LES SEMBLABLES
126 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Niù vit au Centre depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvient. Elle est entourée d’autre jeunes filles comme elles, élevées selon un programme strict pour atteindre le plus haut niveau de performance et de santé possible. Sur une île entourée de barbelés, Niù ne sait pas s’il existe quelque chose d’autre que sa réalité. Olivier a 17 ans et il ne veut plus accepter les absences inexpliquées de son père, qui travaille sur une île qui n’existe pas sur les cartes. Alors que celui-ci disparaît pour la énième fois pour un long...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 janvier 2022
Nombre de lectures 5
EAN13 9791039517836
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Auzou, 2022
24-32 rue des Amandiers, 75020 Paris
 
Tous droits réservés pour tous pays.
Loi n o  49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse,modifiée par la loi n o  2011-525 du 17 mai 2011.
 
Mise en pages : IGS-CP
Correction : Maxime Gillio, Catherine Rigal
Couverture : Nicolas Vesin
 
Dépôt légal : janvier 2022 – Imprimé en Lettonie.
 
Produit conçu et fabriqué sous système de managementde la qualité certifié AFAQ ISO 9001.
 
ISBN : 979-10-395-1783-6
 

CHRISTINE FÉRET-FLEURY
GENEVIÈVE LECOURTIER
 
 


 
 
Juin 2052
— C’est très bien, Vanessa. Encore un effort.
Le médecin se pencha sur la jeune femme et pressa la mainqui reposait sur le drap. Derrière les verres épais de ses lunettes,ses yeux brillaient. Malgré la douleur qui lui vrillait le bas dudos, Vanessa nota que les paumes du praticien étaient moites,et que sa voix tremblait.
« Comme il est ému ! On dirait… on dirait que c’est lui,le père », pensa-t-elle, un peu étourdie par l’oxygène dont ellevenait d’aspirer plusieurs bouffées.
Le père. Craig. Il était assis à son chevet, vêtu de la blousestérile qu’on lui avait imposée à l’entrée de la salle de travail. Ses boucles indisciplinées repoussaient le calot blanc.Elle lui avait toujours envié ses cheveux. Et ses yeux. Desyeux d’un bleu intense, presque turquoise. Le bébé aurait-illes mêmes ? Elle l’espérait. Ses yeux à elle étaient d’un gris-vert assez terne. Et ses cheveux châtain foncé ne pouvaientrivaliser avec la toison solaire qui couronnait le front de sonmari. Lorsqu’ils se trouvaient en public, la beauté de Craig attirait les photographes. Pourtant, il n’était qu’un joueur detennis de second plan, classé 55 e à l’ATP et n’ayant jamaisdisputé de match plus prestigieux qu’un huitième de finale àWimbledon. Vanessa, elle, avait rapporté trois médailles d’ordes derniers Jeux olympiques – nage libre, dos crawlé, relais –et partait favorite pour les championnats du monde quandelle avait appris qu’elle attendait un enfant.
Ce n’était pas prévu, mais la nouvelle l’avait inondée dejoie. Un bébé ! Il aurait la beauté de son père, sa gentillessedésarmante. D’elle, il tiendrait ses qualités d’athlète, sa persévérance et un solide sens pratique. Pourquoi « sens pratique »,d’ailleurs, et non « intelligence » ? Sans doute parce que lessportifs n’étaient pas habitués à se considérer comme des intellectuels – on leur demandait de courir, de nager, de frapperune balle, non de réfléchir à la marche du monde. Pourtant,Vanessa avait obtenu son bac avec d’excellentes notes, meilleures que celles de nombre de ses condisciples, devenus depuisavocats, médecins ou professeurs. Son QI était élevé : elle lesavait par ses parents, qui lui avaient fait passer des tests àl’âge de six ans. Les résultats de ces examens devaient figurerdans les archives d’un hôpital de province.
Elle réprima un sourire. Qui s’en souciait, à présent ?
 
Une nouvelle contraction montait. Vanessa serra plus fortles doigts de Craig. Il s’efforçait de faire bonne figure, mais lesmuscles de ses joues saillaient et les commissures de ses lèvres secontractaient. Elle connaissait bien cette mimique : la fin du match approchait, le score était serré, la victoire et la défaite,également incertaines, séparées par un souffle.
— On va gagner, mon chéri, murmura-t-elle. On vagagner. Ce sera un bébé merveilleux.
— J’en suis sûr.
Ce n’était pas la voix de Craig, mais celle du médecin. Lajeune femme le regarda, étonnée. Mais déjà, il avait détournéle regard.
— Poussez, maintenant. Oui… comme ça. Splendide !
Vanessa se concentra. Ses muscles parfaitement entraînéslui obéissaient ; son corps, engagé dans l’effort, ne se révoltaitplus contre la douleur. Cette douleur avait un sens, celui de lavie, d’un nouveau commencement.
Chaque enfant qui vient au monde est un miracle.
— Je vois la tête ! Respirez, Vanessa… Allez, une dernièrefois !
Vanessa ferma les yeux et sentit l’enfant glisser hors de soncorps. C’était si simple – les heures difficiles qui venaient des’écouler s’effacèrent aussitôt de sa mémoire. Un cri grêle, perçant, résonna à ses oreilles.
— Montrez-la-moi, balbutia-t-elle. Ma fille… ma fille…
— Un instant, Vanessa. Un tout petit instant.
La jeune mère regarda avec inquiétude le médecin et l’infirmière disparaître par une porte latérale. Les cris du nouveau-né s’atténuèrent.
Les ongles de Vanessa s’enfoncèrent dans la paume de soncompagnon.
— Elle a crié, pourtant ! Elle va bien ! Pourquoi l’emmènent-ils ? Craig ! Va voir, s’il te plaît !
— Calme-toi, ma chérie. Le Dr Mayer sait ce qu’il fait.
Vanessa tenta de lutter contre la panique qui l’envahissait.Que se passait-il ? Le médecin avait-il remarqué une malformation ? Un symptôme alarmant ? À quoi bon, alors, tous lestests qu’il lui avait demandé de passer pendant ses neuf moisde grossesse ? Ils n’avaient rien révélé d’anormal…
Le Programme. Cela leur avait paru tout naturel d’yadhérer. Le Dr Mayer leur avait expliqué avec beaucoup declarté le but des examens qu’il pratiquait : « Nous souhaitonscollecter des données à l’échelle nationale et sur une longuepériode. Nous avons sélectionné des sujets jeunes, brillants,en bonne santé physique et mentale. Nous souhaitons observer le développement de leurs enfants, tenter de comprendrecomment certains talents se transmettent de génération engénération. L’importance relative de l’inné et de l’acquis,l’influence d’un environnement sain, de stimulations adaptées… Rassurez-vous, ce ne sera pas très contraignant, nipour vous ni pour l’enfant : une journée d’évaluation tousles six mois. En participant à cette expérience, vous soutenezl’effort de notre gouvernement en matière d’éducation et deprévention. »
Ils avaient accepté. Avec enthousiasme. En tant que sportifs de haut niveau, leur devoir était de montrer l’exemple.De faire avancer les choses.
« C’est ma fille. Je l’aimerai. Même si elle a un handicap.Au diable ce Programme ! Je veux voir mon enfant ! » pensa-t-elle, les poings serrés sur l’alèse de la table d’accouchement.
 
Des pas. Dans le couloir. Le médecin et son assistante réapparurent, rayonnants. Avec précaution, l’infirmière déposadans les bras de Vanessa un petit paquet enveloppé d’un langede coton très fin.
— Elle est parfaite, exulta le Dr Mayer. Une véritablemerveille. Vous avez bien travaillé, tous les deux !
Les questions que la jeune femme s’apprêtait à poser s’évaporèrent sur ses lèvres. Elle contemplait le visage de sa fille, sonfront minuscule et ridé, ses paupières fermées. Les poings serréssoulevaient le lange, comme si le bébé défiait une foule invisible. Un étroit pansement décorait son avant-bras déjà potelé.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Craig.
— Simple précaution, répondit le médecin. Un test sanguin. Tout va bien, je vous assure.
Sur la joue de Vanessa, une larme coula.
— Cette petite fille, ajouta le Dr Mayer, contribuera àchanger le monde. Grâce à vous !
 
I   PÉRIMÈTRE INTERDIT
1   Niù
Niù entendait de faibles gémissements. Le bruit venaitd’un monticule de pierres envahi par une végétation anarchique et souillée de dépôts en tout genre, feuilles pourries,boue, bâtonnets noirâtres. La jeune fille ne comprenait paspourquoi on avait laissé s’accumuler une telle saleté. AuCentre, le moindre carreau cassé était aussitôt remplacé,les tables et les lits gardaient l’éclat du neuf, et le Méd

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