Une expression nouvelle de l idée nationale russe : Dmitri Lihačev - article ; n°3 ; vol.28, pg 323-345
25 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Une expression nouvelle de l'idée nationale russe : Dmitri Lihačev - article ; n°3 ; vol.28, pg 323-345

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
25 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1987 - Volume 28 - Numéro 3 - Pages 323-345
Françoise Lesourd, A new expression of the Russian national idea : Dmitrii Likhachev.
This article situates the work of D.S. Likhachev within the tradition of philosophers such as Berdiaev, Karsavin and Losskii. The conception of a possible return to a society of the sacred, formulated by Berdiaev, inspired Likhachev's study dealing with the historical evolution of Russian culture, defined as an irresistible advance toward individualization and pluralistic systems of value. He goes on to demonstrate with, as a starting point, the distinction drawn by Karsavin between two great types of religiosity (collective and individual) that a collectivist tendency - such as the sobornost' - is not the dominating element in the formation of religious sensibility in Russia. Contesting the fear of Berdiaev with regard to atomization of modern society, Likhachev asserts that the organicheskoe tseloe (Losskii's expression) represented by every national culture, serves to preserve the connection of the individual with his vital environment and generates liberty as well as the necessary features of artistic creation. Developed on basis of anti-slavophile positions, Likhachev's defence of ancient Russian culture and re-examination of Peter's period bring new data into the debate on the Russian national idea.
Françoise Lesourd, Une expression nouvelle de l'idée nationale russe : Dmitri Lihačev.
Cet article situe l'oeuvre de D.S. Lihačev dans la tradition de philosophes tels que Berdjaev, Karsavin et Losskij. L'idée d'un retour possible à une « société du sacré », émise par Berdjaev, inspira ses études sur l'évolution historique de la culture russe, définie comme une avancée irrésistible vers l'individualisation et la pluralité des systèmes de valeurs ; et, à partir de la distinction établie par Karsavin entre deux grands types de religiosité (collective et individuelle), il démontra qu'une tendance collectiviste telle que la « sobornosť » n'a pas été dominante dans la formation de la sensibilité religieuse en Russie. S'opposant aux craintes de Berdjaev sur l'« atomisation » de la société moderne, il affirme que la « totalité organique » (selon l'expression de Losskij) constituée par toute culture nationale, préserve les liens de l'individu avec son « milieu » de vie, et fonde la liberté, mais aussi le caractère nécessaire, de la création artistique. Développés à partir de positions anti-slavophiles, sa défense de la culture russe ancienne et son réexamen de l'époque pétrovienne apportent une donnée nouvelle dans le débat sur l'idée nationale russe.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Françoise Lesourd
Une expression nouvelle de l'idée nationale russe : Dmitri
Lihačev
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 28 N°3-4. Juillet-Décembre 1987. pp. 323-345.
Citer ce document / Cite this document :
Lesourd Françoise. Une expression nouvelle de l'idée nationale russe : Dmitri Lihačev. In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 28 N°3-4. Juillet-Décembre 1987. pp. 323-345.
doi : 10.3406/cmr.1987.2116
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1987_num_28_3_2116Abstract
Françoise Lesourd, A new expression of the Russian national idea : Dmitrii Likhachev.
This article situates the work of D.S. Likhachev within the tradition of philosophers such as Berdiaev,
Karsavin and Losskii. The conception of a possible return to a "society of the sacred", formulated by
Berdiaev, inspired Likhachev's study dealing with the historical evolution of Russian culture, defined as
an "irresistible advance" toward individualization and pluralistic systems of value. He goes on to
demonstrate with, as a starting point, the distinction drawn by Karsavin between two great types of
religiosity (collective and individual) that a collectivist tendency - such as the "sobornost"' - is not the
dominating element in the formation of religious sensibility in Russia. Contesting the fear of Berdiaev
with regard to "atomization" of modern society, Likhachev asserts that the "organicheskoe tseloe"
(Losskii's expression) represented by every national culture, serves to preserve the connection of the
individual with his "vital environment" and generates liberty as well as the necessary features of artistic
creation. Developed on basis of anti-slavophile positions, Likhachev's defence of ancient Russian
culture and re-examination of Peter's period bring new data into the debate on the Russian national
idea.
Résumé
Françoise Lesourd, Une expression nouvelle de l'idée nationale russe : Dmitri Lihačev.
Cet article situe l'oeuvre de D.S. Lihačev dans la tradition de philosophes tels que Berdjaev, Karsavin et
Losskij. L'idée d'un retour possible à une « société du sacré », émise par Berdjaev, inspira ses études
sur l'évolution historique de la culture russe, définie comme une avancée irrésistible vers
l'individualisation et la pluralité des systèmes de valeurs ; et, à partir de la distinction établie par
Karsavin entre deux grands types de religiosité (collective et individuelle), il démontra qu'une tendance
collectiviste telle que la « sobornosť » n'a pas été dominante dans la formation de la sensibilité
religieuse en Russie. S'opposant aux craintes de Berdjaev sur l'« atomisation » de la société moderne, il
affirme que la « totalité organique » (selon l'expression de Losskij) constituée par toute culture
nationale, préserve les liens de l'individu avec son « milieu » de vie, et fonde la liberté, mais aussi le
caractère nécessaire, de la création artistique. Développés à partir de positions anti-slavophiles, sa
défense de la culture russe ancienne et son réexamen de l'époque pétrovienne apportent une donnée
nouvelle dans le débat sur l'idée nationale russe.FRANÇOISE LESOURD
UNE EXPRESSION NOUVELLE
DE L'IDÉE NATIONALE RUSSE
DMITRI LIHAČEV
Dmitri Lihačev est aujourd'hui bien connu pour avoir fait sortir la littérature et
l'art russes anciens du domaine réservé où ils étaient relégués il y a encore quelques
dizaines d'années. L'intérêt qu'il cherche à éveiller dans un public toujours plus
vaste pour les valeurs nationales considérées habituellement comme les plus tradi
tionnelles a parfois incité à le compter au nombre des néo-slavophiles.
Pourtant, la première originalité de son œuvre est de rejeter toute spéculation à
partir du passé national, et de rompre avec un mythe poético-historique né au
XIXe siècle : celui de la situation soi-disant intermédiaire de la Russie entre l'Orient
et l'Occident, et de ses origines en partie asiatiques.
Jusqu'à une époque récente, ceux que l'on appelait « Slavophiles » semblaient
aussi peu préoccupés que leurs adversaires « occidentalistes » par la réalité objec
tive que représente la Russie des premiers siècles. S'ils voyaient, dans la période
antérieure à Pierre le Grand, celle où le génie national russe s'était exprimé dans
toute son authenticité, et, dans qui suivit, l'abandon de son identité profonde,
imposé à la Russie au nom de la modernisation du pays, les Slavophiles se sou
ciaient peu de soumettre les origines de la culture russe à un examen systématique.
Tout comme certains de ses contemporains, tels que les académiciens Grekov et
Rybakov1, D. Lihačev a contribué à remettre en lumière les débuts de la culture
russe, et à les proclamer dignes d'attention. Mais, alors que les premiers, étant his
toriens ou archéologues, s'intéressaient plutôt à la formation de l'État russe avant
l'apparition de l'écriture, D. Lihačev a fait porter ses analyses sur la culture écrite,
donc postérieure au Xe siècle, et il a affirmé l'apport irremplaçable de l'héritage
byzantin et du christianisme.
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXVDI (3-4), juillet-décembre 1987, pp. 323-346. 324 FRANÇOISE LESOURD
Tous ces savants ont contribué à faire justice de l'hypothèse « normaniste »,
en démontrant que les Varègues n'ont joué qu'un rôle occasionnel de mercenaires
dans la principauté de Novgorod, même s'ils ont fini par y prendre le pouvoir, et
que l'État russe avait commencé à se constituer bien avant leur arrivée2. Le centre
de gravité se déplace vers les Slaves du sud, et D. Lihačev parle d'une communauté
culturelle des Slaves de l'est et du sud, orientée vers Byzance et la Bulgarie3.
Mais ce qui distingue D. Lihačev, c'est d'avoir donné l'impulsion, il y a plus
de cinquante ans, à un très vaste mouvement : celui qui consiste à réintégrer dans
le bagage littéraire commun les textes russes antérieurs au xviir siècle. Par
l'ampleur de la réhabilitation qu'il propose, ce travail tranche sur tout ce qui le pré
cède, et peut donner l'impression, en effet, de vouloir porter au pinacle les valeurs
nationales traditionnelles, d'autant plus que ses débuts furent favorisés, il faut le
reconnaître, par le renouveau du nationalisme, au moment où s'affirmait la puis
sance de Stalin.
Il est vrai que, dès le xrxe siècle, des théoriciens comme Buslaev, Šahmatov et
Veselovskij s'étaient intéressés à la littérature russe ancienne. Mais ils se consa
craient soit à la tradition orale, soit à la science des textes, la « textologie ». Les
textes anciens étaient malgré tout rejetés hors des bornes de la « littérature ».
Veselovskij affirmait que la Russie ancienne n'avait « créé aucune tradition litt
éraire »4.
Seul le xvnr siècle sortit de l'ombre dans les années 1924-1927, grâce à
Gukovskij, dont les études défendirent cette époque, auparavant considérée comme
purement transitoire, contre les accusations de fadeur et de monotonie dont elle était
presque toujours l'objet, et contre le reproche de n'être pas autre chose qu'une imita
tion malhabile de ce qui se faisait alors en Occident3.
C'est seulement vers le milieu du XXe siècle que l'on éprouva le besoin de déga
ger la spécificité littéraire des œuvres anciennes, et que, outre D. Lihačev,
I. Eremin, en particulier, se proposa de démontrer que cette littérature « possédait
un contenu artistique qui lui était propre, se fondait sur un système de principes
esthétiques qui était sa propriété exclusive... »6.
Cette volonté d'aborder les textes russes anciens comme un domaine littéraire
spécifique est le principe organisateur de Poetika drevnerusskoj literatury (Poétique
de la littérature russe ancienne), publiée pour la première fois en 19637. Dans ce
livre, D. Lihačev opère une rupture méthodologique décisive, qui évitera désormais
d'imposer à la littérature russe ancienne les mêmes exigences qu'à une littérature de
type moderne, comme le faisait encore en 1947 V.P. Adrianova-Perec dans un
ouvrage in

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents