Michelle TANON-LORA Roman CIV 3268 Sommaire 1. Làoù tout a commencé 2./·pFROH PDWHUQHOOH 3.8QH QRXYHOOH LGHQWLWp SRXU XQH SHWLWH ÀOOH 4./D QDLVVDQFH GX SUHPLHU HQIDQW GH 3DSD $OEDQ 5.1RVWDOJLH SDWHUQHOOH 6.$QWRLQHWWH HW 0DPDQ 6RSKLH 7./HV YDFDQFHV ORQJXHV GXUpHV FKH] OH IUqUH GH 0DPDQ 8./·HQWUpH DX FROOqJH 9./·LQWHUQDW 10.*ZODG\V PRQ DOWHU HJR 11./HV PDOKHXUV GH 0DPDQ 12./H PDULDJH GH 0DPDQ HW GH 3DSD $OEDQ 13./HV PDOKHXUV GH 0DPDQ 14.(Q URXWH YHUV OH EDFFDODXUpDW 15./HV DQQpHV IDF 16./HV pWXGHV j O·pWUDQJHU 17.0RQ PDULDJH HW OD QDLVVDQFH GH PHV ÀOOHV 18./·DFFLGHQW 19./D VpSDUDWLRQ 20.0D UHQFRQWUH DYHF PRQ SqUH 21.0DPDQ FHWWH pWUDQJqUH j PD YLH 22./·DGLHX DX SUpODW 23./D PRUW GH PRQ SqUH 24./·HQWHUUHPHQW (SLORJXH Prologue Dans les années 70, les traces de l’occident ont longtemps marqué les habitudes des grands comme des petits. Dans les grandes villes, une classe moyenne a vu le jour. De l’alimentation aux vêtements, l’occidentalisation n’avait épargné aucun domaine de la vie des africains en zone urbaine. Ainsi, il n’était pas rare de voir des enfants fabriquer eux-mêmes leurs jouets en imitant ceux des enfants occidentaux. Les garçons bricolaient des voitures en bambou ou en il de fer pendant que les illettes, avec application et patience, transformaient des toufes d’herbes en poupées. Plus que la poupée ellemême, c’est l’époque à laquelle elle renvoie que l’auteure fait allusion en donnant à ce roman le titre « La poupée de gazon ».
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Michelle TANONLORA
Roman
CIV 3268
Sommaire
1. Là où tout a commencé 2.L’école maternelle 3.Une nouvelle identité pour une petite îlle 4.La naissance du premier enfant de Papa Alban 5.Nostalgie paternelle 6.Antoinette et Maman Sophie 7.Les vacances longues durées chez le frère de Maman 8.L’entrée au collège 9.L’internat 10.Gwladys, mon alter ego 11.Les malheurs de Maman (1) 12.Le mariage de Maman et de Papa Alban 13.Les malheurs de Maman (2) 14.En route vers le baccalauréat 15.Les années fac 16.Les études à l’étranger 17.Mon mariage et la naissance de mes îlles 18.L’accident 19.La séparation 20.Ma rencontre avec mon père 21.Maman, cette étrangère... à ma vie 22.L’adieu au prélat 23.La mort de mon père 24.L’enterrement Epilogue
Prologue
Dans es années 70, es traces de ’occîdent ont ongtemps marqué es habîtudes des grands comme des petîts. Dans es grandes vîes, une casse moyenne a vu e jour. De ’aîmentatîon aux vêtements, ’occîdentaîsatîon n’avaît épargné aucun domaîne de a vîe des arîcaîns en zone urbaîne. Aînsî, î n’étaît pas rare de voîr des enants abrîquer eux-mêmes eurs jouets en îmîtant ceux des enants occîdentaux. es garçons brîcoaîent des voîtures en bambou ou en I de er pendant que es Iettes, avec appîcatîon et patîence, transormaîent des toufes d’herbes en poupées. Pus que a poupée ee-même, c’est ’époque à aquee ee renvoîe que ’auteure aît ausîon en donnant à ce roman e tître « a poupée de gazon ».
’enance de Vîctoîre, a protagonîste, est revîsîtée à travers un récît quî ponge e ecteur dans ses méandres psycho-émotîonnees. Née d’une hîstoîre d’amour peu commune, a Iette grandît sans ’afectîon de son génîteur. Cependant, ee nourrît un amour secret pour son beau-père quî ne voît en ee que a trace de ceuî quî ’a précédé dans e cœur et dans a vîe de a mère de Vîctoîre.
e jouet de ortune qu’est a poupée de gazon n’a de vaeur qu’aux yeux de ’enant à quî î appartîent, es autres ne voîent que ’objet et non es émotîons qu’î crée, te e côté vîsîbe de ’îsberg.
a ecture du récît est une îmmersîon dans e vécu émotîonne de Vîctoîre quî entranera à coup sûr, e ecteur en dessous de ’îsberg, pour uî aîre découvrîr a réaîté derrîère e masque.
1. LÀOÙTOUT A COMMENCÉ.
Mon souvenîr e pus oîntaîn date de mes deux ans, ou peut-être un peu pus. Je ne sauraîs e dîre. C’est ceuî de notre arrîvée dans a maîson quî m’a vue grandîr. Je n’aî aucun souvenîr de à d’où nous venîons nî de ’âge que j’avaîs exactement. Maîs, en recoupant es dîres de ma mère avec es abums-photos, a scène a pus ancîenne quî m’est restée en mémoîre est cee du premîer déménagement amîîa. Je revoîs a ourgonnette peîne à craquer avec des meubes dépassant çà et à… Surtout, je me souvîens avec orce détaîs de cette tabe aquée avec e bout des pîeds eiés ceînts d’anneaux en bronze ou en cuîvre. a tabe n’étaît pas très grande maîs ee étaît partîcuîèrement bee. Je me souvîens des persîennes vertîcaes quî aîssaîent entrer a umîère du cîe dans notre chambre e jour, et cee des ampadaîres a nuît. Nous habîtîons e rez-de-chaussée, à a porte 294. ï y avaît devant notre maîson un regard que des camîons cîternes venaîent réguîèrement vîder, avec e bruît d’aspîratîon, et, surtout, es odeurs pestîentîees quî nous aîsaîent pîncer nos petîts nez d’enants curîeux, quî ne songeaîent pas un seu înstant que s’éoîgner étaît a meîeure soutîon pour ne pus soufrîr des eLuves venues tout droît des égouts, après avoîr séjourné dans nos petîtes bedaînes. Je me souvîens de îîane, Mîra, Poupette, Joîe, Carîsse, Bînandjo a Sénégaaîse, Rîchard, René, Cocotte, Soraya, Kader, Assarî, Achora, Bady et Fodé es jumeaux peuhs (morts tragîquement par noyade au cours d’une sortîe domînîcae à a page), Chanta, Honorîne, Amy, Mammy, Chrîstîne, Mathîas, Cathy… et bîen sûr de eurs parents dont a pupart nous ont quîttés.
7
La poupée de gazon
À chacune de mes tentatîves de me remémorer mon enance, je revoîs cette tabe dont es pîeds dépassent par-dessus es objets entassés pêe-mêe dans un camîon de déménagement. Je ne saîs pas pourquoî e souvenîr de cette tabe est e seu à être aussî net dans ma mémoîre. Des autres objets, je n’en aî retenu aucun. C’est sûrement dû au aît que, pus tard, j’aî passé beaucoup de temps assîse à cette petîte tabe en boîs brun, tantôt peînant à Inîr mon bo de aît, tantôt en traîn de ormer aborîeusement mes premîères ettres dans un cahîer à doubes-îgnes, ou encore à jouer sagement aux EGO avec mon rère ou avec mes camarades. orsque nous jouîons dehors, nous avîons un choîx pus grand de dîvertîssements. ï nous arrîvaît de jouer à a maree, à cache-cache (que nous appeîonssoéh), je me demande d’aîeurs pourquoî, ou à a 1 poupée. Paroîs, orsquees grandes parvenaîent à dérober des égumes à eurs mamans en es cachant sous eurs robes, î nous arrîvaît d’aumer du charbon ou un eu de boîs au mîîeu de troîs caîoux quî ormaîent un oyer sur eque nous cuîsînîons dans des botes de conserve. Ces jours-à, nous dévorîons es mets à moîtîé cuîts en nous brûant es doîgts, es èvres et a angue. esgrandes nous servaîent dîrectement, de petîtes quantîtés de rîz-gras ou de macaronîs dans a paume, vu que nous n’avîons pas d’assîettes. Nous essayîons de es reroîdîr en souLant dessus avant de porter nos mînî-portîons à a bouche, et e tout, sans passer par a case avage des maîns !
e jeu quî nous întrîguaît e pus étaît ceuî où nous reproduîsîons des scènes amîîaes. e jeu dePapa-Maman, c’est comme cea que nous ’appeîons, étaît souvent proposé par es pus grandes, âgées de neu ou dîx ans. Ees jouaîent e rôe des mamans et nous répartîssaîent es autres : enants, servante, commerçante, en onctîon du scénarîo quî n’étaît jamaîs e même. C’étaît e seu jeu où es garçons étaîent încontournabes car îs jouaîent es rôes de papa, boy, chaufeur,
1On appelaît aînsî les illes quî étaîent plus âgées que nous et dont les petes sœurs faîsaîent pare de notre groupe de camarades. Nous jouîons par groupe d’âge.
8
La poupée de gazon
boucher ou menuîsîer. Dans nos mîses en scène, î n’étaît pas rare que esgrandsnous assent coucher sur des morceaux de pagnes ou sur des nattes, sîmuant aînsî des scènes de nuît pendant esquees nous, es enants, étîons contraînts de nous coucher et de aîre sembant de dormîr, pendant que es pus grands quî se couchaîent généraement par paîres parentaes s’agîtaîent sous eur couverture pédo-conjugae, en chuchotant et en rîcanant. Nous îmagînîons des jeux de maîns vu que nous ne dormîons pas pour de vraî. Nous es observîons tout en attendant eurs consîgnes pour poursuîvre e scénarîo quî évouaît seon ’înspîratîon des înîtîatrîces. Je me demande sî ees n’auraîent pas aît de bonnes scénarîstes. Ees avaîent de grands taents nos grandes sœurs du quartîer ! orsqu’un adute nous surprenaît, c’étaît a débandade. esgrandeset eurs marîs de cîrconstance trembaîent de tout eur corps et nous, avec des regards înterrogateurs, essayîons de comprendre a raîson quî es aîsaît uîr. Nous n’avîons rîen à nous reprocher maîs, apparemment, ce n’étaît pas e cas pour nos anés. es garçons, sans demander eur reste, s’évaporaîent dans a nature et nous poursuîvîons nos jeux 2 entre Ies :, éastîque’arme au couteau, împéh , saut à a corde et, paroîs même, orsque nous étîons sûrs qu’aucun parent ne nous surprendraît, nous grîmpîons aux poteaux éectrîques magré eur înterdîctîon ormee et unanîme.
Je me souvîens d’une scène dont e protagonîste, ma cousîne Dephîne, pourraît rîre aujourd’huî maîs, sur e moment, ee avaît eu a peur de sa vîe. a vendeuse de bonbons étaît une emme orîgînaîre du Nîgérîa. Nous appeîons toutes es emmes 3 nîgérîanesAnagos. Nos rîandîses préérées étaîent des sucres d’orge coupés en gros dés, et nous aîssaîent a angue et paroîs es dents roses orsqu’ees étaîent entartrées. Ce jour-à, nous
2Impéh est la prononcîaon de M.P., les înîales des mots « même » et « pîed ». Ce jeu consîstaît à se mere face à face, deux à deux, puîs sauter en l’aîr en tapant dans les maîns, puîs à aerrîr avec un pîed en avant. Avant de commencer le jeu un rage au sort désîgnaît à laquelle des deux joueuses îraît le poînt en cas de « Même pîed » ou pîed dîérent posé à terre. 3En réalîté, le peuple Nago est un peuple du Bénîn.
9
La poupée de gazon
étîons aées rendre vîsîte à a mère de Dephîne. À notre arrîvée, ma cousîne, trembante, se tenaît debout devant sa mère, es maîns joîntes, avec une mîne de suppîcatîon. ïntrîguée, ma mère demanda :
– Que se passe-t-î ? Pourquoî Dephîne est-ee dans cet état ? Ee a aît une bêtîse?
a maman de Dephîne répondît d’un aîr détaché :
– Dans ma maîson, î n’y a jamaîs eu de voeur. Mon argent a dîsparu. C’étaît une pîèce de cînq rancs, ma dernîère pîèce. Cee quî aaît me servîr à acheter à manger pour toute a amîe. Je ’avaîs déposée sur a tabette dans a sae de baîn et j’aî oubîé de a reprendre en sortant.À mon retour, a pîèce a dîsparu. J’aî înterrogé mes enants, aucun d’entre eux n’a vu a pîèce. Nous aons donc nous coucher ce soîr sans manger. Maîs e voeur ne s’en tîrera pas aussî acîement qu’î e croît. Ma grand-mère m’a montré un rîtue pour punîr es voeurs : î suIt de ponger un morceau de paîn dans ’eau et, au ur à mesure que e paîn gonle, e ventre du voeur s’enle.Quand e paîn est trop mouîé, î écate et e ventre du voeur écate aussî…
En entendant cette expîcatîon, Dephîne poussa un crî d’horreur et serra ses deux maîns joîntes sur son ventre. Ee devînt bême et commença à transpîrer à grosses gouttes. Sa mère poursuîvît sans sourcîer :
– Lorsque e ventre du voeur écate, tout ce qu’î a mangé se déverse par terre. Tout ce qu’î a dans e ventre : son estomac, ses întestîns, son cœur, ses reîns, son oîe… aussî se déverse par terre et uî-même tombe par terre en crîant de doueur… Faîsant ausîon aux dents de Dephîne rosîes par es bonbons, ee ajouta : – Sî e voeur a mangé des bonbons, es ourmîs vîennent manger es întestîns du voeur à cause du sucre». Après cette expîcatîon horrîbe, Dephîne, es yeux exorbîtés par a peur, dît d’une toute petîte voîx :