Les Plénipotentiaires de Rastatt
62 pages
Français

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Les Plénipotentiaires de Rastatt , livre ebook

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Description

La première, ou plutôt la seule fois que je visitai le château de Rastatt, — il y a, de cela, bientôt trente ans, — nous avions, mes compagnons de voyage et moi, pour nous guider à travers le dédale des corridors, escaliers, galeries, salons, chambres et retraits divers de la Burg margraviale, une fillette de 15 à 16 ans — la fille du concierge, si j’ai bonne mémoire — laquelle nous détaillait avec un accent tudesque des plus prononcés, mais en un français parfaitement correct, les splendeurs parfois un peu fanées, il faut en convenir, de cette ancienne résidence princière.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346105021
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Paul Huot, Karl Mendelssohn Bartholdy
Les Plénipotentiaires de Rastatt
I
LE THÉATRE DU CRIME
La première, ou plutôt la seule fois que je visitai le château de Rastatt, — il y a, de cela, bientôt trente ans, — nous avions, mes compagnons de voyage et moi, pour nous guider à travers le dédale des corridors, escaliers, galeries, salons, chambres et retraits divers de la Burg margraviale, une fillette de 15 à 16 ans — la fille du concierge, si j’ai bonne mémoire — laquelle nous détaillait avec un accent tudesque des plus prononcés, mais en un français parfaitement correct, les splendeurs parfois un peu fanées, il faut en convenir, de cette ancienne résidence princière.
Nous sachant français, notre cicerone en jupe rouge, tout en appelant notre attention sur les collections scientifiques que renferme l’édifice, sur les tableaux et les panoplies orientales rapportées en ces lieux par le margrave Louis-Guillaume à la suite de ses victoires sur les Turcs, nous signalait, de préférence, avec une perspicacité du meilleur goût, les particularités qui lui semblaient devoir flatter notre orgueil national :  — « Ce tableau est du peintre Gros ; c’est un présent de l’ Empereur Napoléon.  — Cette tapisserie provient de la manufacture des Gobelins.  — Ces tentures ont été fabriquées à Lyon.  — Les vases qui ornent cette cheminée sont en porcelaine de Sèvres.  — C’est dans cette salle que fut signé, en 1714, le traité de paix conclu entre le prince Eugène de Savoie, et le maréchal de Villars.  — L’ Empereur Napoléon a couché dans cette chambre. »
La visite se termina par l’ascension de rigueur au belvédère qui couronne le château et que surmontait — que surmonte sans doute encore, — une statue colossale et dorée de Jupiter armé de la foudre.
Notre cicerone ne nous expliqua pas — et plus d’un, à sa place, en serait sans doute embarrassé — ce que faisait là le souverain des dieux, ni quels Titans il pouvait bien foudroyer, du haut du belvédère de Rastatt ; mais elle nous fit remarquer, avec un légitime orgueil, la vue splendide, les riches campagnes, les divers villages que nous embrassions du regard ; elle nous énuméra avec non moins de satisfaction les nombreux édifices de la ville qui s’étendait à nos pieds, depuis son gymnase jusqu’à sa manufacture d’armes, depuis ses fabriques d’acier et de tabatières en carton, jusqu’au séminaire des maîtres d’école (ce que nous appelons en France : école normale primaire).
Puis, étendant le bras vers les fortifications, fédérales alors, mais aujourd’hui tenues pour badoises à Carlsruhe et pour prussiennes à Berlin, elle nous fit remarquer, dans la direction de Rhinau, une avenue dominée par un formidable bastion, ajoutant, de sa voix la plus douce :
«  — C’est dans cette allée que, le 28 avril 1799, les plénipotentiaires français : Bonnier, Roberjot et Jean Debry furent massacrés par les hussards de Szekler, sur les ordres du gouvernement autrichien. »
A ce moment, un de nos compagnons, plus soucieux de l’heure du dîner que des représentants du Directoire, consulta sa montre. Elle était arrêtée ! Alors, s’adressant à notre jeune guide :  — Mademoiselle, lui dit-il, pourriez-vous nous indiquer, au juste, quelle heure il est ?  — «  (je ne comprends pas le français) » répondit la jupe rouge.
Hilarité générale ; — nous étions jeunes alors ! — bientôt suivie d’une réflexion sérieuse :
Pauvre enfant ! on lui avait seriné sa leçon. Et quel labeur !
Figurez-vous un sénateur ou un député qui ne saurait pas un mot de grec  — les méchantes langues prétendent qu’il y en a — forcé d’apprendre par cœur la première olynthienne de Démosthènes :
« Anti pollón an, ô Andres Athenaïoi, chrêmatòn umas elesthaï nomizô eï etc. »
Hélas ! pour gagner sa vie, elle récitait cette leçon, sans la comprendre, comme ferait le sénateur, comme font, tous les jours, les enfants de chœur, à l’église, en répétant les répons de la messe, les mendiants sur les routes, en marmottant les pater et les ave de leur chapelet, sans savoir un mot de latin.
Rentré à l’hôtel, je consignai ce petit épisode dans mes notes de voyage, en y ajoutant cette réflexion :
« Ne serait-il pas possible que notre fillette de Rastatt fût, à son insu, une plagiaire ? Elle a appris sa leçon dans des guides qui ont copié des historiens  — ou se disant tels — lesquels en avaient copié d’autres. Et ceux-ci ? Où ont-ils pris cette affirmation que les plénipotentiaires français, massacrés par les hussards de Szekler, l’ont été sur les ordres du gouvernement autrichien ?
Quel intérêt avait l’Autriche, dans ce moment, à une si flagrante violation du droit des gens ?
N’est-il pas possible que les premiers qui ont raconté cette histoire en aient, soit de bonne foi, soit à dessein, plus ou moins travesti les détails ? Après eux, la tourbe de ceux qui répètent sans savoir, qui récitent sans comprendre, ont rempli leur office ; mais où est la vérité ? — Question à étudier. »
De vingt à vingt-cinq ans, cette formule : Question à étudier ! ne pèse pas une once. Seulement, en général, on n’étudie pas la question en question.
Il en fut ainsi, cette fois, comme tant d’autres. Le lendemain à la pointe du jour nous partions pour Stuttgard, nous allions de là visiter Augsbourg et Munich, et nous ne rentrions en France que quinze jours plus tard, ne songeant pas plus, alors, aux plénipotentiaires de Rastatt qu’aux sept sages de la Grèce.
Ceci se passait au mois de novembre 1841.
A cette époque, l’illustre compositeur Mendelssohn-Bartholdy était à l’apogée de son talent et de sa gloire.
Pendant notre voyage, partout où nous nous arrêtions assez longtemps pour assister à l’Opéra du lieu, à Carlsruhe, à Stuttgard, à Munich, on nous abordait, dans les entr’actes, par cette ques- tion : Eh bien ! à Paris, applaudit-on toujours notre Mendelssohn ?
Or, c’est un autre Mendelssohn qui me ramène au drame de Rastatt, et voici comment : le compositeur a laissé, entr’autres enfants, un fils, professeur d’histoire, naguère à l’université de Fribourg, aujourd’hui à celle de Giessen (Hesse-Darmstadt).
Il a publié, entr’autres travaux estimés, la correspondance de Gentz, publiciste et diplomate allemand de second ordre, qui fut, pendant 20 ans, le bras droit de Metternich, une sorte de Talleyrand subalterne, aussi peu scrupuleux que son modèle, ce qui n’est pas rare, mais presqu’aussi spirituel, ce qui n’est pas commun 1 . Il y a joint des notes et une introduction qui passe pour le meilleur résumé de l’histoire de l’Autriche au XIX e siècle.
Il s’occupe aujourd’hui d’une histoire complète du Congrès de Rastatt, et il en a détaché pour en former un opuscule des plus intéressants, tout ce qui. est relatif au meurtre des plénipotentiaires français 2 .
C’est ainsi, qu’au bout de 28 ans, je me retrouve en face du problème dont la jupe rouge de 1841 m’avait fait rêver la solution.
A vrai dire, M. Mendelssohn ne donne pas, et ne prétend pas donner la solution de cette mystérieuse affaire ; il en pose seulement les termes, se bornant à établir que le fait n’a pas eu lieu par les ordres du gouvernement autrichien.
Mal lui en a pris — au moins quant à sa tranquillité personnelle.
A Paris et dans le reste de l’ancienne France, malgré les prétendues correspondances étrangères des journaux de diverses nuances, correspondances souvent rédigées rue Montmartre, on ne connaît que très-imparfaitement le véritable état des esprits en Allemagne depuis les évènements de 1866. En Alsace, à deux pas de la frontiè

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