. La multiplicité des manifestations du divin,
du surnaturel est communément admise. Une même personne peut, par exemple, prier
la déesse Quan Am, dans le cadre bouddhique, apporter des offrandes au temple taoïste,
pour s'assurer les bienfaits de l'Empereur de Jade, faire des dévotions, à la maison, au
génie du foyer, et éventuellement invoquer la Vierge à l'église. Et quelle que soit la
religion dominante dans chaque foyer, il n'en est guère où l'on ne trouve l'autel des
Ancêtres de la famille, en accord avec les préceptes de Confucius. « Oncle Hô »4 lui-
même est parfois l'objet d'un culte dans certains temples.
La croyance aux esprits, l'une des plus anciennes et vivaces, repose sur la
conception classique d'un monde bipolaire constitué d'un monde visible, « l'ici-bas »
dans lequel vivent ordinairement les humains, et d'un monde invisible, peuplé d'êtres
surnaturels de diverses origines. Les esprits sont des forces de la nature, génies
gardiens, protecteurs (thân), qui se manifestent parfois ici-bas sous des formes
pays. Elle fait suite aux travaux menés en 1966 et 1967 par Pierre- Jean Simon et Ida Simon-
Barouh à Sainte-Livrade-sur-Lot, auprès de rapatriés d'Indochine.
3 Le mot « génie » est ici employé dans le sens « d'être surnaturel, esprit bon ou mauvais, qui
influe sur la destinée ».
4 L'expression « bac Hô », rendue en français par « Oncle Hô » est fréquemment employée pour
désigner Ho Chi Minh, leader charismatique de la lutte pour l'indépendance du Vietnam de
1945 à sa mort en 1969. Dans la vie courante « bac » traduit par « oncle » est le terme
d'adresse traditionnel à la fois respectueux et familier utilisé à l'intention d'un homme âgé.
REMI 2000 (16) 2 pp. 171-190 Un culte vietnamien en France : continuité et changement 173
variables (humaines ou animales), des héros historiques divinisés, des âmes errantes,
des démons, (ma qui)... Pour les Vietnamiens, les esprits sont détenteurs de pouvoirs
bénéfiques et / ou maléfiques et peuvent influer sur le cours des vies terrestres. Ainsi,
certains génies sont-ils invoqués pour mener à bien des entreprises difficiles, conseiller
ou encore préserver, recouvrer la santé. En contrepartie de cette protection, les hommes
doivent les honorer par des cérémonies, des rituels particuliers. Dans la logique de cette
relation entre les hommes et les esprits, le manquement aux obligations cérémonielles
peut être lourd de conséquences car les esprits non honorés se rappellent au souvenir
des humains à leur manière. Problèmes de santé, tracas familiaux, ennuis
professionnels sont ainsi souvent interprétés comme des manifestations de l'irritation
d'esprits insatisfaits. Le nombre élevé de lieux de cultes et de cérémonies témoignent
de la prise en compte des esprits à tous les moments de la vie quotidienne. À l'intérieur
de presque toutes les maisons, un autel des Ancêtres est installé en bonne place dans la
pièce principale, dans la cuisine un autel est dédié au génie du foyer et à l'extérieur,
dans la plupart des rizières ou des champs, sont élevés les autels aux génies du terrain.
Les troncs des arbres à Hanoi ou dans les campagnes sont piquetés d'encens et de
fleurs, offrandes destinées aux génies qui les habitent. Le commerçant prend soin
d'édifier un autel aux génies de la prospérité dans sa boutique et, dans certains hôtels,
le client curieux peut parfois trouver sous son matelas un couteau placé là pour
« couper » le passage au fantôme et l'empêcher ainsi de tourmenter le dormeur. On
craint partout les âmes errantes, les démons, et l'on peut voir fréquemment, accroché
au-dessus de la porte d'entrée de la maison, u

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents