Mesdemoiselles de Nesle et la jeunesse de Louis XV
95 pages
Français

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Mesdemoiselles de Nesle et la jeunesse de Louis XV , livre ebook

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Description

1726-1728.La Régence, ce temps d’élégances raffinées et de plaisirs ravissants, était sortie avec peine de la crise brillante du système de Law ; et comme les fils de famille aventureux, le Régent laissait à sa mort une situation financière très-embarrassée. Le choix de M. le duc de Bourbon pour le ministère suprême ne fut ni un hasard, ni un caprice, mais le résultat réfléchi d’une nécessité de liquidation compliquée. M. le Duc, un des habiles financiers de la rue Quincampoix, avait été mêlé comme un des plus forts spéculateurs à toutes les opérations du système ; un des riches actionnaires de la Compagnie des Indes, il avait réalisé une cinquantaine de millions de livres dans la hausse extraordinaire des actions de Law ; les quatre frères Paris, ses amis, avaient été chargés de l’opération du visa qui embrassait tous les éléments de la dette ; le visa était le contrôle des actions pour distinguer les vraies des fausses dans l’immense pêle-mêle des opérations de bourse qui s’étaient élevées à cinq milliards.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346093229
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
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Baptiste Capefigue
Mesdemoiselles de Nesle et la jeunesse de Louis XV
Aucune époque n’a été marquée d’un caractère de plus rare élégance que le règne de Louis XV : beaux-arts, esprit, société polie, tout est ravissant. Quand aujourd’hui encore on veut parler d’une construction gracieuse, de meubles inimitables, trumeaux, porcelaines, encadrements à baguettes d’or, on dit : c’est Louis XV. Le nom de la marquise de Pompadour est resté aux plus élégantes toilettes, et les fouillis de la comtesse du Barry sont des reliques d’art précieuses. Une société qui eut pour peintres Watteau, Lencret, Boucher, Baudouin et Fragonard, doit être l’éternel modèle de la distinction.
Cependant nul temps n’a été plus attaqué, plus flétri : chroniques ordurières, mémoires fabriqués, faux autographes, on ne lui a rien épargné, et ce qu’il y a de plus triste, c’est que ces pamphlets acceptés comme la vérité ont servi de preuves à une multitude d’histoires qui ont la prétention d’être sérieuses,
A ces esprits, je dirai pourtant qu’un règne qui a légué à la France, la Lorraine, le duché de Bar et la Corse doit avoir quelque mérite pour ceux qui aiment la nationalité française ; la bataille de Fontenoy fut la première et seule grande victoire remportée sur les armées anglaises, et quant à l’administration, Louis XV donna un immense développement aux intendances, cette belle institution provinciale ; le chancelier Maupeou créa l’unité de gouvernement, il voulut restreindre la magistrature à ses fonctions judiciaires (ce que, depuis, la révolution de 1789 a accompli). L’abbé Terray fut le véritable ordonnateur des finances régulières, fondées sur l’égalité de l’impôt territorial ; les idées de Law n’avaient été ni étroites, ni insensées. Louis XV développa les compagnies industrielles ; il aima et grandit le systême des fermes, en vertu de cette idée hardie alors et toujours féconde que « l’industrie privée fait mieux et à meilleur compte que l’Etat. »
Ce petit livre est le complément de mes études sur le règne de Louis XV ; il raconte le temps de sa jeunesse et de sa gloire charmante au milieu de cette société de gentilshommes qui avaient noms Richelieu, Soubise, d’Ayen, Lauzun. Notre temps si avide de titres, qui étale avec orgueil son blason d’hier, et où tant de barons, vicomtes, marquis surgissent comme pour danser la sarabande du bourgeois gentilhomme, devrait avoir un peu d’indulgence pour cette noblesse d’autrefois qui eût sa belle part dans l’histoire.
L’ancien régime, c’est la légende de notre histoire ; il ne peut plus revenir, qui le nie ? et qui pourrait même le désirer ? Dès lors, pourquoi ne lui accorderait-on pas un peu de cette justice qu’on doit aux morts ? Quel est ce fanatisme des temps modernes qui jette incessamment de la boue sur les statues des ancêtres ? L’auteur de ce livre n’a pas ce courage ; il vit assurément avec son époque, il en aime le progrès et la civilisation, mais il garde un vieux respect pour les temps qui ne sont plus, aimable époque de loisirs, avec ses belles marquises, ses chanoinesses, ses chevaliers au cordon bleu, ses baillis de l’ordre de Malte, ses officiers gentilshommes aux costumes pimpants. Le théâtre moderne ne vit que par ces inimitables portraits.
Parmi les plus délicieuses figures de ce pastel aux tendres et suaves couleurs, il faut remarquer mesdemoiselles de Nesle, de l’illustre famille dont la vieille tour sur la Seine rappelait les souvenirs du moyen âge. La plus fière, la plus belle de ces quatre sœurs fut la duchesse de Châteauroux ; nouvelle Agnès Sorel, elle réveilla le roi et sa noblesse, elle les jeta sur la frontière quand la coalition menaçait la France.
C’est à ce souvenir que ce travail est consacré ; qu’on le prenne pour ce qu’il veut être, un récit, une peinture et non pas une philosophique dissertation. L’auteur n’en a ni la prétention ni le courage ; il laisse aux faits leur couleur, il respecte dans la tombe cette inimitable génération d’esprit, de beauté, de grâce qui forma le XVIII e siècle. Souvent au Louvre il s’est arrêté dans le petit salon tout rempli de toiles de Wanloo, Boucher, Lancret, Baudoin, images vivantes de ce temps. Demandez la cause de ce qui charme, de ce qui séduit ? On l’ignore, mais on contemple ces groupes animés, cette joie champêtre, ces bergers aux rubans floquetés, ces belles marquises, ces chevaliers aux cordons noirs dans les fêtes de Cour du prince de Condé à l’Isle-Adam, des ducs de Vendôme à Anet, de Madame la duchesse du Maine à Sceaux. Soyons justes, nos clubs, même pour l’amélioration de la race chevaline, l’éducation des chiens, la protection des animaux, nos bals en habits noirs, nos fêtes chauves-souris n’ont pas ce charme. Il n’y a plus de fées, plus de jardins enchantés ; la légende s’en va, l’aimable futilité est en disgrâce ; les femmes seules ont gardé le souvenir du règne de Louis XV, et le nom de Madame de Pompadour vient encore se mêler à tous les parfums du boudoir, à tous les mystères de la beauté.

Paris, novembre 1864.
§ I er
LE GOUVERNEMENT DE LA MARQUISE DE PRIE
1726-1728.

La Régence, ce temps d’élégances raffinées et de plaisirs ravissants, était sortie avec peine de la crise brillante du système de Law ; et comme les fils de famille aventureux, le Régent laissait à sa mort une situation financière très-embarrassée. Le choix de M. le duc de Bourbon 1 pour le ministère suprême ne fut ni un hasard, ni un caprice, mais le résultat réfléchi d’une nécessité de liquidation compliquée. M. le Duc, un des habiles financiers de la rue Quincampoix, avait été mêlé comme un des plus forts spéculateurs à toutes les opérations du système ; un des riches actionnaires de la Compagnie des Indes, il avait réalisé une cinquantaine de millions de livres dans la hausse extraordinaire des actions de Law ; les quatre frères Paris, ses amis, avaient été chargés de l’opération du visa qui embrassait tous les éléments de la dette ; le visa était le contrôle des actions pour distinguer les vraies des fausses dans l’immense pêle-mêle des opérations de bourse qui s’étaient élevées à cinq milliards 2 .
M. le Duc était un homme sec et grand avec de l’esprit, de l’activité, la main large en affaires, le cœur magnifique, aimant le luxe, les bâtiments par-dessus tout ; il embellissait Chantilly avec faste, construisait le château, de vastes écuries pour cinq cents chevaux. S.A. plantait le parc aux vertes pelouses et peuplait de huit cents bêtes de chasse : cerfs, daims, sangliers, les splendides forêts de Chantilly, de l’Ile-Adam et de Montmorency. Les véneries étaient admirablement choisies ; chaque espèce de fauve avait ses bouquets de bois, selon ses instincts, ses appétits ; science forestière aujourd’hui perdue. M. le Due, abandonnant la vieille demeure des Condés au voisinage du Luxembourg, dressait les plans pour construire un palais, en la forme d’un temple, sur les bords de la Seine, près de l’hôtel des Invalides, vieux gens de guerre que les Condés avaient tant de fois menés au feu ! Ce palais devait être moitié de construction grecque, aux portiques et colonnades, moitié de fantaisie moderne : on devait y transporter la belle collection des tableaux de l’école flamande et le riche cabinet d’histoire naturelle qui ornaient Chantilly. Les Condés avaient une rare prédilection pour les sciences physiques et la chimie appliquée aux arts 3 .
Durant le système et ses prodigues folies, M. le Duc s’était attaché à la marquise de Prie, d’une famille de riches fournisseurs, M. Berthelot de Pléneuf, qui avait gagné quelque dizaine de millions dans les dernières campagnes de Villars. Les portraits contemporains reproduisent la marquise de Prie d’une taille svelte, élégante ; son visage d’un charmant ovale était éclairé par de grands yeux bleus sous des cils presque noirs ; ses cheveux élevés sur le

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