La France conquise - Édouard VII et Clemenceau
84 pages
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La France conquise - Édouard VII et Clemenceau , livre ebook

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Description

Depuis que la France a été affaiblie par nos désastres de 1870, dont, quoi qu’en dise l’amour propre national, nous ne nous sommes pas encore relevés, l’étranger a pris une telle part dans la direction de nos affaires intérieures et extérieures, que si nous voulons nous rendre compte de notre situation et comprendre notre politique, c’est à l’étranger qu’il faut l’étudier.A la mort de la reine Victoria, personne ne se doutait du rôle prépondérant qu’allait assumer son successeur dans la direction des affaires du monde, ni surtout de la suprématie qu’il exercerait sur le gouvernement de la République française.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782346091898
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Émile Flourens
La France conquise
Édouard VII et Clemenceau
CHAPITRE PREMIER
L’avènement d’Édouard VII
Depuis que la France a été affaiblie par nos désastres de 1870, dont, quoi qu’en dise l’amour propre national, nous ne nous sommes pas encore relevés, l’étranger a pris une telle part dans la direction de nos affaires intérieures et extérieures, que si nous voulons nous rendre compte de notre situation et comprendre notre politique, c’est à l’étranger qu’il faut l’étudier.
 
A la mort de la reine Victoria, personne ne se doutait du rôle prépondérant qu’allait assumer son successeur dans la direction des affaires du monde, ni surtout de la suprématie qu’il exercerait sur le gouvernement de la République française.
Certes la grande personnalité qui disparaissait de la scène, reine de Grande-Bretagne et d’Irlande, impératrice des Indes, dont les domaines, étendus sur l’un et l’autre hémisphère, ne voient jamais se coucher le soleil, avait occupé une place considérable dans l’histoire contemporaine, nul n’osait le contester, mais ce que nul ne prévoyait c’est à quelle apogée de domination sur les peuples, et sur les gouvernements, sur les hommes et sur les choses son fils devait porter cette prépondérance britannique.
 
 
Le prince de Galles s’était interdit scrupuleusement d’intervenir dans la politique de son pays, il s’était toujours tenu soigneusement à l’écart, avec une fermeté, une constance de caractère qui n’avaient pas été assez remarquées, des luttes de partis, des compétitions des ministres et des hommes d’État. Il n’avait assumé la responsabilité d’aucun grand commandement dans les armées de terre ou de mer, d’aucune mission diplomatique. Il n’avait recherché aucune occasion de se signaler par une action d’éclat ; bien plus, quand ces occasions s’étaient offertes à lui, il les avait évitées et détournées de son chemin. En un mot, il n’avait donné à l’enthousiasme du peuple anglais, si prompt à s’enflammer quand il s’agit d’un membre de la famille Royale et surtout de l’héritier présomptif du trône, aucun sujet de s’exalter. Ni les hasards de la guerre ne l’avaient tenté, ni le jeu des chancelleries, pour lequel, cependant, son esprit si fin, si délié, si flegmatique et si pénétrant semblait, à ceux qui l’approchaient de plus près, merveilleusement doué.
Si ce prince, qu’attendaient de si hautes destinées, n’avait pas su ou pas voulu donner au monde la mesure de sa valeur politique, s’il était resté à cet égard un sphinx, un mystère insondable, même pour ses amis, sa physionomie d’homme privé était connue de tous. A Paris, elle était familière au monde élégant qui fréquente les clubs et les cercles, les sports et les coulisses, les restaurants et les cabinets particuliers ; elle était populaire jusque dans les contres ouvriers.
Pour obéir aux exigences de son rôle d’héritier du trône, il s’était triomphalement promené par tous les pays du globe ; il s’était laissé exhiber, en grande pompe, à tous ses sujets, depuis ces colons britanniques, dont la vie, débordante d’activité, ne connaît pas une minute d’oisiveté, jusqu’aux noirs indolents de l’Afrique, jusqu’aux Boudhistes de l’Inde, dont l’existence s’écoule dans la contemplation de leur nombril, mais le coin du monde où il revenait le plus volontiers, celui qui était l’objet de ses préférences secrètes et avouées, c’était notre vieux Paris. Ce n’est qu’à Paris qu’il était à son aise et chez lui, qu’il était lui-même.
Des anecdotes, parfois quelque peu scabreuses, avaient mis en lumière tous les traits de ses mœurs, même les plus intimes, avaient souligné tous ses goûts, tous ses penchants, toutes ses habitudes. De toutes les physionomies britanniques c’était, certes, la plus sympathique au Parisien. C’était un hôte si assidu, si aimable, de si belle et galante humeur qu’il exerçait un réel ascendant sur toutes les classes même les plus réfractaires à la gentilhommerie.
L’opinion était donc faite sur son compte, parmi ses amis comme parmi ses ennemis. On était d’accord pour confesser que c’était un voluptueux raffiné, un jouisseur exquis, un mondain, cachant sous une apparente bonhomie, une morgue toute britannique. Les plus chauds partisans do son avènement étaient ses créanciers. Ce n’était pas sans inquiétude, en effet, qu’ils voyaient s’avancer son âge et décliner ses forces ; soucieux, ils se demandaient si, alors que la vertu de la reine Victoria ne lui avait jamais permis de connaître les écarts de son fils, pendant sa vie, son économie lui permettrait de reconnaître ses dettes, après sa mort.
 
 
Edouard VII montait sur le trône à l’âge où, si l’on consulte les statistiques, 75 0/0 des rois sont déjà descendus dans la tombe. Il sortait d’une longue oisiveté pour entrer dans la vie active à l’époque où, dans toutes les carrières et fonctions publiques, les hommes font valoir leurs droits à la retraite.
S’il y avait un conseil de revision pour les rois, comme il y en a un pour les conscrits, il eût été déclaré impropre au service.
L’obésité déformait son corps, alourdissait sa marche, semblait, sous le développement des tissus adipeux, paralyser toute activité physique, toute force intellectuelle. Sa figure, contractée par la douleur, trahissait, par moment, les souffrances qu’une volonté de fer s’efforçait de maîtriser, pour dissimuler aux yeux de ses sujets, la maladie qui, à cet instant môme, menaçait sa vie.
A voir sa corpulence maladive, on ne pouvait s’empêcher de se rappeler les paroles que Shakespeare met dans la bouche d’un de ses ancêtres à l’adresse du fameux Falstaff, le compagnon dissolu des égarements de sa jeunesse : « Songe à travail 1er, à diminuer ton ventre et à grossir ton mérite. — Quitte ta vie dissolue ! — Regarde la tombe, elle ouvre, pour toi, une bouche trois fois plus large que pour les autres hommes ! »
De tous côtés, les lanceurs de prédictions, depuis le fameux archange Gabriel jusqu’à la non moins fameuse M me de Thèbes, s’accordaient pour entourer son avènement des plus sinistres prévisions, pour annoncer sa fin prochaine et l’imminence d’une nouvelle vacance du trône d’Angleterre.
Symptôme plus grave ! Les oracles de la science n’étaient pas moins menaçants que les prophéties des devins. Deux fois, les pompes de son couronnement durent être décommandées, deux fois les fêtes ajournées et les lampions éteints. Les hôtes princiers, convoqués à grands frais de tous les points du globe, pour participer à ces réjouissances, attendirent, dans l’angoisse, l’annonce d’une cérémonie plus lugubre.
Les médecins, effrayés par le souvenir des excès de la jeunesse du prince, par l’échauffement du sang, par la corruption de la chair, d’une part, reculaient devant la responsabilité de l’opération, de l’autre, refusaient à leur malade l’autorisation d’affronter la fatigue des cérémonies publiques qu’ils ne le croyaient pas en état de supporter impunément.
La volonté d’Edouard VII triompha de toutes ces résistances. Il déclara avec une indomptable énergie que, coûte que coûte, il était décidé à ne pas descendre dans la tombe avant d’avoir posé sur sa tête, avec tout l’éclat, avec toute la solennité traditionnels, aux yeux des représentants émerveillés de tout son vaste empire, aux yeux de l’Univers jaloux, la couronne de ses Pères, sa double couronne de Roi et d’Empereur, que les mains avides de la mort semblaient vouloir lui disputer.
 
 
Quelle était, à l’époque du couronnement d’Edouard VII, la situation de ce trône, dont le nouveau monarque gravissait les marches d’un pas si chancelant ? Il était, peut-être plus chancelant encore.
L’Empire semblait presque aussi malade que l’Empereur.
L’Angleterre sortait, à ce moment, de la guerre du Transvaal. Elle en sortait victorieuse, sans dou

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