Qu elle vive ! L Alsace française, 1870-1914 - Impressions d un neutre
80 pages
Français

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Qu'elle vive ! L'Alsace française, 1870-1914 - Impressions d'un neutre , livre ebook

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Description

DANS son « Voyage aux Pays Annexés », Victor Tissot raconte le trait suivant : Un soir, Louvois, ministre de la Guerre de Louis XIV, avait fait appeler un jeune gentilhomme de la cour de Versailles. — Voulez-vous, lui dit-il, rendre un grand service au roi ? — Je suis prêt à faire l’impossible, si on demande l’impossible, répond le jeune homme en s’inclinant. — On ne vous en demande pas tant, dit Louvois ; seulement, vous allez partir sur l’heure.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346118717
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Joseph Delabays
Qu'elle vive ! L'Alsace française, 1870-1914
Impressions d'un neutre
A SA GRANDEUR
 
MONSEIGNEUR SÉBASTIEN HERSCHER
Archevêque de Laodicée
 
Hommage de reconnaissance.
 
J.D.
PRÉFACE
IL a éclaté enfin le jour espéré pendant quarante-quatre années ! Les pantalons rouges sont apparus sur la crête des Vosges et nos soldats reconquièrent l’Alsace éperdue de bonheur. Sur les coteaux, le clairon retentit ; au milieu des vignes et des bois, le drapeau tricolore s’avance ; l’Alsace entonne la Marseillaise. Les fers de l’Alsace sont rompus. Sur tous les rochers des Vosges, les enfants de l’Alsace écriront éternellement les noms des héros de la délivrance.
Nous tenons la Revanche. Le mot pendant quarante-trois ans répété, fatigué, quasi-discrédité, que nous étions des fous de maintenir, que nous eussions été mille fois plus fous d’abandonner, il est devenu un fait. Revanche ! J’entends la voix des jeunes gens, de mes amis d’Alsace et de Lorraine. Je me rappelle les propos qu’ils m’ont tenus mille fois ; c’était toujours de la Revanche qu’ils parlaient.
 
Ah ! mes chers amis d’Alsace et de Lorraine, vous les vivants, et vous qu’ils martyrisent, et vous qu’ils ont assassinés, la victoire française qui s’avance vers vous. toujours, vous l’aviez prédite. Je me rappelle, j’entends vos voix ; nous étions à quelque table dans la montagne vosgienne ou bien devant l’auberge de quelque village messin. Quelque vieil homme ou bien un jeune garçon, ou parfois, une vaillante femme, des vaincus, des annexés, enfin quoi ! des sujets allemands, nous faisaient la plus haute et la plus solide louange de la France. je n’en puis retenir que l’argument sec. C’est de parti pris que je laisse tomber les sites, les acteurs, les détails, toutes les circonstances qui rendraient vivant le discours. Qu’ils meurent dans l’anonymat et soient glorifiés en masse, les héros de l’Alsace-Lorraine, jusqu’au jour de la justice ! Il suffit qu’on donne à leurs voix un écho, pour que leurs espérances, appuyées sur une expérience douloureuse, viennent à cette heure nous fortifier. Voilà les pensées de libération qui se lèvent des champs où la Fortune, il y a quarante-quatre ans, nous trahit. C’est le chant sublime à la lumière du jour, le salut à l’aurore que le musicien de Fidelio prête à ses prisonniers, quand ils montent sur la terrasse de leurs cachots.
 
Alsace-Lorraine, fille de la douleur, sois bénie ! Depuis quarante-trois ans, par ta fidélité, tu maintenais sous nos poitrines souvent irritées une amitié commune. Les meilleurs recevaient de toi leur vertu. Tu fus notre lien, notre communion, le foyer du patriotisme, un exemple brûlant. Aujourd’hui le feu sacré a gagné la France entière. Tu nous as sauvés de nous-mêmes. A nous de te délivrer Rédemptrice.
Puissent ces pages écrites par un Suisse, ami de la France, retraçant la longue tentative d’assassinat poursuivie pendant quarante-quatre ans sur l’Alsace, de 1870 à 1914, trouver un sympathique accueil auprès du public français !
 
 
MAURICE BARRÈS
I. — 1870
1. — Avant la Catastrophe
DANS son « Voyage aux Pays Annexés », Victor Tissot raconte le trait suivant :
Un soir, Louvois, ministre de la Guerre de Louis XIV, avait fait appeler un jeune gentilhomme de la cour de Versailles.  — Voulez-vous, lui dit-il, rendre un grand service au roi ?  — Je suis prêt à faire l’impossible, si on demande l’impossible, répond le jeune homme en s’inclinant.  — On ne vous en demande pas tant, dit Louvois ; seulement, vous allez partir sur l’heure.  — Je partirai.  — Il faut que vous soyez à Strasbourg, après-demain matin, à six heures.  — J’y serai, dussé-je crever dix chevaux.  — Vous vous posterez à l’entrée du pont du Rhin.  — Je m’y posterai.  — Vous prendrez vos tablettes et vous noterez soigneusement tout ce que vous verrez jusqu’à l’heure de midi.  — Je noterai tout.  — Et vous reviendrez en toute hâte.  — Je reviendrai.  — Eh bien ! partez, dit Louvois, en se levant avec un grand geste dé général d’armée,
Le surlendemain, à six heures, les gardes du pont de Strasbourg virent un Jeune gentil. homme français qui, appuyé sur le parapet, semblait regarder d’un air rêveur les flots du fleuve. Ils le crurent tourmenté de quelque chagrin d’amour et n’y prirent pas garde.
A midi, le gentilhomme rentrait dans son hôtellerie, sautait à cheval, pour reprendre la route de Paris. Louvois avait donné l’ordre de l’introduire immédiatement dans son cabinet.  — Vos tablettes ! vos tablettes ! s’écrie-t-il en courant au-devant de lui.
Il les prend, il les lit :
« A six heures, deux paysans ivres ; à sept heures, une vieille femme avec un âne ; à huit heures, un cheval boiteux ; à neuf heures, des charretiers qui jurent, des femmes qui crient, des enfants qui pleurent ; à dix heures, une sorte de baladin habillé mi-partie de jaune et de rouge, qui crache dans le fleuve et fait des ronds dans l’eau. »
A ces mots, Louvois saute au cou du jeune messager, qui n’y comprend rien, met les tablettes dans sa poche et, prenant son chapeau, descend en toute hâte, se jette dans sa voiture qui l’attend. Une demi-heure après, il annonçait au roi que les notables de Strasbourg demandaient la réunion de leur ville à la France, qu’ils venaient de donner le signal convenu avec le général Mauclar, en faisant passer dans la matinée, sur le pont du Rhin, un homme habillé mi-partie de jaune et de rouge. »
Le 23 octobre 1681, Louis XIV, suivi de sa cour, arrivait à Strasbourg. L’évêque François-Egon l’avait précédé ; il reçut Sa Majesté Très Chrétienne aux portes de l’antique sanctuaire de Notre-Dame. Après avoir reçu les humbles « soumissions » du Magistrat de la ville, le roi assista à un Te Deum solennel. L’occupation de Strasbourg achevait la conquête de l’Alsace ; et Louis XIV fit, à cette occasion, frapper la célèbre médaille avec l’exergue :
. Clausa Germanis Gallia, la France désormais fermée aux Allemands.
Oh ! que le monarque a prophétisé juste, en inscrivant sur la médaille : « La France fermée désormais aux Allemands. »
La France fermée désormais aux Allemands, l’Alsace désormais fermée aux Allemands, mais, c’est en quatre mots, toute l’histoire de l’Alsace, au XVIII e , au XIX e siècle.
En 1708, le maréchal Villars qui défend la ligne du Rhin, écrit dans ses Mémoires : « Je quitte l’Alsace ; les généraux, les troupes en montrent la plus vive douleur. »
En 1744, Louis XV traverse l’Alsace pour aller entreprendre le siège de Fribourg en Brisgau. A cette date, il écrit à la duchesse de Rohan :
« Jamais, le n’ai rien vu de si beau, de si magnifique, de si grand que ce que Je vols depuis que je suis à Strasbourg. Mais, ce qui me fait le plus de plaisir, c’est l’affection que ces peuples me témoignent : ils sont aussi français que les plus vieilles provinces ; je les quitte à regret. »
Voici 2 octobre 1781, Strasbourg célèbre le centième anniversaire de sa réunion à la France. A celte occasion, le Magistrat de la cité, dans son discours, s’écrie :
« Tous les ordres et citoyens de la ville de Strasbourg, jouissant depuis cent ans sous la domination de la France d’une tranquillité et d&

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