Le mystère du cercle rouge
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Le mystère du cercle rouge , livre ebook

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Description

L’Hôtel Drouot organise la vente des biens d’un défunt diplomate amateur de peintures dont quelques toiles de maîtres.


Quand vient le tour d’une vulgaire croûte, un cercle chromatique né de la main même du collectionneur, plusieurs acheteurs rivalisent d’enchères pour tenter de l’obtenir.


500 000 francs ! Pour un barbouillage sans valeur !


Le commissaire Larbart, présent dans la salle, ne parvient pas à y croire. Pas plus que ce qu’il voit en sortant du bâtiment : le nouveau propriétaire du « cercle rouge » gisant au pied de l’escalier un poignard fiché dans le dos...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 avril 2020
Nombre de lectures 4
EAN13 9791070031421
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE MYSTÈRE DU CERCLE ROUGE

Par
Jean d’AUFFARGIS
CHAPITRE PREMIER
UN MEURTRE À L'HÔTEL DES VENTES
 
À l'Hôtel Drouot, cet après-midi-là – un vendredi treize ! – une assistance particulièrement choisie voyait se disperser, salle 10 du premier étage, les tableaux de la collection André Renard.
On ne peut exactement prétendre que, de son vivant, André Renard ait été un grand collectionneur ; ses vieux amis reconnaissent plutôt en cet ancien conseiller diplomatique du Quai d'Orsay, soudainement enrichi par la disparition d'un oncle qui avait fait de lui son légataire universel, un amateur éclairé et de goût assez sûr, quoique fortement entiché, en matière picturale, d'impressionnisme.
C'est ainsi que Renard avait voué un solide culte à Claude Monet, le Monet des effets de neige, des rochers de Belle-Isle et des brouillards de la Tamise. Riche et désormais libre d'agir à sa guise, André Renard put satisfaire sa passion des œuvres non seulement du maître, aujourd'hui un peu passé de mode, mais aussi de celles de nombreux disciples de l'école impressionniste : les Seurat, Augrand, Signac, les Dubois-Pillet, Edmond Cross et les Maufra, Moret, Van Rysselberghe...
Et même, le fougueux admirateur du peintre du Bassin aux Nymphéas ne s'était-il pas lui-même laissé aller à taquiner pinceaux et palette ! Las ! Si l'on peut dire de Monet qu'il pouvait se permettre de représenter les couleurs « comme il les voyait » et se refuser à en être l'esclave, on peut bien avancer, dès qu'il s'agit d'André Renard, que ses quelques timides exécutions relevaient surtout du barbouillage.
Et nous sommes certains que le défunt ne nous en voudrait nullement de cette opinion définitive, lui qui tout le premier affirmait à ses collègues des Affaires étrangères : « Je suis plus sûr de mes goûts que de mes couleurs. »
Quoi qu'il en soit, ce jour-là, Maître Adorn, le plus parisien des commissaires-priseurs, éprouvait bien des difficultés à obtenir un silence relatif du public d'amateurs, de marchands de tableaux, de peintres et de vedettes en renom, de critiques d'art et de directeurs de galeries dont les murmures couvraient parfois la voix des « aboyeurs » et l'énoncé des enchères.
Maître Adorn, sérieux et compassé comme il sied à un officiant, avait déjà expédié les trois quarts de la vacation. Les Monet tenaient ferme les cours en dépit de l'hostilité des nouvelles écoles : 150 000 pour tel paysage breton, 125 000 pour une barque de pêche posée sur un étang, 195 000 plus les frais pour deux sapins de Golfe-Juan tordus par le vent. Des Signac, des Rysselberghe, moindres seigneurs, avaient suivi, disputés plus qu'honorablement. Un André Renard, « Ciel de Safran » avait fait... 80 francs, « pour le cadre » avait glapi un loustic impitoyable. Quand, après un Cézanne, enlevé à 210 000 – une revanche des anti-Monet ! –, un autre Renard fut présenté à l'élégante cohue, légèrement impatiente :
— C'est le dernier du genre, s'excusa Maître Adorn, dont le sourire avait l'air de dire : pardonnez-nous cet enfantillage.
Celui-là, ne mesurant guère plus de 20 cm sur 30, présentait cette particularité qu'il ne prétendait au titre ni de toile ni de tableau. C'était plutôt une sorte de cercle chromatique peint sur bois, aux coloris multiples répartis sur des surfaces concentriques de dimensions fort inégales. Les tons, allant du vert émeraude à l'ocre rouge, en passant par toute la gamme des bleus, des blancs et des gris, ne traduisaient rien d'autre sans doute, pas même les effets bien connus du prisme, hormis la tentative d'un néophyte malhabile à fixer certaines teintes préférées.
Mais dans une vacation tout ne doit-il pas être jeté au feu des enchères ? Maître Adorn en avait vu d'autres.
— Eh bien, qu'offre-t-on de ce panneau peint ? demanda le commissaire-priseur, se rappelant que les plaisanteries sont d'autant meilleures qu'elles sont plus courtes.
— Mince de panneau peint ! émit le loustic de tout à l'heure. Il n'a seulement pas de cadre ! J'offre cent sous !...
— À cinq francs, il y a preneur, enchaîna l'aboyeur.
— Cinq francs. C'est bien vu ? J'adjuge... avertit Maître Adorn du haut de sa sérénité déjà retrouvée.
— Vingt francs en mémoire de ce pauvre Renard, fit entendre une de nos plus espiègles pensionnaires de la Comédie Française.
— Trente ! dit quelqu'un au premier rang.
— Cent francs ! surenchérit l'enfant de chez Molière, dont la patience n'était point la qualité dominante.
— Mille !
Cette fois, la voix grave, métallique, avec un rien d'accent guttural sentant son Europe centrale, venait du fond.
Il y eut, comme on dit, des mouvements divers. Cent paires d'yeux fouillèrent la salle, cherchant le personnage dont on pensa tout de suite qu'il voulait faire pièce, au prix d'un billet de mille, à la jeune comédienne. Celle-ci, plutôt interdite, s'était rapprochée de Victor Francen et de Sacha Guitry qui disputaient du génie réciproque de Monet et de Cézanne. Seul, Francen entreprit de la consoler tandis que Guitry, le blanc de l'œil vers le plafond, se penchait sur Tristan Bernard pour essayer sur lui l'effet d'un mot.
C'est alors que le marquis de Cardola d'Arundal, l'une des personnalités les plus en vue et les plus sympathiques de la colonie sud-américaine de Paris, accapara l'attention en lançant cette enchère imprévue :
— Cinq mille francs !
Alfonso Ricardo de Cardola d'Arundal était grand, svelte, soigneusement habillé. L'œil brillait d'intelligence, avec un soupçon de tendresse moqueuse dans le regard. Les tempes grisonnaient un peu, trahissant les approches de la quarantaine, mais sur tout le visage se lisait, en même temps que la décision et l'audace, un air de jeunesse qu'auraient pu lui envier bien des moins de trente ans. On le savait riche et célibataire, inscrit au Jockey-Club, habitué du stand Gastinne Renette, un tant soit peu collectionneur et mécène à ses heures. Il n'en fallait pas tant pour faire de Cardola d'Arundal la proie désignée de toutes les jeunes filles titrées des salons du faubourg Saint-Germain. Aussi, Ricardo – ainsi l'appelaient ses amis – était-il reçu partout, avec espoir et envie.
Précisément, ses amis se montraient plus encore hésitants que surpris. Quel démon le poussait d'offrir cinq mille francs de ce barbouillage du défunt André Renard ? S'agissait-il d'une plaisanterie ? Or, Ricardo ne donnait pas l'impression de plaisanter.
Le panneau bariolé, cette espèce de cercle chromatique, entre ses doigts, il semblait perdu dans quelque lointaine et profonde méditation.
— 10 000 francs !
La voix grave du fond, à l'accent légèrement germanique, venait de faire éclater ces dix mille francs comme une bombe sur l'assistance médusée.
— 11 000, repartit Ricardo qui profita de l'avantage que lui conférait son enchère pour reporter son attention sur la banale, et d'autant plus étrange composition d'André Renard.
Il n'y avait rien à ajouter à ce que nous avons dit. Le panneau, plein, épais d'un centimètre environ, ne recelait aucune cache, aucun truc. Rien, assurément rien... De la couleur sur bois, un point c'était tout. Tout le reste relevait de l'imagination ou de la folie. Ce dut être cette fois l'avis de Ricardo qui haussa les épaules et rendit l'objet au commissaire lorsque la voix du fond...

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