Le philosophe et ses avatars dans les cités
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Le philosophe et ses avatars dans les cités , livre ebook

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Description

Ce livre revient sur le malaise du philosophe dans les cités de l'homme le long des siècles de la tradition occidentale. Dans un premier temps, l'auteur retrace l'expérience platonicienne de la philosophie chez Al-Fârâbî (872-950) et Averroès (1126-1198), au moment de l'apogée de la culture arabo-musulmane, et chez Rousseau, au siècle des Lumières. Politique, loi, éducation constituent autant d'expériences d'un malaise philosophique devant l'ordre de la cité. Ensuite, il reprend la figure du Don Quichotte de Miguel de Cervantès (1547-1616) : une figure étrange, avatar de la noblesse d'une âme philosophique à l'aube d'une modernité désenchantrice. C'est aussi l'expérience du jeune héros balzacien des Illusions perdues, Lucien Chardon. Balzac récite la corruption et l'échec d'une nature philosophe, perdue dans le nouvel ordre métropolitain, incompatible avec l'ordre de l'âme. Enfin, l'auteur analyse un jeu de volontés qui s'inscrit au programme de la réalisation philosophique des modernes dans le monde : la volonté de changer le passé, la volonté de chance, la volonté de liberté sans entraves.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304047394
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le philosophe et ses avatars dans les cités


Panagiotis Christias

2019
ISBN:9782304047394
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Dans la même collection
 
Le sentiment esthétique, essai transdisciplinaire, Joëlle Deniot, 2017.
Temps et devenir, Hervé Levilain et Antigone Mouchtouris, 2017.
Remords et honte, Emmanuel Jovelin et Antigone Mouchtouris, 2016.
La nostalgie comme sentiment, Piero Galloro et Antigone Mouchtouris, 2016.
Temporalité et jugement social, Antigone Mouchtouris, 2014.
Éros et liberté. Trois essais de sociologie et d’histoire, Joëlle Deniot, Antigone Mouchtouris et Jacky Réault, 2014.
Actualité de la pensée grecque, Antigone Mouchtouris et Panagiotis Christias, 2014.
Passions sociales, Bernard Valade, Antigone Mouchtouris et Éric Letonturier, 2013.
Actualité muséale. La temporalité d’un espace culturel, Antigone Mouchtouris, 2013.
La réception des œuvres : la temporalité de l’expérience esthétique, Antigone Mouchtouris, 2013.
 
Du même auteur
 
Philosophie poétique de Ritsos et Cavafy. Un regard sur la Grèce contemporaine. Les chemins d’Ulysse III , Éditions du Cygne, coll. « Pensée », Paris, 2018.
Platon et Paul au bord de l’abîme. Pour une politique katéchontique , Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, coll. « Tradition de la pensée classique », 2014.
Littérature et société entre Anciens et Modernes. Les chemins d’Ulysse , Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques Sociales », série « Littérature et Société », 2007.
Poi a noi morti voi morti direte nuove tavole della legge. Nell’antico linguaggio altri segni, profili di pugnali. Salvatore Quasimodo, Ancora dell’inferno
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour Gian Carlo Pizzi, poète et philosophe
Préface
 

 
πολλῶν δ᾽ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω, dit Homère d’Ulysse ( Odyssée I, 3). Plusieurs commentateurs de la République de Platon ont rapproché la descente d’Ulysse dans l’Hadès dans la cinquième rapsodie de la descente de Socrate dans le Pirée au début du dialogue [1] , faisant de Socrate, et du même coup du philosophe , un avatar d’Ulysse. L’homme qui visita nombreuses villes et connut les mentalités d’un tas de peuples tira sa grande expérience et intelligence de sa friction avec les cités humaines. Il est connu qu’Ulysse ne pouvait vivre que dans son Ithaque. Toutes les autres cités lui étaient insupportables : violentes ou plaisantes, aucune ne lui correspondait. La richesse qu’il cherchait se trouvait dans sa terre natale, que d’autres auraient trouvé pauvre et insignifiante. Comme Ulysse, le philosophe cherche sa terre natale vivant dans l’exil du monde. Quelle est en fait l’expérience fondamentale du philosophe dans les cités humaines ? La caractéristique essentielle qui se dégage à partir d’un nombre important de traités philosophiques de l’antiquité est l’ étrangeté de la figure du philosophe [2] , ainsi qu’une certaine incompatibilité entre l’ordre de la cité et l’ordre de la connaissance.
Ce livre revient sur ce malaise du philosophe dans la cité le long des siècles de la tradition occidentale. Sa première partie insiste sur l’expérience platonicienne de la philosophie. Al-Fârâbî (872–950) et Averroès (1126–1198), au moment de l’apogée de la culture arabo-musulmane, ou Rousseau, au siècle des Lumières, reprennent dans leurs discours les paradoxes platoniciens. Étant incapable de vivre dans la cité injuste, le philosophe est obligé de créer sa propre cité en paroles pour s’y réfugier, écrit Al-Fârâbi. Averroès, malgré l’apparente harmonie entre la loi révélée et l’enquête philosophique, montre bien l’incompatibilité de tout dogme politico-religieux établi avec la philosophie. Ce qui rend le philosophe non seulement « étrange » ou « étranger », mais surtout dangereux pour tous les régimes fondés sur pareils dogmes. Rousseau, enfin, a beau inaugurer et orienter l’éducation démocratique du genre humain, il ne revient pas pour autant sur la nécessité d’une éducation platonicienne aristocratique pour les dirigeants de la cité libre. Politique, loi, éducation constituent alors autant d’expériences d’un malaise philosophique dans les cités.
L’interlude de ce livre reprend la figure du Don Quichotte de Miguel de Cervantès (1547–1616) : une figure étrange, avatar de la noblesse d’une âme philosophique à l’époque charnière de l’aube de la modernité. Le monde ancien, antique et chrétien, s’écroule. Les codes chevaleresques et les manières de vivre de l’ancienne ère deviennent incohérents, incompréhensibles dans la nouvelle époque. Le pragmatisme d’un Sancho Panza finit par l’emporter contre l’idéalisme de l’hidalgo. Le désenchantement de Quichotte reflète celui de l’ère moderne. C’est aussi l’expérience du jeune héros balzacien des Illusions perdues , Lucien Chardon. À la fin de l’Ancien régime, la vie parisienne invente de nouvelles manières d’être, de nouveaux rites métropolitains. Balzac devient le premier grand observateur critique des profonds bouleversements qui secouent la vie commune. Éros, argent et connaissance s’entremêlent dans un nouveau jeu temporel où le transitoire, le fugitif, le contingent , bref, la modernité baudelairienne, interrompt la vision des idées éternelles. Dans la deuxième partie, donc, je reprends la vision critique du monde balzacien : Éros n’est plus le lieu platonicien de l’éternité, mais celui de l’intensité de l’expérience vécue ; la poésie n’a plus de valeur intemporelle, mais se mesure à l’aune des habitudes de vie des jeunes poètes ; la connaissance n’est plus une et indivisible, mais multiple, suivant les cercles sociaux qui la mobilisent à leur gré. Le roman de Balzac est en ce sens le récit de la corruption et de l’échec d’une nature philosophe , perdue dans le nouvel ordre métropolitain, incompatible avec l’ordre de l’âme.
Enfin, dans la dernière partie, j’analyse trois types de volontés : la volonté de changer le passé, la volonté de chance, la volonté de liberté sans entraves. Ces trois volontés trahissent la démesure de l’homme moderne. Du jeu de la réinterprétation et de la réalisation de soi, il ressort une attitude de fuite devant l’irréalisable, une négation de l’impossible, un aveuglement devant le nécessaire. Ce jeu de volontés est depuis l’aube de la modernité notre jeu philosophique, ce face à quoi nous philosophons.
 


Footnotes ^ Je me permets de renvoyer à mon étude,  Paul et Platon au bord de l’abîme. Pour une politique katéchontique , Paris, Vrin, 2014, p. 185–187, où je traite de ce sujet. ^ Idem , p. 227–229.
Première partie :
Le philosophe dans la cité
Fârâbî ou le paradoxe de l’homme juste
 

 
Pour nous comprendre, il faut nous projeter
 
Quand Fârâbî [1]  questionne la raison d’être de la cité idéale de Platon, il ne voit qu’une seule réponse : sauver la vertu du philosophe, de l’homme vertueux, condamné à vivre dans la cité corrompue. Se trouvant dans cette situation, il est devant l’impossible choix de vivre dans la corruption ou de mourir fidèle à un mode de vie vertueux. La mort semble être sa seule alternative à la corruption. La philosophie, envisagée de ce point de vue, n’est peut-être pas autre chose qu’une tentative d’échapper à ce terrible choix. Si Platon construit alors une cité en paroles , sa République , c’est pour créer un nouvel ordre de choses, capable de le sortir de l’impasse, un ordre qui tout en étant dans la cité corrompue, ne serait pas celui de la cité corrompue, mais celui de la cité idéale, donc vertueuse. En paroles , car le nouvel ordre de choses est la parole ( logos ). Le philosophe, l’homme vertueux, se réfugie dans la parole , mais pas dans n’importe laquelle. Il se réfugie dans une parole qui n’est pas , un non-être : son discours n’est pas une parole accusative , qui se réduirait à l’imitation des choses de la cité corrompue, mais nominative , qui crée ce qui n’est pas à partir de ce qui est . C’est donc, selon la définition de Platon lui-même, l’inverse d’un acte poétique, c’est le cheminement de ce qui est vers ce qui n’est pas , vers ce qui n’est déjà plus ou vers ce qui n’est pas encore – autrement qu’ en paroles .
En effet, Platon définit la poésie comme un cheminement du non-être à

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