La Vieille et la Nouvelle Alsace
35 pages
Français

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La Vieille et la Nouvelle Alsace , livre ebook

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Description

Dans le grand clocher de Notre-Dame, à Strasbourg, nichaient autrefois les cigognes, au long bec, présage de paix et de prospérité.Elles n’ont plus paru depuis de longues années ! Mon âme est triste comme le glas funèbre du vieux clocher !Et, comme je levais la tête, je vis, sur la terrasse de l’église, un groupe de petits soldats, en uniforme jaune et noir, qui lançaient dans les, airs des cris semblables aux croassements des corbeaux.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346118045
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
LE MESSAGER D’ALSACE-LORRAINE
Journal hebdomadaire RÉDACTION ET ADMINISTRATION 84, rue de Vaugirard, 84, PARIS
 
LES MARCHES DE L’EST Recueil mensuel de Littérature, d’Art et d’Histoire Même Librairie
 
 
POESIE
 
Recueil trimestriel d’Art et de Littérature, publié par Maro Dhano, George Gaudlon et Touny-Lerys.
TOULOUSE 19, rue du Taur, 19.
Marc Dhano
La Vieille et la Nouvelle Alsace
IL NE FAUT PAS OUBLIER
Dans le grand clocher de Notre-Dame, à Strasbourg, nichaient autrefois les cigognes, au long bec, présage de paix et de prospérité.
Elles n’ont plus paru depuis de longues années ! Mon âme est triste comme le glas funèbre du vieux clocher !
Et, comme je levais la tête, je vis, sur la terrasse de l’église, un groupe de petits soldats, en uniforme jaune et noir, qui lançaient dans les, airs des cris semblables aux croassements des corbeaux.
Mon âme devint plus triste, car les oiseaux de nuit avaient remplacé nos cigognes bien-aimées.
Sur les dalles de la place publique, devant le merveilleux portique de Saint-Laurent, le bruit d’un pas lourd se fait entendre : c’est un uhlan qui passe, se rendant au poste.
Autour de lui la solitude règne comme dans un cimetière. On dirait qu’il marche sur des sépulcres fermés.
Et voici qu’un régiment arrive, musique en tête, les chevaux mordent le frein, sous la main pesante des cavaliers ; les chefs lèvent fièrement leurs casques brillants, leurs lèvres se plissent de mépris sous leurs moustaches fauves, ils cherchent des regards à travers les portes qui se ferment et sur les balcons qui restent déserts.
La vieille cathédrale m’apparaît voilée d’un crêpe.
Comme elle mon âme se voile d’une plus grande tristesse !
Et, soudain, au milieu de ce deuil universel, d’un trumeau de pierre, enfermant une statuette de la Vierge, je vis sortir — mystérieux enfantement — une hirondelle alerte et vive.
Et ma voix l’interpella comme si elle pouvait m’entendre :
«  — Qu’apportes-tu sous ton aile, fidèle messagère ? Toi, qui viens chercher un refuge dans ces vieux murs à dentelle de pierre, n’as-tu pas peur que le canon trouble ton repos et que le bruit des armes épouvante tes petits ?
Que viens-tu faire sur cette terre d’exil où les corbeaux ont remplacé les cigognes ?
Tu dois venir de France, n’est-ce pas ? Dis-moi ce qu’on pense là-bas et s’il est vrai qu’on nous oublie ? »
Alors comme s’il avait compris mon langage, l’oiseau vint se placer tout près de moi et son bec modela un chant dont je traduisis ainsi les notes précipitées.
«  — Oui, les cigognes ont disparu, car elles n’aiment pas le croassement des corbeaux !
Oui, la solitude règne là où la gatté s’épanouissait autrefois : les fleurs des champs se sont flétries sous la roue des canons, les forts blindés ont remplacé les bois verdoyants. Il n’y a plus ici que des tombeaux et des fossoyeurs !
Voilà pourquoi, moi qui suis la fille du soleil et de la lumière, je suis venue dans ce pays où la nuit règne pour t’apporter, dans mes ailes, un peu de cette France qui ne t’a pas oublié.
Je suis née, l’an dernier, sur les rives fleuries de la Garonne et j’ai dit :
Ce printemps poussons plus loin, peut être qu’en Alsace il n’y a pas d’hirondelles de France :
Dis à tes frères d’espérer, car, chaque année, je reviendrai avec mes petits et nous peuplerons tellement ton pays de notre race que les corbeaux allemands auront peur et s’en iront.
Dis à tes frères d’espérer, car le retour des hirondelles présage celui des cigognes !
Non, on ne vous oublie pas là bas, voilà pourquoi je suis venue, moi, le symbole de la fidélité et de l’espérance ! »
 
 
Et ayant cessé de chanter, l’oiseau s’envola vers la flèche d’or du clocher qu’illumina soudain un rayon de soleil couchant.
 
 
Et, depuis, j’attends vainement le retour des hirondelles, présage de celui des cigognes.
Hélas ! devant le portique de pierre de Notre-Dame, à Strasbourg, les corbeaux règnent en maîtres et répondent seuls par leurs cris sinistres aux chants du coq, quand midi sonne à l’horloge antique !
Et c’est pour cela qu’un enfant d’Alsace-Lorraine a publié les pages qu’on va lire : souvenirs et impressions qu’il n’a pas voulu garder enfouis au fond de son cœur.
Il ne faut pas que toutes les hirondelles de France oublient le chemin de l’Alsace et de la Lorraine ; il faut qu’elles y viennent en attendant le retour des cigognes, dussent quelques-unes y perdre leurs ailes.
Car, il y a quelque chose de plus injuste que la souffrance, de plus cruel que la mort, c’est l’oubli !
Il ne faut pas oublier !
Nous, Alsaciens-Lorrains d’origine, qui vivons en paix sur la terre de France par suite de l’option de nos pères, loin de nos chères provinces annexées par la force brutale de la guerre, nous qui sommes dans un pays qui comme l’a si bien dit René Bazin : « a le charme d’une femme qu’on aime, où les âmes ont des nuances infinies, quelque chose comme une Alsace encore plus belle », au milieu de notre prospérité, de nos affections, de notre bonheur domestique, nous devons garder au cœur le souvenir.
Nous ne devons pas crier : à la revanche ! mais rien ne peut nous défendre d’y penser ; car, peut-être qu’un jour viendra, pacifique et solennel, où la restitution s’accomplira, où l’œuvre de justice se fera. Puisse-t-il s’accomplir sans un coup de canon.
Tant mieux pour notre Alsace ! tant mieux pour notre Lorraine ! tant mieux pour notre France ! tant mieux pour l’humanité et la civilisation !
Ce sera alors le retour des hirondelles et des cigognes qui feront ensemble leurs nids au haut des vieilles cheminées ; ce sera alors le sourire des blondes filles d’Alsace aux jeunes gars des Vosges, l’accueil des sages Lorraines aux montagnards des Ardennes pour la prospérité de leurs races antiques ; ce sera la continuation des plantureux festins où couleront, à pleins bords, le jus noir des myrtilles et l’écume épaisse des houblons ; ce sera enfin le réveil glorieux et reconnaissant des aïeux couchés depuis longtemps dans la mort.
Ce jour, nos générations, celles qui viendront, après nous encore, ne le verront pas sans doute, mais qu’importe, pourvu qu’il nous reste l’espoir à nous qui avons si longtemps désespéré. Les siècles passent, la conscience humaine reste, la bonne semence ne se perd pas.
 
 
Allez, chers souvenirs de mon pays aimé, allez, volez du haut du clocher de Strasbourg, aux dentelles de pierre, du fort imprenable de Bitche, de la ruche bourdonnante de Mulhouse, des flots impétueux du Rhin, du plateau silencieux de Hohembourg, où l’image d’Odile veille sur l’Alsace, comme celle de Jeanne, à Domrémy, veille sur la Lorraine !
Allez, souvenirs de notre vi

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