Juliette
96 pages
Français

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Juliette , livre ebook

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Description

Lorsqu’elle reçoit un mail mystérieux et anonyme dans lequel un inconnu lui déclare sa flamme, Juliette s’embrase.

Sa meilleur amie, Adèle, voit là l’occasion de donner un coup de pouce à l’amour que Simon, élève dans un autre lycée, porte à Juliette. Elle fait croire à son amie que le mail est de lui, Simon confirme cette version. Le stratagème fonctionne à merveille. Tout va donc pour le mieux jusqu’à ce qu’un second mail propose à Juliette un rendez-vous dans la forêt. Pensant que Simon en est l’auteur, Juliette accepte et s’y rend sans le dire à Adèle, ne se méfiant pas du danger qui l’attend…


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 juillet 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782215177388
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sommaire Chapitre 1 - Le voyageur Chapitre 2 - Ockham Chapitre 3 - Tonton Marcel Chapitre 4 - Simon Chapitre 5 - Victor Hugo Chapitre 6 - La clairière des amants Chapitre 7 - Comme des graines de néant dans l’infini du crépuscule Chapitre 8 - Envisager le pire Chapitre 9 - La disparition Chapitre 10 - Battue Chapitre 11 - Joséphine Chapitre 12 - Les bottes Chapitre 13 - Punition Chapitre 14 - Une idée Chapitre 15 - Chez Max Chapitre 16 - Comme à la guerre Chapitre 17 - Ombilic Chapitre 18 - La maison de l’horreur Chapitre 19 - Paquebot Journal de Juliette Dans la même collection Page de copyright
Points de repère Page de Titre Couverture Corps de texte Page de Copyright
Chapitre 1 Le voyageur
Si Juliette tenait un journal intime, elle écrirait : « Cher journal, mes parents sont dingues. »
Mais bon, elle a la flemme de tenir un journal intime. Et puis ses parents ne sont pas complètement dingues, non, bien sûr. Extérieurement, ils ont une allure de parents ordinaires. Sa mère fait du vélo elliptique en regardant des séries (le vélo elliptique n’a rien à voir avec un vélo, c’est un instrument de torture sur lequel on pédale debout tout en actionnant des poignées mobiles, de façon qu’aucune partie du corps n’échappe à la douleur) et son père regarde des séries en buvant de la bière dans le canapé.
La dinguerie de ses parents ne se manifeste pas en continu. La plupart du temps, même, ils sont parfaitement normaux, c’est-à-dire qu’ils posent des questions, chaque soir, sur ce que Juliette a fait « de beau » au lycée (oui, ils pensent sincèrement qu’en seconde, il arrive qu’on fasse quelque chose de beau), ils veulent savoir si elle a un « petit ami », si elle compte « mettre le nez dehors » sous prétexte qu’il y a du soleil, ce genre de choses.
Non, là où ils perdent complètement la raison, c’est quand Juliette s’approche d’un écran.
Elle a réussi à leur extorquer l’autorisation de posséder un ordinateur. Et encore, ordinateur, il faut le dire vite. C’est une vieille machine d’au moins trois ans d’âge, qui a appartenu à sa grand-mère, et dont celle-ci lui a fait cadeau pour s’acheter un modèle plus performant. Sa grand-mère est une geek patentée, qui joue à des jeux de guerre en ligne avec ses copines.
Juliette, à force de supplications, a obtenu de récupérer l’appareil (elle a allégué que plus personne, de nos jours, ne peut espérer survivre au lycée sans ordinateur) et l’autorisation de se connecter à Internet, constamment ralentie par le pare-feu, le contrôle parental et autres dispositifs de sécurité installés sur l’antique bécane. À neuf heures du soir, ils coupent le wifi et on retombe au Moyen Âge, époque où les gens n’avaient que la télé pour survivre.
– Tu ne te rends pas compte, dit sa mère. Le monde est plein de prédateurs. De monstres. De pervers. Ils se font passer pour quelqu’un d’autre et paf, on vous retrouve démembrées dans un fossé.
C’est un raccourci un peu rapide mais évocateur, issu des séries qu’elle regarde. Elle raffole des histoires policières, de préférence très sanglantes, très suédoises, avec des images toutes grises et des jeunes filles démembrées, donc, piégées sur Internet. Son père, lui, craint moins le démembrement que le décervelage. Il a lu des articles scientifiques démontrant que la fréquentation assidue des écrans constitue un véritable génocide pour les neurones. Cela explique, selon lui, l’état dans lequel se trouve la planète (ce qui inclut les tsunamis, les dictateurs et les défaites à répétition de l’équipe de France de foot).
Cette folle terreur de l’informatique, chez ses parents, explique aussi que Juliette ne possède pas de smartphone et doive se contenter d’un portable bas de gamme, premier prix, dont le forfait lui permet tout juste, avant d’expirer, d’informer quotidiennement sa mère qu’elle est arrivée saine et sauve au lycée et que personne ne l’a démembrée en chemin.
Le soir, avant de se coucher, elle a le droit de lire ses e-mails (ses parents disent « courriels ») et, éventuellement, d’y répondre. Les courriels en question proviennent presque toujours d’Adèle, sa meilleure amie depuis la maternelle, et de quelques expéditeurs dûment authentifiés, sa grand-mère, le plus souvent.
Ces derniers temps, la question numérique a suscité pas mal de conflits chez Juliette, et l’on peut considérer sans exagérer que la situation familiale commence à se dégrader. Les parents, dans leur folie, semblent ne pas comprendre que leur fille, ainsi coupée du monde, ne risque pas de construire une relation amoureuse solide. Comment, en effet, trouver l’amour lorsqu’on n’est pas autorisée à tchatter trois heures sous la couette chaque soir ? Comment espérer consolider ses alliances au lycée ? Comment éviter de se retrouver exclue, bannie, exilée ? Heureusement qu’Adèle, elle-même hyper-connectée, prend le temps de lui offrir une synthèse quotidienne des principaux débats qui agitent la classe sur les réseaux. Adèle est la meilleure, la plus fidèle, la plus fiable des copines. Juliette, pour elle, donnerait sa vie et son brownie au chocolat blanc de chez Max, le salon de thé où elles se retrouvent tous les soirs après les cours, pour faire le bilan de leurs existences. La moitié de son brownie, disons.
« Salon de thé » est peut-être une désignation un peu pompeuse, pour l’établissement de Max, où les lycéens adorent débarquer en fin d’après-midi, dérangeant les poivrots qui philosophent au comptoir. Mais bon, le cappuccino et le brownie y sont excellents, ce qui prouve, une fois de plus, l’intérêt du mélange des cultures.

Toujours est-il que ce soir-là, quand elle se connecte à sa boîte e-mail, Juliette n’en attend pas grand-chose. Deux ou trois messages d’Adèle portant, vraisemblablement, sur le sourire géométrique de quelque beau gosse (Adèle adore les beaux gosses dont les sourires évoquent des pubs ­d’orthodontiste), sur le nouveau morceau d’un groupe de pop anglaise (elle tolère les pas trop beaux gosses aux dents irrégulières, à condition qu’ils jouent de la pop anglaise) ou sur un exercice de maths insoluble (selon Adèle, les maths ont été inventées par Satan pour punir les humains de leurs péchés).
Mais ce soir-là, donc, quelle n’est pas la stupéfaction de Juliette lorsqu’elle découvre, outre ceux de son amie, le message d’un expéditeur INCONNU.
La petite enveloppe bleue, frémissante de promesses, émane d’un certain Le Voyageur.
Bien sûr, il peut s’agir d’Adèle qui se serait créé une adresse et un pseudo, pour lui faire une blague. Adèle est la meilleure des copines, oui, on l’a déjà dit au moins trois fois, mais c’est aussi une peste, qui adore les blagues pas drôles.
Juliette se prépare mentalement, avant de cliquer sur ­l’e-mail mystérieux, à lire quelque chose comme : « Mais non, c’est moi, grosse débile ! » et à se prendre dans les yeux une pluie d’émoticônes ricanants. Adèle adore les émoticônes, Juliette les déteste. Ils lui font penser à de l’acné sur un visage ou à des postillons.
Elle hésite même à mettre l’e-mail à la poubelle sans le lire, déçue d’avance et déjà énervée.
Mais bien sûr, elle ne le fait pas. Comment pourrait-elle trouver le sommeil après ? Et supporter la vie ? Elle doit courir le risque de voir apparaître les émoticônes hystériques.
Et il faut qu’elle se dépêche, parce que sa mère ne va pas tarder à surgir, une brosse à dents coincée dans la bouche, pour lui demander ce qu’elle fabrique, encore avachie devant son écran, aussi tard ; bientôt 9 heures. Elle lui rappellera que pour espérer se reposer, il faut absolument dormir avant minuit . Après, comme dans Cendrillon, la fête est finie, l’espérance de vie diminue, toutes sortes de catastrophes menacent les couche-tard et les insomniaques, c’est scientifiquement prouvé.
Juliette ouvre l’e-mail.
Et lit ceci :
Salut,
Alors voilà, je me jette à l’eau !
Je te croise chaque matin devant le lycée et tu ne me vois pas.
Mais moi je te vois bien. Pire, je ne vois que toi.
J’aimerais bien qu’il se passe entre nous autre chose qu’un échange de regards. Et encore, ce n’est pas un échange de regards puisqu’il n’y a que moi qui te regarde. Bref.
Fais-moi signe, s’il te plaît.
Je t’embrasse.
Elle le relit.
Le rerelit, le rererelit…
Puis elle entend arriver à grands pas sa mère et sa brosse à dents.
Elle quitte sa boîte aux lettres, éteint l’ordinateur et, emportée par son élan, le débranche.
– C’est au cas où il y aurait de l’orage, explique-t-elle à sa mère.
Elles demeurent plusieurs longues secondes l’une en face de l’autre à se regarder, immobiles.

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