La Société française - Études morales sur le temps présent
43 pages
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La Société française - Études morales sur le temps présent , livre ebook

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Description

A tout seigneur tout honneur. Par le suffrage universel, les paysans sont les maîtres des destinées de la France. Il est donc de notre intérêt de les bien connaître, afin de savoir ce qu’ils veulent, de pressentir ce qu’ils feront et de prévoir à loisir le sort qu’ils nous préparent. Ce qui frappe le plus, quand on étudie leurs mœurs, c’est qu’il n’y a rien de plus rare chez eux qu’un sentiment politique. Gouvernement parlementaire ou gouvernement personnel, liberté de la presse ou régime discrétionnaire appliqué aux journaux, liberté de réunion ou défense de se réunir, autant de questions qui nous émeuvent, mais qui ne les touchent guère.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346094592
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Alfred Mézières
La Société française
Études morales sur le temps présent
A M. PHEVOST-PARADOL
De l’Académie française
 
CHER MONSIEUR,
Je vous dédie ce travail. Qui pourrait parler de la société française, sans songer aux pages éloquentes de la France nouvelle ? Je ne partage cependant ni toutes vos opinions, ni toutes vos inquiétudes. Mais je crois comme vous qu’il faut déchirer tous les voiles, que la France a besoin d’entendre la vérité, et j’ai essayé de la lui dire sur son état moral, pendant que vous la lui disiez sur son état politique. Il n’y a du reste qu’un pas de l’un à l’autre, et je l’ai souvent franchi pour vous rencontrer.
 
A. MÉZIÈRES.
AVANT-PROPOS
La société française est ici considérée en général. Je ne m’attache qu’aux traits principaux et, si l’on me reprochait de nombreuses omissions, je répondrais que tous les détails ne peuvent tenir dans un tableau d’ensemble. J’ai fait comme le peintre qui, au lien de copier minutieusement tout le paysage que la nature met sous ses yeux, cherche plutôt à en reproduire l’effet général.
Le sujet que j’ai traité m’exposera aussi sans doute à deux reproches très-différents. Les uns m’accuseront de trop d’indulgence, les autres de trop de sévérité. Il y a des gens qui ne pardonnent rien à leur temps, qui le croient pire que tous les siècles précédents et qui se persuadent de bonne foi qu’ils auraient été plus heureux s’ils étaient venus moins tard en ce monde. Cherchez au fond de leur pensée. Vous verrez que d’ordinaire ils s’en prennent à leurs contemporains de leurs propres défauts ou des malheurs que la vie, en tout temps, entraîne avec elle. D’autres, au contraire, s’accommodent de tout, ne voient que le bon côté des choses et s’endorment tous les jours sur le doux oreiller de l’optimisme. Comme rien ne manque à leur bonheur, ils ne s’aperçoivent pas de ce qui manque à celui de leurs voisins ; ils se figurent que la vie n’a d’épines pour personne parce qu’elle n’en a pas pour eux. L’éternelle comédie d’Alceste et de Philinte se joue encore sous nos yeux.
 
Ni l’un ni l’autre ne juge équitablement son siècle. Il vaudrait mieux n’en exagérer ni les défauts ni les vertus. A tout prendre cependant, Alceste est plus utile que Philinte. Une haine vigoureuse pour le mal réveille les âmes que trop de complaisance engourdit. S’il fallait absolument encourir un reproche, j’aimerais mieux qu’on m’accusât de charger les couleurs du tableau que de les adoucir.
 
Je l’aurais fait du reste innocemment, sans le vouloir, sans le savoir. Car je n’ai cherché que la vérité. La seule faveur que je demande au public, c’est de croire à mon impartialité, à mon désir sincère de trouver le vrai et de m’y tenir, sans me laisser entraîner au delà, sans consentir à rester en deçà.
LE PAYSAN
A tout seigneur tout honneur. Par le suffrage universel, les paysans sont les maîtres des destinées de la France. Il est donc de notre intérêt de les bien connaître, afin de savoir ce qu’ils veulent, de pressentir ce qu’ils feront et de prévoir à loisir le sort qu’ils nous préparent. Ce qui frappe le plus, quand on étudie leurs mœurs, c’est qu’il n’y a rien de plus rare chez eux qu’un sentiment politique. Gouvernement parlementaire ou gouvernement personnel, liberté de la presse ou régime discrétionnaire appliqué aux journaux, liberté de réunion ou défense de se réunir, autant de questions qui nous émeuvent, mais qui ne les touchent guère. Il faut en prendre d’avance notre parti. La majorité des électeurs, cette majorité qui en dernier ressort décide de notre politique par ses votes, s’intéresse infiniment moins à la politique dont elle dispose que la minorité à laquelle elle fait la loi. Quel est donc le mobile principal de la vie, le stimulant de l’activité dans nos campagnes ? Il y en a un qui domine tous les autres, qui met tous les esprits en éveil et tous les bras en mouvement. C’est l’intérêt. Riche, aisé ou pauvre, le paysan français veut acquérir, quand il ne possède pas, et s’il possède, s’étendre, arrondir sa propriété. Il travaille avec une indomptable énergie pour devenir le propriétaire du sol qu’il cultive, et dans un temps prochain, il le possédera.
Ne nous en plaignons pas. C’est une loi juste et inévitable qui s’accomplit. Que de villages déjà dont le territoire se compose de plusieurs milliers d’hectares, où pas un pouce de terrain n’appartient à d’autres qu’aux habitants de la commune, où aucun étranger, aucun voisin même ne possède plus rien aujourd’hui et ne pourra plus rien acheter dans l’avenir ! Peu à peu, la terre passe tout entière aux mains de ceux qui travaillent et y restera. La révolution porte là ses fruits naturels et divise sans cesse la propriété jusque-là concentrée dans un petit nombre de familles par le système féodal. Sous ce régime d’égalité, se développent des sentiments très-puissants avec lesquels la politique doit compter, si elle veut s’appuyer sur des indications précises : l’amour du travail, l’esprit conservateur et le goût de l’économie. On travaille pour faire rendre à la terre tout ce qu’elle peut donner, on travaille d’autant plus que le nombre des propriétaires augmentant, celui des mercenaires diminue. Tout ce que deux bras peuvent faire pour améliorer la terre, des millions de paysans le font chaque année sur toute l’étendue de la France 1 . Si leur intelligence et leur instruction étaient au niveau de leur courage, ils tireraient d’un sol aussi fertile que le nôtre d’immenses richesses. On le voit bien partout où les méthodes nouvelles prévalent, où les esprits s’affranchissent enfin de la routine traditionnelle. Quand la réforme pratique de l’agriculture, jusqu’ici trop restreinte, se sera répandue de proche en proche jusqu’aux villages les plus reculés, la valeur productive de la terre augmentera dans une proportion inattendue. Ce sera un nouvel élément de force ajouté à ceux que possèdent déjà les habitants des campagnes.
 
L’esprit conservateur se développe en même temps que le goût de la propriété. Tout changement, toute secousse politique inquiète l’homme qui possède et qui n’aspire qu’à augmenter son bien. Il craint de perdre ce qu’il a ou tout au moins de voir s’arrêter la progression de sa fortune. Il a besoin de tranquillité et de sécurité pour réaliser les projets d’acquisition qu’il nourrit. Une révolution renferme une trop grande part d’inconnu pour qu’il ne s’en effraie pas. Ce mot seul lui fait vaguement entrevoir une aggravation d’impôts, une augmentation possible des sacrifices que le pays lui demande, un temps d’arrêt dans la prospérité publique, et, ce qui le touche bien plus, dans la sienne. Aucune classe de la société n’a moins de tendances révolutionnaires que la masse des paysans. Ils n’aspirent à un bouleversement social que dans le petit nombre de provinces où ils travaillent encore pour le compte des autres, sans espérance prochaine de s’élever au rang de propriétaires fonciers.
 
Quiconque veut acquérir se condamne nécessairement à l’économie. C’est encore la vertu dominante des campagnards, quoiqu’ils soient devenus en général plus sensibles qu’autrefois à certaines jouissances matérielles, quoiqu’ils construisent plus commodément leurs maisons et qu’ils habillent avec plus d’élégance leurs femmes et leurs filles. En tous cas, leurs dépenses n’augmentent

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