Kérapian le justicier
116 pages
Français

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Description

Rocheplate, petite bourgade de quatre mille âmes, voit son calme usuel perturbé. À potron-minet, le magasin d’horlogerie locale est retrouvé fracturé et, fait étrange, juste un vieux réveille-matin appartenant à M. Louvier est porté manquant.


Cet événement, à lui seul, n’aurait pas justifié le déplacement des gendarmes, du Parquet et du célèbre Commissaire ROSIC, mais la découverte, le même jour, d’un corps sans vie étranglé dans sa chambre, change la donne, surtout que le mort n’est autre que M. Louvier...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 8
EAN13 9782373472882
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Commissaire Rosic
KÉRAPIAN LE JUSTICIER
Roman policier
par Rodolphe BRINGER
D'après la version publiée sous le titre « Kérapian le justicier » dans la collection « La tache de sang » aux éditions « Baud inière » en 1935.
I
QUI COMMENCE COMME UN VAUDEVILLE ET FINIT COMME UNE TRAGÉDIE
Ce matin-làn, quand il voulut ouvrir son magasin, Joseph Paturi s'aperçut que des cambrioleurs s'étaient introduits chez lui pendant la nuit.
Joseph Paturin était horloger-bijoutier-joaillier à Rocheplate. C'était un garçon d'une quarantaine d'années, ayant hérité de ses parents une assez jolie fortune, et qui se la coulait le plus doucement du monde, passant la moitié de ses journées chez Lavalle dont le café s'ouvrait de l'autre côté du Tour de Ville, travaillant le moins possible, réparant les montres et pendules qu'on lui confiait quand il n'avait pas mieux à faire, et tout heureux quand il avait vendu une bague de fiançailles ou un bracelet-montre, car, en somme, il n'avait pas besoin de cela pour vivre, d'autant que, s'étant marié, la dot de sa femme était venue s'ajouter à ses rentes personnelles, ce qui fait qu 'il pouvait être sans inquiétude pour les lendemains.
Mais, au demeurant, le meilleur garçon du monde, jo ueur de billard émérite, et pour qui la belote n'avait plus aucun secret. D' ailleurs, toujours prêt à rendre service à chacun, et, en somme, ne comptant que des amis...
Son magasin s'élevait sur le Tour de Ville, entre d eux petites ruelles ; c'était une construction carrée, au toit en terrasse, haute d'un seul rez-de-chaussée, et peinte d'un vert sombre, sur lequel, en énormes let tres d'or, s'inscrivaient ces mots :
Joseph PATURIN
Horloger
et, en dessous, également en lettres d'or, mais plu s petites :
Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie.
On y pénétrait par une porte vitrée et, à droite se trouvait une belle vitrine où les bijoux, les pendules et les montres tentaient l a convoitise des jeunes ouvrières à la sortie des ateliers, et faisaient en même temps l'admiration des dames de la bourgeoisie, qui s'arrêtaient avec plai sir devant cette devanture, d'ailleurs souvent renouvelée. Porte et vitrine, le soir, étaient fermées à l'aide d'un rideau de fer.
Ce magasin était d'ailleurs assez coquet, car Patur in avait fait son apprentissage à la ville et en avait conservé quelq ues marques de bon goût. Il se composait d'une unique pièce, dallée de mosaïque s, tendue d'étoffes sombres, et meublée de quelques tables et de quelqu es fauteuils. Deux ou trois consoles soutenaient de belles pièces d'horlogerie ou d'orfèvrerie, et, à droite,
un gros coffre-fort devait contenir et protéger les diamants et les pierres précieuses dont, d'ailleurs, il faut le dire, Patur in n'avait guère la vente. Au fond, et séparé de ce magasin par une cloison vitrée, mai s garnie de rideaux, l'atelier proprement dit de Paturin, où, d'ailleurs, il se te nait le moins souvent possible. Cet atelier s'éclairait par une large baie, aux ver res dépolis, qui donnait sur un petit jardin, et au fond duquel s'édifiait la villa où Paturin demeurait avec sa femme.
Paturin, qui se couchait assez tard, retenu chez La valle par des parties de belote ou de billard jusqu'à des minuits passés, ne se levait jamais trop de bonne heure, et ce n'était guère que vers les neuf heures et demie qu'il ouvrait son magasin. Pour cela, il n'avait qu'à traverser s on petit jardinet, ouvrir la petite porte basse qui donnait dans son atelier, traverser son magasin et, à l'aide d'une manivelle qui se trouvait à l'intérieur, relever le rideau de fer qui fermait la porte du magasin.
C'est ce qu'il faisait tous les matins...
Or, ce jour-là, ayant traversé son magasin, comme i l s'apprêtait machinalement à relever son rideau, quelle ne fut p as sa stupéfaction en constatant que, le plus proprement du monde, on ava it scié la tôle de cette banne ondulée et mobile, à gauche, à l'endroit de l a serrure, et au bas, là où le rideau était fixé à un crochet fiché dans le seuil.
Il n'y avait pas de doute possible, pendant la nuit , des cambrioleurs s'étaient introduits chez lui.
Paturin éprouva là, évidemment, la première et la p lus forte émotion de toute une vie jusque-là calme, paisible et exempte de sou cis.
Tout d'abord, la constatation que des voleurs avaie nt pu pénétrer chez lui, lui coupa bras et jambes.
Puis, dans un mouvement de frayeur irréfléchi, tout comme si les bandits se fussent encore trouvés chez lui, d'un mouvement bru sque, il releva le rideau de fer et, se précipitant dans la rue, se mit à crier :
— Au voleur !... Au voleur !...
Il pouvait être neuf heures et demie et, à cette he ure, le Tour de Ville est assez désert. Mais, aux cris poussés par Paturin, l es commerçants voisins sortirent sur leur porte, et ce fut d'abord Lavalle , en pantoufles, son éternelle pipe au bec, plus Bédarrides, qui lui apportait sa provende habituelle de bière et de limonade. Péquet, l'épicier, lâcha le sac de caf é qu'il rentrait chez lui et que venait de lui livrer Coudéland, le camionneur, lequ el, arrêtant sa vieille jument, descendit de son camion et se joignit au marchand d e grains Béroule, et à Cumignas, l'imprimeur, flânant sur sa porte à l'acc outumée. Une seconde après, tous ces braves gens entouraient Paturin, pâle et tremblant, et le groupe s'accrut
rapidement de tous les gens qui passaient, ce qui f ait qu'en un clin d'œil il y eut là un rassemblement d'une cinquantaine de personnes .
— Eh bien, Jo, que se passe-t-il ? demanda, le prem ier, Lavalle.
— On... on vient... de... de me cambrioler !
— Ah bah !
— On a coupé, à la scie, ma banne, et ma porte étai t ouverte, quand je l'ai voulu ouvrir...
— Pas possible !
— Regardez plutôt.
Tout le monde s'approcha...
En effet, le rideau de fer était scié en deux endro its, et Coudéland, se penchant, ramassa même sur le sol les deux pièces d e fer qui avaient été découpées le plus proprement du monde.
Ce fut une stupéfaction générale.
— Je n'ai rien entendu, cette nuit, fit Lavalle, mo i qui pourtant ai le sommeil si léger !
— Mon chien, ajouta Cimiasse, n'a pas aboyé, et nou s sommes autant dire porte à porte, il n'y a que l'impasse qui nous sépa re !
— Il faut prévenir les gendarmes !
— Courez chez le Maire !
— Ah ! Avec tous ces étrangers qui traversent le pa ys !
— Tout de même, fit Péquet, l'épicier, vers les une heure du matin, il m'a bien semblé entendre une auto qui s'arrêtait.
Mais Bédarrides, haussant les épaules :
— C'était la mienne, à cette heure-là. Je revenais de Saint-Cristol ! Et je n'ai rien remarqué de particulier...
Tout le monde parlait, donnait son avis. Cependant, un jeune garçon avait sauté sur sa bicyclette pour aller quérir les genda rmes, tandis qu'un autre courait chez le Maire, qui habitait non loin de là.
Et c'est à ce moment que Lavalle demanda :
— Au fait... que t'a-t-on volé, Jo ?
— Dame... Ils ont dû tout emporter, les bandits. Je suis sûr qu'ils ont forcé mon coffre-fort. D'ailleurs, je n'ai encore rien ex aminé, tant j'ai été troublé de voir mon rideau de fer...
Et, sans ajouter un mot de plus, il rentra dans son magasin, suivi de ses intimes.
C'est-à-dire de toute la foule, car, comme je vous l'ai confié, Paturin ne comptait que des amis.
Son premier coup d'œil fut pour son coffre-fort.
Il était à sa place, certes, contre le mur de droite, solide et sombre, et brillant de tout son vernis.
Paturin s'en approcha, le cœur battant.
Mais il était fermé et bien fermé, la serrure en bo n état. Aucune trace d'outil sur ses plaques blindées.
— Ouf ! Ils n'ont pas touché au coffre ! soupira-t- il, un peu rassuré, et tout aussitôt il s'en vint aux crédences où, parmi des p endules à sujet reposaient des écrins d'orfèvrerie, couverts, services à découper, nécessaires à broder... Mais là encore tout était en place, les écrins aux mêmes endroits où ils se trouvaient la veille, et chacun contenant les pièces auxquelle s on n'avait pas touché non plus.
— Par exemple ! Alors, qu'est-ce qu'ils ont pris ?
Mais il pensa aux deux tables Louis XV, et se rappe la soudain que, la veille, dans sa hâte, il avait oublié d'enfermer dans le co ffre un plateau contenant quelques montres-bracelets. Et, s'étant retourné, il considéra les tables.
Stupéfaction... Le plateau garni de son velours rou ge, sur lequel reposaient les montres, dont quelques-unes de prix, était touj ours là, tentant la cupidité du premier venu, mais, paraît-il, n'ayant pas tenté ce lle des cambrioleurs.
Alors quoi ?
Paturin restait là, béant, ne comprenant plus. Pour tant il n'y avait pas d'erreur possible. On avait pénétré chez lui, cette nuit. Ce n'était pas pour rien que la devanture de fer avait été si soigneusement découpée, et que dans la porte de chêne, la pesée de quelque pince-monseigne ur avait fait sauter la serrure et la targette de sûreté.
Machinalement il se dirigea vers son atelier.
Il était séparé, comme nous l'avons dit, par une cl oison vitrée, du magasin proprement dit ; c'était une pièce en longueur, don t la grande baie donnait sur le petit jardinet, et à côté était percée la petite po rte basse qu'empruntait Paturin pour se rendre dans sa maison d'habitation, située à l'autre bout du jardin. À la vérité, cet atelier, l'horloger s'y tenait le moins souvent possible, car il travaillait rarement, et il fallait que le client fût venu souv ent le relancer pour qu'il se décidât à rhabiller la montre qu'on lui avait confi ée, parfois depuis des cinq ou six mois.
Comme tous ces petits ateliers d'horloger, il se co mposait d'un banc long, contre la baie, avec tous ces outils minuscules, et sous des verres aux pieds cassés, les montres ou petits mouvements en réparation.
Et, tout à coup, Paturin poussa une sourde exclamation.
— Celle-là...
Les amis accoururent :
— Eh bien ?
Paturin, debout devant son établi, offrait la figur e la plus ébahie, la plus stupéfaite qui soit.
— Tu as découvert quelque chose ? demanda Lavalle.
Et l'horloger :
— Celle-là !... Savez-vous ce qu'ils ont volé, les cambrioleurs ?... Un réveille-matin ! Et quel réveille-matin ! Un réveil le-matin réclame, qui ne valait peut-être pas dix-huit francs, et qui encore était détraqué. Ah ! Celle-là !...
— Tu es sûr ?
— Dame ! Il était là, au milieu de mon établi. Je l 'avais placé hier au soir, je m'en souviens bien, par exemple ! C'est Louvier, qu i hier même, vers les quatre heures, me l'avait apporté pour que je le lui répar e. Même que je lui avais dit que le prix de la réparation dépasserait celui du r éveil. Mais il m'avait répondu que cela n'y faisait rien, vu que ce réveil ne lui avait rien coûté. Et que, alors, il pouvait bien dépenser une pièce de vingt francs, si j'arrivais à le faire marcher.
Et, se croisant les bras :
— Tout de même, vous avouerez que c'est extravagant que, dans un magasin, où, en somme, ils pouvaient trouver des ob jets de prix, ils n'aient volé que ce mauvais réveil de quatre sous !
Alors, dans l'assistance, ce fut un éclat de rire g énéral.
Oui, elle était bonne, et Lavalle résuma l'opinion générale en exprimant :
— Sacré Jo, va ! Tu nous feras toujours rire. Même quand on te cambriole.
— Seulement, dit Cimiasse, l'imprimeur, je ne vous conseille pas de raconter cette affaire.
— Pourquoi ? demanda Paturin.
— Tiens... fit Cimiasse, si on sait dans le pays qu e des cambrioleurs se sont introduits nuitamment chez vous, en sciant votre ri deau de fer et en fracturant votre porte, et qu'ils n'ont pu voler qu'un réveill e-matin de quatre sous, que pensera-t-on, sinon que ce réveille-matin était le seul objet de valeur de votre boutique !...
— Il est un fait, approuva Péquet, l'épicier, qui s e tordait de rire.
Et Lavalle reprit :
— Pour moi, c'est un coup de Cabane, ton concurrent de la placette, qui a voulu démontrer ainsi que, chez toi, il n'y avait q ue de la camelote et que les cambrioleurs n'y trouvaient pas à gagner leur vie.
— Sans compter, ajouta l'imprimeur, que sûrement il s en ont été de leur poche. C'est du travail, pas cher l'heure, qu'ils o nt fait là, et pour moi je ne voudrais pas travailler à ce prix !
L'hilarité était générale ; seul Paturin ne riait p as. Ils avaient raison, en somme, les copains, et cette vilaine histoire pouva it lui causer le plus grand tort... Lui qui passait son temps à décrire les mer veilles et les richesses que recelaient ses vitrines et son coffre-fort ! Et des cambrioleurs, introduits chez lui, ne trouvaient à emporter qu'un méchant réveille-matin !...
Il était perdu de réputation.
Oui... Le mieux était d'étouffer cette sotte histoire.
— Allons, fit-il, j'en serai pour les frais de répa ration de mon rideau de fer et de ma porte.
 — Ne te plains pas, ricana Lavalle, que tes cambri oleurs sont plus volés que toi.
Et ce fut à ce moment que deux gendarmes pénétrèren t dans le magasin et que l'un d'eux prononça :
— Ben quoi ? On vous a donc cambriolé, monsieur Paturin ?...
Et le pauvre horloger fit une grimace.
Quel était l'imbécile qui était allé prévenir la ma réchaussée.
Cependant, le gendarme, ou, pour mieux dire, le bri gadier, examinant la porte, et, devant les dégâts :
— Fichtre ! Ce sont d'adroits coquins ! J'espère qu e l'on n'a pas trop touché au rideau et à la porte... À cause des empreintes d igitales.
Puis s'adressant à Paturin :
— Et le vol est considérable ?
Lavalle, qui n'aurait pas donné sa place pour un fû t de bière, pouffa :
— Je vous crois, chef... N'ont-ils pas emporté un r éveil qui valait bien douze francs, à ce que prétend Paturin !
Mais le gendarme fronça le sourcil. Il connaissait Lavalle et le savait galéjaire. Aussi :
— Ce n'est pas le moment de blaguer, Lavalle. Il y a temps pour tout. Nous sommes ici dans l'exercice de nos fonctions.
— Mais je ne blague pas, chef... Demandez plutôt à Paturin.
— Est-ce vrai ?
— Mon Dieu, oui. Tout est en état. Les bandits n'on t emporté que ce réveil.
— De prix ?
— Un article réclame.
— Qui valait ?...
— Douze francs, neuf. Mais il était vieux. C'est M. Louvier qui me l'avait apporté, hier, vers quatre heures. Même que je lui ai fait observer que cela ne valait pas le coup de le réparer. Mais qu'il m'a di t que si, pour une vingtaine de francs je le pouvais faire marcher...
— Alors ? interrompit le gendarme.
Paturin prit une mine piteuse :
— Alors ! Ma foi, ce n'est pas la peine de déranger la justice pour si peu de choses. Je ne porte aucune plainte, et même vous m' obligeriez, brigadier, en laissant tomber cette affaire. Je ferai réparer ma porte, et en serai quitte pour offrir un réveil neuf à M. Louvier...
Et ce fut à ce moment précis qu'un homme se précipi ta dans l'horlogerie, criant :
— Les gendarmes ? Ils sont là !
— Que voulez-vous ? fit le chef en se tournant vers ce nouvel arrivant.
— Chef, fit cet homme, on vient de trouver le pauvr e M. Louvier, mort, assassiné, et tout sanglant dans sa chambre !
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