Skinwalker
114 pages
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Description

D’origine sioux lakota, Dakota Pronghorn a tourné le dos à ses racines il y a plusieurs années. Devenue shérif adjointe à Seattle, dans l’état de Washington, elle se démène au travail alors que son couple bat de l’aile. Contrainte par son chef de prendre des congés afin de réduire la cadence, elle va assister, impuissante, à la mort horrible d’une jeune autochtone canadienne.
Cette mort ne semblant pas émouvoir outre mesure les autorités locales, elle se lance corps et âme dans cette enquête. Pour la résoudre, Dakota va devoir renouer avec ses origines. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juin 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782492966217
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ce livre est dédié à Indiana S. qui a très librement inspiré le personnage de Dakota Pronghorn.
 
Prologue – Lundi 28 mars 1994
 
Jaada courait. Elle savait, en fuguant du pensionnat autochtone dans lequel elle était enfermée, qu’on se lancerait à sa poursuite. Ce qui la pourchassait ne voulait pourtant pas simplement la ramener dans sa prison éducative. L’adolescente, sans savoir au juste ce qui la traquait – un ours, un loup ? – ressentait viscéralement sa malfaisance et son envie de tuer. De la tuer. Alors Jaada courait comme elle n’avait jamais couru, au milieu de l’obscure forêt de pins Douglas, seulement éclairée par l’évanescente pâleur de la lune. Des jappements de désespoir échappaient à l’adolescente, les narines dilatées par le besoin d’aspirer plus d’air pour ses poumons asphyxiés. Elle connaissait cette forêt comme sa poche et se savait trop loin de toute habitation pour croire en ses chances de survie. Elle n’abandonnerait pas. Les muscles de ses jambes l’élançaient douloureusement, un point de côté déchirait son flanc, pourtant Jaada refusait d’accepter le funeste destin qui lui était promis.
Un bref faisceau de lumière jaune vint illuminer l’écorce des pins alentour, bientôt suivi par le ronronnement lointain d’un moteur. La route ! Jaada jeta un coup d’œil en arrière, repéra des phares qui serpentaient le long du ruban d’asphalte. Elle percuta un arbre à l’écorce rugueuse et s’affala de tout son long, érafla paumes et genoux sur le sol couvert d’aiguilles, de brindilles et de pommes de pin. Elle capta brièvement l’odeur lourde d’humus dont était gorgée la terre haïda, avant de se retourner vivement, le cœur battant à tout rompre. Son regard affolé fouilla les ténèbres à la recherche de la créature qui ne saurait manquer de profiter de sa chute. Le vent agitait les branches, de premières grosses gouttes de pluie parsemées s’abattirent çà et là, et la rumeur de l’orage qui s’annonçait roula au loin. Nulle part elle ne trouva trace de ce qui l’avait poursuivie. Le chuintement de pneus sur le macadam surpassa momentanément le bruit de fond de Mère Nature, jusqu’à ce qu’un grondement sourd, bestial, vint se superposer à celui, mécanique, du véhicule qui continuait son approche. Un éclair déchira l’obscurité, illuminant brièvement une créature de cauchemar, à moitié dissimulée derrière un arbre. Ce n’était pas un loup et encore moins un ours, c’était…
Jaada se redressa comme un ressort, mue par une terreur abjecte. Elle reprit sa course en direction de la route ; cette voiture était son seul espoir.
 
 

 
 
Première partie – La terre des Haïdas
1 – Vacances forcées – Dix jours plus tôt, vendredi 18 mars 1994
 
Dakota poussa avec soulagement la porte du bureau du shérif de King County, sur la troisième avenue de Seattle. Elle salua de la tête deux de ses collègues qui prenaient leur service. L’un d’eux leva la main, paume en avant, et la gratifia d’un « Hugh ! », qu’il croyait sans doute spirituel. Elle n’eut pas la force, ce matin-là, de lui répondre d’un majeur dressé. Cela faisait cinq ans qu’elle avait intégré l’équipe, pourtant ses origines sioux continuaient à générer ce type de réactions, que d’aucuns jugeaient puériles. Dakota les estimait racistes. Elle se dirigea vers la machine à café où elle rejoignit son amie et confidente, Connie, qui travaillait au centre d’appel et de répartition des missions. Dakota était l’une des rares personnes de l’équipe à savoir que ce diminutif dissimulait son véritable prénom, qu’elle abhorrait, Concepción.
– Toi, tu n’as pas la tête des grands jours ! constata son amie.
Dakota opina du chef en soupirant :
– On s’est encore engueulés avec Ted ce matin… Et de manière plus salée que les saucisses de mon p’tit déj.
– Oh, la, la, ma pauvre ! À propos de quoi, cette fois ?
– Il s’est de nouveau plaint d’avoir mal dormi en se levant ; j’ai commis l’erreur de lui faire remarquer que son foutu boulot ne lui laisse aucun répit, même la nuit. Il a toujours été très investi dans son travail et n’a jamais compté ses heures. Depuis qu’il a quitté les services de protection de l’enfance pour ouvrir son dépôt-vente, ça dépasse tout simplement les bornes.
– Ça fait combien de temps, déjà ? Trois ou quatre mois, non ?
– Six ! Après tout ce temps, non seulement son rythme de travail ne diminue pas, mais maintenant il se renferme et devient irritable comme pas deux ! Du coup, ce matin, je lui ai dit qu’il ferait peut-être mieux de laisser tomber le magasin et de tout revendre…
– Et alors ?
– Et alors il m’a dit que je n’étais vraiment qu’une ingrate, qu’il subissait tout ça pour moi, notre couple et nos futurs enfants !
– Je croyais que vous ne vouliez pas d’enfants, s’ébahit Connie.
– Je le croyais aussi, confirma Dakota en secouant la tête d’un air dépité. Je te dis, on ne se parle plus… Je ne suis pas prête à avoir des enfants et je ne sais même pas si je le serai un jour. Il n’y a rien de pire dans ce pays que d’être un natif, sauf d’être un métis, rejeté par les deux bords !
– Ne dis pas ça, les choses changent, tenta Connie en considérant la jeune Sioux d’un œil empathique.
– T’as raison, on a vu ça à Los Angeles en 92 [1]  ! ironisa Dakota. Ted devient plus insupportable à vivre que Davidheiser.
– Oh ! En parlant du sergent : il m’a dit qu’il voulait te voir dès que tu arrivais.
– J’espère qu’il ne va pas me parler de mes vacances !
– Désolée de doucher tes espoirs, tu vas y avoir droit, souffla Connie avec une grimace de compassion.
– Trouve-moi une mission tout de suite ! supplia la shérif-adjointe à la dispatcheuse.
–  Sorry buddy , notre petit arrangement a été éventé. Davidheiser m’a prévenue que si je t’envoyais sur le terrain avant qu’il m’ait confirmé que tes vacances sont posées, il me collait une mise à pied sans solde, direct.
Dakota traîna donc des pieds jusqu’au bureau de son patron en espérant un miracle pour faire diversion, tout en se doutant bien que, cette fois-ci, il ne faudrait rien moins que l’assassinat du président Clinton pour la sauver de cette corvée. Elle aperçut le sergent, tiré à quatre épingles dans son uniforme brun, au travers de la porte vitrée de son bureau. L’étoile dorée de sa fonction reflétait la moindre source de lumière. Les gestes vifs et précis du quinquagénaire traduisaient son dynamisme et sa compétence. Seule sa chevelure poivre et sel trahissait son âge, car il entretenait son corps avec la même détermination qu’il portait à ses enquêtes.
– Pronghorn ! tonitrua-t-il à son arrivée, en faisant mine de se pincer. Je commençais à croire que votre présence au sein de mes effectifs n’était qu’une vieille légende indienne. Je ne vais pas vous demander si vous avez posé vos congés, parce que je sais que ce n’est pas le cas. Étant donné que la prise de décision n’a pas l’air d’être votre fort dans ce domaine, je vais vous aider : vous êtes officiellement en vacances pour une durée de quinze jours à compter de demain !
– Jamais Ted ne pourra…
– Vos problèmes de couple sont vos problèmes de couple. J’en ai rien à cirer ! Mon problème à moi, c’est l’administration qui n’arrête pas de me harceler. Je suis en train de passer pour le pire des esclavagistes parce que vous n’êtes pas foutue de lâcher votre boulot ! Alors, quitte à passer pour un salaud, autant le faire auprès de celle qui me vaut cette réputation totalement injustifiée. À partir de ce soir, je ne veux plus vous voir traîner par ici. Si je vous retrouve à moins de trois cents mètres de ce poste, je vous colle au trou. Ouste !
Dakota sortit du bureau de son patron le moral en berne. Elle l’appréciait beaucoup et il le lui rendait bien quand elle ne le poussait pas à bout. Sa décision allait pourtant, à n’en pas douter, créer de nouvelles crispations dans son couple.
– Alors, verdict ? l’interpella Connie par l’entrebâillement de la porte du local radio, en masquant de la main le micro de son casque téléphonique.
– J’ai pris quinze jours ferme, à partir de demain.
– Ne fais pas cette tête ! C’est chouette, les vacances !
– En cette saison ? Sans Ted ?
– Vois le bon côté des choses, un petit break vous fera peut-être du bien à tous les deux.
– Peut-être, lui accorda Dakota, mais je n’en ai pas envie. Et puis je n’ai aucune idée de l’endroit où je pourrais bien perdre mon temps.
– Tu ne voulais pas rendre visite à ton grand-père, dans le Dakota ?
– Mon père vient de sortir de prison. Il n’y a aucune chance pour que je réussisse à l’éviter dans la réserve de Standing Rock et je ne suis pas prête à le rencontrer pour le moment, après ce qu’il m’a fait.
– Ma pauvre ! compatit Connie. Je te laisse, j’ai plusieurs appels en attente. Je suis sûre que tu vas trouver une idée.
Dakota en était beaucoup moins sûre que son amie. Elle rumina le sujet toute la journée, sans réussir à se décider. Il y avait bien ce voyage dont ils avaient parlé avec Ted, qui consistait à remonter la côte ouest-canadienne pour découvrir les totems des Premières Nations de ce pays voisin. La perspective de l’entreprendre seule en cette saison ne l’enthousiasmait pas. Elle passa au Dick’s drive-in restaurant sur Broadway East à la fin de son service pour y acheter des hamburgers, avant de regagner son domicile de Montlake, maudissant Davidheiser pour la six cent soixante-sixième fois de la journée. Elle n’avait vraiment pas le cœur à cuisiner, tout en sachant pertinemment que seule la nourriture pourrait lui être d’un quelconque réconfort ce soir. En attendant l’arrivée de Teddy, elle cala son mal-être avec un seau de popcorn goût bacon et une cannette de soda Dr Pepper. Ce bon vieux doc avait toujours le chic pour lui remonter le moral. Elle alluma le téléviseur et zappa sur plusieurs chaînes avant de tomber sur un épisode de Walker, Texas Ranger , sur CBS. À défaut de dissiper son vague à l’âme, Chuck lui souffla que de taper sur quelque chose – ou quelqu’un – pouvait être satisfaisant. Les violences policières dans

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