Les Crimes allemands dans la Picardie dévastée - La guerre en 1917
53 pages
Français

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Les Crimes allemands dans la Picardie dévastée - La guerre en 1917 , livre ebook

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Description

Impressions d’un combattant. Le bruit court depuis une heure, bruit vague d’abord, nouvelle venue on ne sait d’où apportée par on ne sait qui, et déjà passant, rapide, de bouche en bouche, si étonnante qu’on hésite à croire, si bonne pourtant qu’on la répète avec un frémissement dans la voix, bruit léger tout à l’heure, grossi maintenant de mille espoirs confus et qui, brusquement, passe comme un grand coup d’air sur les lignes : « Les Boches s’en vont !Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346087167
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Maurice Thiéry
Les Crimes allemands dans la Picardie dévastée
La guerre en 1917
AU PAYS DE LA RUINE ET DE LA MORT
De Thiepval à Tergnier, en passant par Bapaume, Péronne, Roye, Nesle, Ham, et descendant sur Noyon par Chauny pour aboutir à Lassigny et Ribécourt, c’est partout le même spectacle.
On peut dire qu’il ne reste rien debout dans ce pays, où les routes sont éventrées, les arbres coupés, les villages détruits, les monuments anéantis, les fermes incendiées, et d’où toute vie aurait disparu si le mouvement incessant de nos armées avec leurs fourgons, leurs canons, leurs automobiles, leurs chevaux, leurs trains d’équipage, leurs pontonniers, leurs fantassins et leurs camions ne transformaient en une fourmilière humaine les champs où s’est exercée la barbarie la plus sauvage que puisse concevoir une race monstrueuse.
Quand on a sous les yeux ces visions d’horreur et d’épouvante, on cherche vainement des mots pour en traduire l’impression. Le vocabulaire de notre langue n’en a pas. Essayez d’expliquer que des êtres, qui prétendent au nom d’hommes, aient, pendant deux ans et demi, violenté, pillé, torturé, déporté des populations désarmées et soumises au joug de la conquête, et que, le jour où ils se sont vus contraints de partir, ils se soient vengés sur elles et sur la nature par la destruction frénétique de tout ce qui subsistait sur le sol où elles avaient subi leurs spoliateurs et leurs supplices, vous serez impuissants à rendre et à qualifier cette explosion de bestialité.
Faut-il que ces brutes immondes considèrent les peuples de l’univers comme stupides, pour oser raconter, dans les mensonges ignominieux qu’ils leur débitent, que des raisons stratégiques ont déterminé leurs Ludendorf et leurs Hindenburg à des actes dont l’imagination dépasse les instincts les plus cruels des bêtes auves ! Des raisons stratégiques pour profaner les cimetières, enlever les femmes et les jeunes filles, faire mourir les malades dans les hôpitaux, mettre les vieillards dans la rue, emporter toute la propriété mobilière volée et raser la propriété immobilière, allons donc ! Où sont les imbéciles capables d’ajouter foi à de pareilles insanités ? Où sont les idiots qui croiront que les grands chefs des hordes boches, encouragés et félicités par leur empereur , ont fait preuve de l’invincible génie que leurs admirateurs stipendiés leur attribuent, en faisant sauter les châteaux et les églises, en abattant les croix et les tombes, en fouillant dans les cercueils de plomb pour y chercher des bijoux, en ne laissant dans les vergers que des arbres abattus ou écorcés, en empoisonnant les sources et les puits et en creusant quelques cratères le long des routes ?
Tout au plus compliqueront-ils quelque peu la marche des troupes à leur poursuite. On contournera les trous du chemin, on jettera sur les cours d’eau des passerelles improvisées, on rétablira très vite les voies de chemin de fer endommagées, on créera, derrière les pans de mur brûlés, des abris provisoires pour les soldats habitués depuis de longs mois à la rude vie de la guerre, on suppléera, par des moyens de fortune, aux ressources habituelles d’un pays réduit à la misère, et les auteurs sinistres de ces crimes sans nom en seront pour l’impuissance finale de leur scélératesse, en attendant le grand jour du châtiment et des réparations.
 
S. PICHON.
I
A LA POURSUITE DE L’ENNEMI
Impressions d’un combattant.

*
* *
Le bruit court depuis une heure, bruit vague d’abord, nouvelle venue on ne sait d’où apportée par on ne sait qui, et déjà passant, rapide, de bouche en bouche, si étonnante qu’on hésite à croire, si bonne pourtant qu’on la répète avec un frémissement dans la voix, bruit léger tout à l’heure, grossi maintenant de mille espoirs confus et qui, brusquement, passe comme un grand coup d’air sur les lignes : « Les Boches s’en vont ! »
Ah ! cette minute-là ! Pas d’exubérance, pas de cris, pas de grossier tapage, mais dans les yeux quelle flamme, et sur les lèvres quel sourire ! Et quel désir de partir, de marcher en avant, de poursuivre ; une détente de tout le corps raidi par ces nuits de froid, dégoûté par des mois de boue, un élan de l’âme buvant à plein air l’horizon ! Enfin !
Un aviateur a vu leurs lignes en feu. Un coup de téléphone est venu du ballon. A notre groupe d’artillerie, l’ordre arrive d’allonger le tir, de presser : l’infanterie avance. « Arrosez ! Arrosez ! » Et l’on arrose, avec quelle joie !
Maintenant nous suivons la poursuite aux coups de téléphone qui nous arrivent : « Ordre de ne plus tirer sur la « Ferme sans nom ». — « Ordre de ne plus tirer sur la « Pantoufle ». Et puis le « Cessez le feu ! », l’attente, et l’ordre libérateur : « En avant ! »
Nous partons.

*
* *
Nous avons traversé leurs tranchées au petit jour, nous avons jugé la valeur de leur défense, en soldats ; nous avons vu leurs réseaux protecteurs hachés par nos 75 et leurs abris bétonnés écrasés par nos torpilles, nous avons marqué les coups, et dans tous nos sentiments il y avait plus de mépris pour un peuple odieux que d’éclats de haine.
Mais plus loin, quand nous avons vu... Ah ! les bandits ! Pauvre, chère, adorée terre de France, comme nous t’avons aimée, tous, du même cœur, du même élan, avec les mêmes mots, en te retrouvant meurtrie, dévastée par ces vandales ! De toutes nos âmes de soldats, de nos âmes à nous qui avons souffert, et qui ne nous étonnons plus de tant de choses, un seul cri partait : « Non, non, ce n’est pas cela la guerre ! »
Nous avons traversé les villages dans la dernière flamme des incendies. Des berceaux abandonnés pendaient dans les décombres. Tout brûlait. Il ne reste rien. Ceux qui n’ont pas vu ne peuvent se faire une image de cette épouvantable désolation. Quand nous quittions les villages, nous retrouvions l’uniforme vision de pommiers coupés, de blés retournés, cet acharnement contre la terre qu’ils avaient cru saisir et qu’ils devaient lâcher. Et les premiers Français que nous avons rencontrés parmi ces ruines, quels regards ouverts, quel bonheur encore hébété ! Ah ! ces visages que nous n’oublierons jamais, jamais !
Nous avons reçu de ces confidences qui arrachent les larmes, nous avons senti des cœurs s’épancher avec une émotion poignante, chez tous le même besoin de parler, de tout dire. La délivrance !...
Parmi des décombres, une pauvre femme nous racontait la scène qui avait suivi le départ des Boches exécrés. Le dernier avait fui, les Français risquent un œil, hasardent un pas. Personne. Alors l’un d’eux pousse un cri : « Mais nous sommes les maîtres ! Nous sommes libres ! » A cet instant, un galop de cavaliers. Casques, tenue sombre. Tout le monde se cache... Eux ! Encore eux ! Mais voici des bruits de voix, des appels des Français ! Ce sont des Français !... Casques nouveaux, tenue nouvelle, si différente de celle d’autrefois.
Alors quel cri !
Les maîtres... Etre les maîtres ! J’entends toujours cette dame à qui nous demandions la permission de coucher dans une de ses pièces, nous répondre en soupirant :  — Ah ! Messieurs, vous me demandez une permission, à moi, qui depuis deux ans n’ai jamais reçu que des ordres !
Et comme nous nous excusions de la boue de nos souliers qui allait salir, elle n’eut qu’un cri :  — Ah ! cette boue-là, je voudrais l’embrasser

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