Souvenirs de la maison des morts
197 pages
Français

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Souvenirs de la maison des morts , livre ebook

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Description

La maison des morts, c'est le bagne de Sibérie où Dostoïevsky a purgé comme condamné politique une peine de quatre années de travaux forcés et de six ans de «service militaire». Il faut noter l'actualité des réflexions sur le pouvoir et la violence dont Dostoïevski a parsemé ces Souvenirs. Comment ne pas penser également aux bagnes qui ont marqué ensuite la Russie, à Staline, au Goulag.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 153
EAN13 9782820603050
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Souvenirs de la maison des morts
F dor Mikha lovitch Dosto evski
1863
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0305-0
Avertissement

On vient enfin de traduire les Souvenirs de la maison des morts,par le romancier russe Dostoïevsky. De courtes indications serontpeut-être utiles pour préciser l’origine et la signification de celivre.
Le public français connaît déjà Dostoïevsky par un de ses romansles plus caractéristiques, le Crime et le châtiment. Ceux qui ontlu cette œuvre ont du prendre leur parti d’aimer ou de haïr lesingulier écrivain. On va nous donner des traductions de ses autresromans. Elles continueront de plaire à quelques curieux, auxesprits qui courent le monde en quête d’horizons nouveaux. Ellesachèveront de scandaliser la raison commune, celle qu’on se procuredans les maisons de confections philosophiques ; car ce tempsest merveilleux pour tailler aux intelligences comme aux corps desvêtements uniformes, décents, à la portée de tous, un peu étriquéspeut-être, mais qui évitent les tracas de la recherche et del’invention. Ceux qui n’ont pas eu le courage d’aborder le monstresont néanmoins renseignés sur sa façon de souffrir et de fairesouffrir. On a beaucoup parlé de Dostoïevsky, depuis un an ;un critique a expliqué en deux mots la supériorité du romancierrusse. — « Il possède deux facultés qui sont rarement réunies cheznos écrivains : la faculté d’évoquer et celle d’analyser. »
Oui, avec cela tout le principal est dit. Prenez chez nousVictor Hugo et Sainte-Beuve comme les représentants extrêmes de cesdeux qualités littéraires ; derrière l’un ou l’autre, vouspourrez ranger, en deux familles intellectuelles, presque tous lesmaîtres qui ont travaillé sur l’homme. Les premiers le projettentdans l’action, ils ont toute puissance pour rendre sensible ledrame extérieur, mais ils ne savent pas nous faire voir les mobilessecrets qui ont décidé le choix de l’âme dans ce drame. Les secondsétudient ces mobiles avec une pénétration infinie, ils sontincapables de reconstruire pour le mouvement tragique l’organismedélicat qu’ils ont démonté. Il y aurait une exception à faire pourBalzac ; quant à Flaubert, il faudrait entrer dans desdistinctions et des réserves sacrilèges ; gardons-les pour lejour où l’on mettra le dieu de Rouen au Panthéon. Toujours est-ilque, dans le pays de Tourguénef, de Tolstoï et de Dostoïevsky, lesdeux qualités contradictoires se trouvent souvent réunies ;cette alliance se paye, il est vrai, au prix de défauts que noussupportons malaisément : la lenteur et l’obscurité.
Mais ce n’est point des romans que je veux parler aujourd’hui.Les Souvenirs de la maison des morts n’empruntent rien à lafiction, sauf quelques précautions de mise en scène, nécessitéespar des causes étrangères à l’art. Ce livre est un fragmentd’autobiographie, mêlé d’observations sur un monde spécial, dedescriptions et de récits très simples ; c’est le journal dubagne, un album de croquis rassemblés dans les casemates deSibérie. Avant de vous récrier sur l’éloge d’un galérien, écoutezcomment Dostoïevsky fut précipité dans cette infâme condition.
Il avait vingt-sept ans en 1848, il commençait à écrire avecquelque succès. Sa vie, pauvre et solitaire, allait par de mauvaischemins ; misère, maladie, tout lui donnait sur le monde desvues noires ; ses nerfs d’épileptique lui étaient déjà decruels ennemis. Avec cela, un malheureux cœur plein de pitié, d’oùest sorti le meilleur de son talent ; cette sensibilitécontenue, vite aigrie, qui se change en folles colères devant lesaspects d’injustice de l’ordre social. Il regardait autour de lui,cherchant l’idéal, le progrès, les moyens de se dévouer ; ilvoyait la triste Russie, bien froide, bien immobile, bien dure,tout ulcérée de maux anciens. Sur cette Russie, les idéesgénéreuses du moment passaient et ramassaient à coup sûr de tellesâmes. Le jeune écrivain fut entraîné, avec beaucoup d’autres de sagénération littéraire, dans les conciliabules présidés parPétrachevsky. Cette sédition intellectuelle n’alla pas bienloin ; des récriminations, des menaces vagues, de beauxprojets d’utopie. Il y a impropriété de mot à appeler cetteeffervescence d’idées, comme on le fait habituellement, laconspiration de Pétrachevsky ; de conspiration, il n’y en eutpas, au sens terrible que ce terme a reçu depuis lors en Russie. Entout cas, Dostoïevsky y prit la moindre part ; toute sa fautene fut qu’un rêve défendu ; l’instruction ne put relevercontre lui aucune charge effective. Chez nous, il eut été au centregauche ; en Russie, il alla au bagne.
Englobé dans l’arrêt commun qui frappa ses complices, il futjeté à la citadelle, condamné à mort, gracié sur l’échafaud,conduit en Sibérie ; il y purgea quatre ans de fers dans la «section réservée », celle des criminels d’État. Le romancier ylaissa des illusions, mais rien de son honneur ; vingt ansaprès, en des temps meilleurs, les condamnés et leurs jugesparlaient de ces souvenirs avec une égale tristesse, la main dansla main ; l’ancien forçat a fait une carrière glorieuse,remplie de beaux livres, et terminée récemment par un deuil quasiofficiel. Il était nécessaire de préciser ces points, pour qu’on nefit pas confusion d’époques ; il n’y eut rien de commun entrele proscrit de 1848 et les redoutables ennemis contre lesquels legouvernement russe sévit aujourd’hui de la même façon, mais à plusjuste titre.
Un des compagnons d’infortune de l’exilé, Yastrjemsky, aconsigné dans ses Mémoires le récit d’une rencontre avecDostoïevsky, au début de leur pénible voyage. Le hasard les réunitune nuit dans la prison d’étapes de Tobolsk, où ils trouvèrentaussi un de leurs complices les plus connus, Dourof. Ce récit peintsur le vif l’influence bienfaisante du romancier.
« On nous conduisit dans une salle étroite, froide et sombre. Ily avait là des lits de planches avec des sacs bourrés de foin.L’obscurité était complète. Derrière la porte, sur le seuil, onentendait le pas lourd de la sentinelle, qui marchait en long et enlarge par un froid de 40 degrés.
« Dourof s’étendit sur le lit de camp, je me pelotonnai sur leplancher à côté de Dostoïevsky. À travers la mince cloison, untapage infernal arrivait jusqu’à nous : un bruit de tasses et deverres, les cris de gens qui jouaient aux cartes, des injures, desblasphèmes. Dourof avait les doigts des pieds et des mainsgelés ; ses jambes étaient blessées par les fers. Dostoïevskysouffrait d’une plaie qui lui était venue au visage dans lacasemate de la citadelle, à Pétersbourg. Pour moi, j’avais le nezgelé. — Dans cette triste situation, je me rappelai ma vie passée,ma jeunesse écoulée au milieu de mes chers camarades del’Université ; je pensai à ce qu’aurait dit ma sœur, si ellem’eût aperçu dans cet état. Convaincu qu’il n’y avait plus rien àespérer pour moi, je résolus de mettre fin à mes jours… Si jem’appesantis sur cette heure douloureuse, c’est uniquement parcequ’elle me donna l’occasion de connaître de plus près lapersonnalité de Dostoïevsky. Sa conversation amicale et secourableme sauva du désespoir ; elle réveilla en moi l’énergie.
« Contre toute espérance, nous parvînmes à nous procurer unechandelle, des allumettes et du thé chaud qui nous parut plusdélicieux que le nectar. La plus grande partie de la nuit s’écouladans un entretien fraternel. La voix douce et sympathique deDostoïevsky, sa sensibilité, sa délicatesse de sentiment, sessaillies enjouées, tout cela produisit sur moi une impressiond’apaisement. Je renonçai à ma résolution désespérée. Au matin,Dostoïevsky, Dourof et moi, nous nous séparâmes dans cette prisonde Tobolsk, nous nous embrassâmes les larmes aux yeux, et nous nenous revîmes plus.
« Dostoïevsky appartenait à la catégorie de ces êtres dontMichelet a dit que, tout en étant les plus forts mâles, ils ontbeaucoup de la nature féminine. Par là s’explique tout un côté deses œuvres, où l’on aperçoit la cruauté du talent et le besoin defaire souffrir. Étant donné cette nature, le martyre cruel etimmérité qu’un sort aveugle lui envoya devait profondément modifierson caractère. Rien d’étonnant à ce qu’il soit devenu nerveux etirritable au plus haut degré. Mais je ne crois pas risquer unparadoxe en disant que son talent bénéficia de ses souffrances,qu’elles développèrent en lui le sens de l’analyse psychologique.»
C’

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