L Histoire et le Centenaire de 1792
38 pages
Français

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L'Histoire et le Centenaire de 1792 , livre ebook

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Description

Ces lignes s’adressent aux hommes de bonne foi qui cherchent ayant tout la vérité. Ceux qui suivent le mot d’ordre des partis n’y trouveront aucun intérêt, pas même ce charme de la contradiction violente qui chatouille et avive les passions.Au moment où se célébrait le Centenaire de 1789, auquel la Savoie ne pouvait rattacher aucun souvenir qui lui fût propre, l’idée surgit de suppléer à cette lacune en fêtant le Centenaire de l’annexion de la Savoie à la France en 1792.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346097616
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
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Jacques Bourgeois
L'Histoire et le Centenaire de 1792
I
LE CENTENAIRE
Ces lignes s’adressent aux hommes de bonne foi qui cherchent ayant tout la vérité. Ceux qui suivent le mot d’ordre des partis n’y trouveront aucun intérêt, pas même ce charme de la contradiction violente qui chatouille et avive les passions.
Au moment où se célébrait le Centenaire de 1789, auquel la Savoie ne pouvait rattacher aucun souvenir qui lui fût propre, l’idée surgit de suppléer à cette lacune en fêtant le Centenaire de l’annexion de la Savoie à la France en 1792.
Cette manifestation parut étrange à ceux qui connaissent l’histoire. Ils y virent moins le désir de saluer la patrie française à un siècle de distance que celui de glorifier l’aurore de la Révolution dans notre pays.
Ils furent confirmés dans cette pensée quand ils se souvinrent que ceux-là mêmes qui poussaient à la solennité de 1792 avaient combattu de toutes leurs forces l’annexion de 1860.
Pour s’assurer davantage des intentions, qui paraissaient peu d’accord avec les faits historiques, ils rappelèrent la conquête de 1792, les douloureuses péripéties de cette époque de guerre étrangère et de guerre civile, et ils supplièrent leurs concitoyens de renoncer à un projet qui diviserait les. esprits, les engageant à fêter plutôt le Trentenaire de 1860, qui réunirait tous les cœurs dans un commun sentiment de fraternité à la fois savoyarde et française.
Plusieurs aussi proposèrent d’élever un monument à la mémoire de nos soldats tués à l’ennemi en 1870, comme signe glorieux de notre irrévocable attachement aux destinées de la France.
Singulier phénomène ! Ces réserves et ces avances eurent justement pour effet d’encourager les promoteurs du Centenaire de 1792. Leur ardeur s’accruten raison directe des observations pacifiques qui leur étaient soumises. Leur patriotisme français prit des proportions telles, qu’à les entendre, beaucoup se demandaient comment la Savoie avait pu vivre de 1815 à 1860. Non seulement les fidèles de la Maison de Savoie, mais encore tous ceux qui avaient dignement servi leur pays sous le gouvernement sarde étaient étonnés, ahuris : les vieux de l’immortelle Brigade, tâtant leurs blessures, se prenaient à douter de l’honneur du drapeau d’Inkerman et de San-Martino. Quant à ceux qui avaient fait l’annexion de 1860, ils se trouvaient tellement en retard d’enthousiasme qu’ils croyaient rêver...
Pourtant c’était décidé, sans appel. Quoiqu’il en coûtât à beaucoup de nos concitoyens, peut-être pour cela même, il fallait fêter le Centenaire de 1792. Des articles de journaux enflammés dénoncèrent comme de mauvais Français tous ceux qui proposaient la moindre objection. Quant à demeurer républicain, c’était impossible, si l’on ne se ralliait pas à la République démagogique et anti-chrétienne de 1792. On en vint aux gros mots, aux personnalités blessantes. Enfin, la nécessité du Centenaire parut si évidente qu’on eut recours au grand moyen, à l’intervention officielle du gouvernement.
Le préfet de la Savoie invita les municipalités et les fonctionnaires à déclarer la joie qu’il leur supposait de voir réapparaître la date de 92 et mit les instituteurs en campagne pour chauffer cette manifestation, toute spontanée. Naturellement, on s’exécuta avec une parfaite bonne grâce. Sans approfondir davantage, les Français des anciens départements crurent nous faire une politesse en souscrivant (nous ne pouvons que les remercier de leurs bonnes intentions). Quelques conseils municipaux s’abstinrent, au risque d’encourir la privation des faveurs administratives. Mais nombre de particuliers, persuadés qu’ils perdraient le titre de Français ou de républicains s’ils renvoyaient les quêteurs officiels, donnèrent leur obole avec une générosité égale à leur candeur.
La Haute-Savoie, jusqu’à ce jour, s’est montrée assez froide.
Aujourd’hui, le fait est accompli. L’argent est souscrit ou voté ; s’il manque quelques milliers de francs, les caisses de l’Etat sont assez riches : les contribuables paieront une seconde fois, qu’ils veuillent ou qu’ils ne veuillent pas. Le monument se fera On prononcera des discours patriotiques ; des feux d’artifices éclaireront la nuit ; la foule acclamera, et pendant le reste de nos jours (bien des années tout au moins) nous verrons une œuvre d’art rappeler le coup de main de Montesquiou, la guerre des Alpes et les triomphes des Savoyards sur les Savoyards : tandis que l’annexion de 1860 n’aura qu’une pauvre plaque de marbre au Palais-de-Justice, et nos morts de 1870... pas même un souvenir !
Cette manifestation n’est rien cependant, rien qu’un fait brutal et sans portée. La force d’une majorité au pouvoir peut s’exercer sur l’opinion elle-même. C’est le propre des gouvernements démocratiques d’étouffer la raison sous un courant factice : Tocqueville l’a remarqué depuis longtemps. Mais qu’importe, en définitive, l’éclat d’une démonstration officielle ou populaire, si elle est illogique et contraire aux inspirations de la justice et de l’honneur ?
Pour nous, la question est toute intime, toute morale. Pouvons-nous nous réjouir de l’anniversaire de 1792 ? Notre fierté de Savoyards nous le permet-elle, si Français que nous soyons ? Nos pères, s’ils vivaient, nous laisseraient-ils bénir cette époque comme un temps de bonheur, de concorde et de paix ? Pouvons-nous donner à croire à nos enfants que notre propre histoire nous est à ce point inconnue, dussent-ils mépriser à jamais notre crédulité ou notre faiblesse ?
Ceux qui vivent de la politique souriront de pitié devant ces scrupules. Ceux qui, bien que désintéressés, aiment à suivre les gros bataillons, se demanderont pourquoi nous ne savons pas au moins nous taire, et laisser suivre son cours à un sentiment, historique ou non, mais en tous cas inoffensif. Peut-être quelques Français de la vieille France ne comprendront-ils pas la dignité de notre réserve et s’alarmeront-ils, bien à tort, d’une revendication dont le sens leur échappe 1 . Mais, je le sais, dans les profondeurs de nos montagnes comme au sein de nos cités, parmi les républicains comme parmi les monarchistes, plus d’une âme droite s’est sentie blessée dans ses plus chers souvenirs. Il semble qu’une note fausse a été jetée dans nos oreilles. C’est à ce sentiment qu’il est nécessaire de répondre par le simple récit des faits historiques de 1792.
La Savoie a été maintes lois envahie et annexée : sous François I er , sous Henri IV, sous Louis XIII, sous Louis XIV. Elle est restée vingt-trois ans française après la conquête de François I er . Personne ne songe à s’en réjouir.
Nous ne pouvons pas davantage célébrer comme une fête nationale l’annexion de 1792.
Nous ne le pouvons pas, parce que la réunion fut le fait de la conquête, parce qu’elle ouvrit la plus déplorable des guerres civiles, parce qu’elle eut pour conséquence nécessaire et voulue le régime de la Terreur, parce qu’elle nous a amené les hontes du Directoire et les désastres de l’Empire ; nous ne le pouvons pas, parce que nous n’entendons pas supprimer notre passé séculaire, ni renier la gloire par nous acquise jusqu’au jour où notre pays s’est pacifiquement donné à la France dans le libre vote de 1860.
Que si, au contraire, on veut remémorer dans le Centenaire de 1792 l’avènement de la République des démagogues et des sectaires, le triomphe de l’esprit jacobin sur les vieilles mœurs de la Savoie, nous n’avons rien à y reprendre. La date est bonne. La manifestation est juste. C’est une fête de parti. A chacun de voir s’il doit ou non s’y associer.
1 L’Administration de la Guerre n’a-t-elle pas baptisé une des casernes de Chambéry du nom de Saint-Ruth, général de Louis XIV, qui avait envahi la Savoie ! ! !
II
LA SAVOIE EN 1792
A la fin du siècle dernier, la Savoie n’était pas en retard sur la France. Au point de vue politique, elle se trouvait notablement en avance.

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