Mémoire au Roi pour le sieur Joseph Lesurques
89 pages
Français

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Mémoire au Roi pour le sieur Joseph Lesurques , livre ebook

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Description

SIRE, Une famille éplorée, dont les malheurs sont connus, depuis vingt-cinq ans, de la France entière, vient les mains suppliantes déposer avec respect et confiance, au pied de votre trône, le récit de ses inexprimables infortunes.Elle ne se présente point seule et abandonnée ; ses humbles supplications ont pour appui le vœu des deux Chambres, les suffrages unanimes de la ville de Douai et le puissant intérêt de toute la députation du département du Nord.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346092826
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Jacques-Barthélemy Salgues
Mémoire au Roi pour le sieur Joseph Lesurques
AU ROI
SIRE,
Une famille éplorée, dont les malheurs sont connus, depuis vingt-cinq ans, de la France entière, vient les mains suppliantes déposer avec respect et confiance, au pied de votre trône, le récit de ses inexprimables infortunes.
Elle ne se présente point seule et abandonnée ; ses humbles supplications ont pour appui le vœu des deux Chambres, les suffrages unanimes de la ville de Douai et le puissant intérêt de toute la députation du département du Nord. Que ne peut-elle y ajouter la haute intercession de ce Prince, dont la fin déplorable sera pour le cœur de Votre Majesté et pour tous les Français l’objet d’une éternelle douleur ! Sire, M gr . le Duc de BERRY avait daigné compatir à nos maux et nous promettre, auprès du trône, sa généreuse protection. Le ciel qui nous a frappé de tant de coups, nous a ravi encore cet auguste soutien.
SIRE, la cause que la veuve et les enfans de l’infortuné Lesurques viennent soumettre aux lumières et à la justice de Votre Majesté, n’est pas seulement celle d’une famille particulière, c’est la cause de la société, celle de l’humanité toute entière. Car quel est l’homme de bien qui puisse se répondre de n’être jamais confondu avec un coupable ? et si des indices trompeurs, des témoignages erronnés suffisent pour conduire un innocent à la mort, quelle est la vertu qui ne doive frémir à l’approche d’une épreuve judiciaire ?
« Souvent, a dit l’immortel d’Aguesseau, une première impression peut décider de la vie et de la mort. Un amas fatal de circonstances qu’on dirait que la fortune a rassemblées exprès pour faire périr un malheureux, une foule de témoins muets et par-là plus redoutables, déposent contre l’innocence. Le juge se prévient, l’indignation s’allume, et son zèle même le séduit. Moins juge qu’accusateur, il ne voit que ce qui sert à condamner, et il sacrifie aux raisonnemens de l’homme ; celui qu’il aurait sauvé s’il n’avait admis que les preuves de la loi. Un évènement imprévu fait quelquefois éclater dans la suite l’innocence accablée sous le poids des conjectures, et dément les indices trompeurs dont la fausse lumière avait ébloui l’esprit du magistrat. La vérité sort du nuage de la vraisemblance ; mais elle en sort trop tard. Le sang de l’innocent demande vengeance contre la prévention de son juge, et le magistrat est réduit à pleurer toute sa vie un malheur que son repentir ne peut réparer. »
SIRE, en lisant ces mémorables paroles, d’un des plus illustres et des plus vertueux magistrats de votre Royaume, on dirait que sa main prophétique a tracé l’histoire de l’homme juste, qui, du fond de son tombeau, réclame, au défaut de la vie, que rien ne saurait lui rendre, l’honneur qu’une mort ignominieuse lui a ravi.
 
Dans tous les temps, chez tous les peuples, lorsque la justice, égarée par des circonstances extraordinaires, s’est détournée, sans le savoir, de la sainteté de ses voies, la puissance suprême est venue au secours de l’innocence opprimée ; elle a réparé l’erreur quand elle était réparable ; elle a rendu la gloire à la vertu flétrie, quand toute autre consolation lui était interdite.
SIRE, Votre Majesté a vécu au sein d’une république dont le Sénat a donné au monde l’exemple mémorable d’une grande et solennelle expiation.
Des juges avaient eu l’irréparable malheur de confondre le crime avec l’innocence, et de faire périr un juste sur l’échafaud. Ce triste évènement devint l’objet d’un deuil universel, et le Sénat s’empressa d’en consacrer la mémoire par des actes d’une justice éclatante.
Un noble Vénitien est frappé, la nuit, d’un coup de poignard. L’instrument du meurtre reste auprès du cadavre. Non loin de là demeure un malheureux boulanger, homme d’un caractère difficile et violent. On le soupçonne ; on l’arrête ; on trouve dans sa maison une gaîne qui s’adapte parfaitement au poignard. Sur ce seul indice, il est condamné au dernier supplice, et subit une mort aussi cruelle qu’injuste.
Peu de temps après, un scélérat est saisi pour un autre crime. Près de mourir, il proclame l’innocence du malheureux boulanger ; il donne tous les détails de l’assassinat ; le Tribunal est confondu par ces tardives lumières. Quel moyen de réparer cette horrible méprise ? Le Sénat s’empresse de rendre à l’honneur la mémoire de l’infortuné : une messe est fondée à perpétuité pour le repos de son ame ; les juges qui l’ont condamné prennent le deuil, et l’on inscrit dans la salle des audiences criminelles ces mots à jamais mémorables : Ricordate vi del povero fornaro : Souvenez-vous du pauvre boulanger.
Depuis ce temps, toutes les fois que les juges se disposaient à porter la sentence d’un accusé, un huissier élevait sa baguette, et leur montrant cette inscription, il leur répétait : Ricordate vi del povero fornaro.
SIRE, les annales de notre barreau renferment aussi de tristes exemples des méprises et des erreurs de la justice. Mais jusqu’à ce jour nulle expiation solennelle n’en a consacré le souvenir. Que dis-je ? L’innocence confondue avec le crime n’a pu souvent obtenir la juste satisfaction due à la mémoire des morts et à l’honneur des familles.
Tel est, SIRE, le sort de la veuve et des enfans de Joseph Lesurques. Depuis vingt-cinq ans leurs sanglots, leurs humbles réclamations assiégent le sanctuaire des lois, retentissent dans toute la France, sans que du sein de la justice, un seul rayon de consolation soit encore descendu dans la tombe de la malheureuse victime.
SIRE, quelle cause plus digne d’être portée au pied de votre trône ! Le récit de tant de malheurs pénétrera dans votre ame royale et touchera votre cœur, ce séjour de tant de vertus, cette source inépuisable de tant de grâces. Que Votre Majesté daigne jeter un regard sur l’exposé suivant. Il contient la vérité ; il est le fidèle résultat de l’examen religieux des actes du procès.
 
 
Le vingt-huit avril 1796 (9 floréal an IV) on apprit à Melun que le courrier de la malle de Lyon avait été assassiné la veille sur la grande route, avec le postillon qui le conduisait, et que tous les effets dont il était chargé avaient été pillés. Cette nouvelle, qui parvint à Paris le même jour, y répandit la consternation. Quels scélérats assez audacieux pour oser un pareil attentat aux portes de la capitale ? La police de Paris et toutes les autorités de la ville de Melun se mirent aussitôt à la poursuite d’un si grand crime. Le juge de paix de la commune voisine du lieu du délit s’y rendit pour y dresser le procès-verbal des faits et des circonstances. On y trouva les corps morts du courrier et du postillon. Le premier avait le col coupé et le corps percé de trois coups de poignard. Le postillon, qui paraissait s’être défendu avec beaucoup de courage, avait une main abattue, le crâne fendu d’un coup de sabre, le corps également percé de trois coups mortels. Sur ce champ de carnage était une houppelande grise, bordée d’une lisière bleu foncé, un sabre cassé et son fourreau. La lame était ensanglantée et portait pour devise, d’un côté : l’honneur me conduit ; de l’autre : pour le soutien de ma patrie. Plus loin un second sabre, une gaîne de couteau, un éperon argenté à chainons, la note des effets remis au courrier, les bottes fortes du postillon à quelque distance, sur le pont de Pouilly.
Les gendarmes, requis à l’instant par les autorités locales, parcourent les lieux voisins pour recueillir des ren

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